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Etudier le vivant est-ce comprendre la vie ?
5 à 7 Philo du dimanche 24 novembre 2019 : 13 participants
Étudier le vivant est-ce comprendre la vie ?
Animé par Mireille et Nathalie
Introduction (par Mireille)
Analyse de la question
« Etudier… »
CNRTL :
Appliquer son esprit à l'acquisition − le plus souvent par la lecture − de connaissances dans différents domaines.
Par un effort intellectuel, acquérir des connaissances dans un domaine précis. Étudier l'anatomie, la chimie,…
Par un effort d'observation et de pénétration, acquérir l'intelligence des êtres, des choses, des faits, découvrir leur nature profonde. Synonyme: analyser, examiner, observer
Encyclopædia Universalis
Chercher à apprendre, ou à acquérir une technique, un savoir-faire ou la connaissance de quelque chose
Chercher à comprendre en examinant (étudier le comportement des concurrents, étudier la nature)
Analyser avec attention, examiner (étudier un dossier délicat)
Par extension, traiter un sujet, rechercher, concevoir
Calculer ses gestes, son attitude
Faire ses études (être étudiant, étudier)
« … le vivant… »
Le vivant est un nom commun (masculin au singulier uniquement) qui comme l’adjectif « vivant » vient du participe passé du verbe vivre qui désigne selon :
le dictionnaire de La Langue Française.
Période de la vie. « Les journalistes, dont il récompensait, de son vivant, les tumultueux éloges, se taisent aujourd’hui. — (Eugène de Mirecourt, Cavour, Achille Faure, Paris, 1867, p. 5)
(Par ellipse) Ensemble des organismes doués de vie. « Cette démarche permet de pressentir, de manière intuitive, une logique du vivant », pour paraphraser François Jacob. — (Jean-Nicolas Tournier, Le vivant décodé : quelle nouvelle définition donner à la vie ?, 2005)
CNRTL
Ce qui a les caractères spécifiques de la vie
Qui a les caractéristiques de la vie, par opposition à ce qui est inanimé, inerte
« … est-ce comprendre… »
Étymologiquement, comprendre, vient du latin comprehendere, dérivé de prehendere (« saisir ») avec le préfixe cum- (« avec »), c'est « prendre avec ».
CNRTL : « Se faire une idée claire des causes, des conséquences, qui se rattachent à telle chose et qui l'expliquent… Comprendre leur principe, leur finalité
Lalande : « En parlant de l’esprit : poser un objet de pensée comme défini.
Alain Rey, Dictionnaire historique de la langue française « Comprendre a reçu aujourd’hui le sens dominant de saisir intuitivement l’essence de qqn ou qqc.
Comprendre est l'acte par lequel l'esprit s'approprie une connaissance. Comprendre, ce n'est pas simplement savoir, mais avoir assimilé la connaissance.
« … la vie ? »
Cnrtl :
« Au sens le plus courant, vie : Fait de vivre; ensemble des phénomènes et des fonctions essentielles se manifestant de la naissance à la mort et caractérisant les êtres vivants. Synon : existence
BIOL. Ensemble des phénomènes énergétiques (assimilation, croissance, homéostasie, reproduction, etc.), évoluant de la naissance à la mort, que manifestent les organismes unicellulaires ou pluricellulaires.
La vie est un phénomène naturel observé à ce jour uniquement sur Terre. La vie se manifeste à travers des structures matérielles appelées organismes vivants, ou êtres vivants, reconnaissables par la grande complexité de leur structure interne et leur activité autonome. »
Larousse :
- Caractère propre aux êtres possédant des structures complexes (macromolécules, cellules, organes, tissus), capables de résister aux diverses causes de changement, aptes à renouveler, par assimilation, leurs éléments constitutifs (atomes, petites molécules), à croître et à se reproduire.
- État d'activité caractéristique de tous les organismes animaux et végétaux, unicellulaires ou pluricellulaires, de leur naissance à leur mort.
- Suite de phénomènes qui font évoluer l'œuf fécondé (zygote) vers l'âge adulte, la reproduction et la mort.
Bichat : « La vie est l’ensemble des forces qui résistent à la mort. »
Ouverture de l'échange
Depuis la nuit des temps l’homme cherche à lever le voile sur le mystère de la vie.
De nombreux auteurs, naturalistes, savants et philosophes de l’Antiquité qui ont étudié les êtres vivants ont rédigé d’authentiques « discours sur la vie ». Étymologiquement, le mot biologie signifie en grec « discours sur la vie ». Ce mot n’est apparut qu’au 19ème siècle on l’attribue à Jean-Baptiste Lamarck il désigne selon le Larousse « L’ensemble de toutes les sciences qui étudient les espèces vivantes et les lois de la vie. ». Depuis est apparut dans le langage le substantif « le vivant » qui englobe l’ensemble des organismes doués de vie.
« Etudier le vivant, est-ce comprendre la vie ? »
A l’éducation nationale la matière qu’on appelait autrefois « sciences naturelles » pour désigner l'enseignement ayant trait à la biologie, à la géologie et l'astronomie et aux sujets connexes est aujourd’hui nommée «sciences de la vie et de la Terre » (SVT). Est-ce pour autant que les jeunes étudiants peuvent prétendre comprendre la vie ? Qui peut prétendre comprendre et définir la vie ?
Résumé des échanges (par Mireille)
Nathalie : Quand nous avons abordé le sujet, nous l’avons d’abord fait du point de vue médical et biologique. Ce qui est important c’est de définir le vivant. Un organisme vivant est auto-organisateur : Son unité est la cellule ; Il est auto-producteur : il produit sa propre énergie ; Il est auto réparateur : c’est la cicatrisation par auto-division des cellules ; Il est auto régulateur : il adapte sa propre température ; Il est auto reproducteur : reproduction sexuée. C’est l’harmonie de ces caractéristiques qui font un organisme vivant.
Mireille : Le vivant a aussi deux autres caractéristiques : L’assimilation : le rôle du métabolisme est de pouvoir transformer ce qui lui est étranger en sa propre substance et la respiration : consommation d'oxygène et rejet de gaz carbonique.
Pascale : Et c’est encadré par la naissance et la mort.
Nathalie : Non, c’est sa vie qui est encadrée par la naissance et la mort, pas le vivant. On peut dire que le vivant est quelque chose, un organisme qui est analysable, la vie est une chose qu’on ne peut pas gérer, c’est un laps de temps entre la naissance et la mort.
Pierre : J’ai été très gêné par la présentation de la question, avec d’un côté « étudier » et de l’autre « comprendre » : Est-ce qu’étudier c’est comprendre ? J’ai appris ma leçon combien de fois et je n’ai toujours pas compris le théorème. On peut étudier les choses sans pour autant les comprendre. Comprendre c’est déjà aboutir, alors qu’étudier est un effort, une tentative pour comprendre. On aurait du dire ; « Une fois qu’on a comprit le vivant, a-t-on aussi compris la vie ? »
Philippe C. : Je voudrais demander des précisions sur cette différence que vous faites entre ces deux notions. J’avoue qu’il y a des choses que je peux étudier et ne pas comprendre et inversement des choses que je comprends sans les avoir étudiées.
Mireille : Le but d’étudier c’est de comprendre.
Nathalie : Quand j’ai abordé la question j’ai essayé de comprendre la différence entre « Vie » et « Vivant » et là je suis tombée sur un paradoxe extraordinaire : Le vivant part d’un tout petit truc tout simple, une molécule qui s’appelle l’ADN, et l’ADN est quelque chose d’inerte, qui n’est pas vivante et pourtant sans ADN il ne peut pas y avoir du vivant.
Pierre : Philippe va nous expliquer ça mieux, mais l’ADN n’est pas la petite graine du départ, c’est un code.
Philippe C. : L’ADN n’est jamais qu’une molécule, c'est-à-dire un ensemble d’atomes qui s’imbriquent d’une certaine manière et qui va donner tel ou tel être vivant ; il n’y a pas deux ADN identiques. Je ne vois pas pourquoi on prend l’ADN comme la référence du vivant. C’est une molécule parmi d’autres. Même les êtres unicellulaires qui sont vivants, ils ont la vie puisqu’ils naissent et ils meurent, mais en dehors de ça ils n’ont pas la même vie que la nôtre. Il me semble très difficile de comparer et de regrouper le vivant en définissant tous les êtres vivants, en prenant l’ensemble. Dans la question « est-ce comprendre la vie ? », de qu’elle vie parle-t-on ? La vie de qui ? A mon avis le problème il est là.
Mireille : On pourrait essayer de répondre à cette question, de définir la vie.
Marie-Thé : C’est ce que je me suis dit quand tout à l’heure vous avez mis en parallèle le vivant et la vie. Mon idée s’est portée sur la vie parce qu’en fait la vie c’est ce qui anime le vivant. Le vivant n’est plus s’il n’a pas la vie. Même une plante est animée ; elle respire, elle se nourrit, se reproduit etc. et a aussi une relation à l’autre. Pour moi la vie est l’animation qui opère sur le vivant ; je ne vois pas comment la vie existerait, que ce soit pour le végétal ou l’animal s’il n’y avait pas l’autre. L’autre, c'est-à-dire l’être avec ses propres caractéristiques, sa façon d’être etc. La vie est aussi tout ce qui me relie aux autres.
Pierre : C’est intéressant d’approfondir cette notion de vie par rapport au vivant. Je pensais au concombre de mer, qui vit au fond des mers, en méditerranée notamment. Ces organismes vivants ont-ils vraiment une vie ? Le vivant est un organisme matériel alors que la vie inclut l’immatériel, c'est-à-dire l’expérience de vie, la spiritualité, le sens que chacun donne à sa vie (je parle pour nous les humains).
Pascale : Là, on se focalise sur la vie humaine, Je n’ai pas compris le sujet comme ça. J’ai compris qu’il s’agissait de savoir si en étudiant les phénomènes du vivant, la théorie de l’évolution etc., on peut comprendre comment et pourquoi tout ça existe. Je n’ai pas cherché à comprendre le sens de la vie pour l’homme, ou le sens que je donne à ma vie, qui est quelque chose de différent et qui, grosso modo, pose le problème des religions, des croyances qui expliquent comment tout ça est apparu et pourquoi.
Mireille : C’est tout à fait comme ça que le sujet a été posé. Spinoza distinguait la vie, qu'il appelait "nature naturante", du vivant "nature naturée". « Par Nature naturante nous entendons un être que par lui-même, sans avoir besoin d’aucune autre chose que lui-même nous concevons clairement et distinctement, lequel être est Dieu. De même aussi les Thomistes ont entendu Dieu par là ; toutefois leur Nature naturante était un être (ainsi l’appelaient-ils) extérieur à toutes substances.
Quant à la Nature naturée, nous la diviserons en deux, une universelle et l’autre particulière. L’universelle se compose de tous les modes qui dépendent immédiatement de Dieu. La particulière se compose de toutes les choses particulières qui sont causées par les modes universels. De sorte que la Nature naturée, pour être bien conçue, a besoin de quelque substance. » C'est-à-dire que le vivant (« nature naturée ») on le voit, c’est du concret, on peut l’observer et l’étudier, alors que la vie (« nature naturante ») est invisible, insaisissable, indéfinissable. S'il est donc impossible d'appréhender la vie en elle-même, en revanche, ses produits, les organismes vivants eux seuls sont observables.
Claude Bernard disait « « S’il fallait définir la vie d’un seul mot, qui, en exprimant bien ma pensée, mît en relief le seul caractère qui, suivant moi, distingue nettement la science biologique, je dirais : la vie, c’est la création…
Quand un poulet se développe dans un œuf, ce n’est point la formation du corps animal, en tant que groupement d’éléments chimiques, qui caractérise essentiellement la force vitale. Ce groupement ne se fait que par suite des lois qui régissent les propriétés chimico-physiques de la matière; mais ce qui est essentiellement du domaine de la vie et ce qui n’appartient ni à la chimie, ni à la physique, ni à rien autre chose, c’est l’idée directrice de cette évolution vitale. Dans tout germe vivant, il y a une idée créatrice qui se développe et se manifeste par l’organisation. Pendant toute sa durée, l’être vivant reste sous l’influence de cette même force vitale créatrice, et la mort arrive lorsqu’elle ne peut plus se réaliser. »
Anne : La vie c’est une énergie, toute énergie n’est pas la vie, la vie c’est un moteur, une force qui anime le vivant.
Pierre : Il y a tout un pan de la médecine, notamment la médecine chinoise, qui est basée sur l’énergie. C’est bien de l’énergie qui conditionne la qualité du vivant.
Mireille : Bergson appelle ça « l’élan vital ». Il distinguait "l'Elan vital" des ses "retombées", la matière. « L’élan vital désigne un processus créateur imprévisible, un courant traversant les corps qu’il organise… Ainsi, cette impulsion originelle de création invente-t-elle des formes de plus en plus complexes…L’élan vital est lui aussi, invention : il réalise des instincts nouveaux, des organes qui n’existaient pas, créant, grâce à sa spontanéité, des formes complexes et inattendues, que de simples combinaisons mécaniques ne sauraient expliquer »
Philippe C. : Les anciens appelaient ça « le pneuma » : la force, le souffle. Aristote dit que l’élément primordial qui donne le pneuma est l’eau.
Mireille : Pour compléter la pensée de Bergson il conçoit par conséquent la vie comme ayant « un élan propre et autonome, qui ne se laisserait diminuer au déterminisme physico-chimique ». En étudiant l’évolution de la pensée par rapport au vivant, je pense que le problème que nous avons aujourd’hui pour aborder ce sujet c’est qu’on a tellement poussé les spécificités, que ce soit au niveau scientifique ou médical, qu’on en a oublié l’origine, l’unité. A l’époque d’Hippocrate, il n’y avait pas la médecine d’un côté, la biologie de l’autre et la philosophie imprégnait le tout. Aujourd’hui on est arrivé à tellement découper la recherche, il y a tellement de spécialisations, qu’on a perdu la finalité de la recherche. Ça a créé des divisions avec le vitalisme qui, selon le philosophe André Lalande, est une « doctrine d'après laquelle il existe en chaque être vivant un "principe vital", distinct à la fois de l'âme pensante et des propriétés physico-chimiques du corps, gouvernant les phénomènes de la vie » ; et en opposition le mécanisme pour qui « la vie n'a aucune spécificité, le monde organique étant entièrement réductible aux lois de la matière. » C’est une conception matérialiste du vivant. Ce que j’ai appris c’est que le vitalisme a été condamné par le pape Pie X car il ne parlait pas de Dieu et s’inscrivait dans un courant agnostique. Aujourd’hui dans la médecine on retrouve ces deux courants. Mais il y a aussi de plus en plus de rencontres entre spécialistes qui tentent de revenir au « tout », à l’ensemble, en mettant leurs connaissances en commun.
Evelyne : J’aurais plutôt envie de mettre la question à l’envers car plus on avance dans la réflexion sur la vie plus on a envie de comprendre le vivant. L’étude de notre propre vie et du vivant vont ensemble.
Mireille : Quand on aborde notre sujet on part sur la biologie et on a tendance à y rester, alors qu’en fait on a la même recherche dans la botanique, dans l’art et dans l’expérience de vie. N’oublions pas qu’étudier c’est observer.
Pierre : Pouvez vous développer, vous parlez de création, vous parlez des arts, pouvez vous détailler un peu, s’il vous plait.
Mireille : Quand Claude Bernard dit « La vie c’est la création » il entend création dans le sens de « Ensemble des êtres et des choses créés ; l'univers considéré comme l'œuvre d'un créateur » En art, surtout dans les arts plastiques, la musique se situant dans un autre domaine, pour créer tout part de l’observation et de la perception que l’artiste a de cette création. Alors on peut être un bon observateur et traduire parfaitement de façon figurative ou abstraite ce qu’on observe, être un bon interprète, un bon technicien ; ou on peut capter et exprimer la vie de ce qu’on observe, alors l’œuvre devient création. C’est cette vie qui va toucher le spectateur de l’œuvre, le toucher non pas seulement au niveau de l’émotion mais l’atteindre au plus profond de son être. Quand j’ai fait mes études artistiques, dans les classes on voyait vraiment ceux qui étaient très bons dessinateurs, très bons peintres, très bon sculpteurs ; même s’ils ne copiaient pas la réalité ils faisaient des compositions parfaites et il y avait ceux qui, parfois plus maladroits, arrivaient par un trait, une forme, une tache de couleur, à évoquer cette énergie vivante qu’est la vie. Ce sont là deux qualités différentes.
Pascale : Ce que vous appelez la vie est peut-être plutôt l’émotion mais justement l’émotion est propre à ce qui est vivant.
Mireille : Ce n’est pas tout à fait ça. Prenons par exemple un arbre, si vous le regardez avec un œil d’artiste, vous allez voir sa forme, sa couleur l’espace qu’il occupe, le ciel autour, bref son environnement et vous allez ressentir une certaine émotion devant cet arbre. Ce qu’il faut arriver à traduire dans une toile c’est la vie qui l’anime, ce n’est pas une question d’émotion. Une œuvre d’art nous touche parce que l’artiste a su capter cette vie et l’exprimer. Je pense par exemple aux ciels de Van Gogh, ils sont tellement pleins de vie, et pas seulement par le mouvement qu’il leur a donné, les formes et les couleurs.
Philippe C. : C’est très lié à un seul sens qui est la vision, que ce soit du côté de l’artiste ou de celui du spectateur c’est la vue qui est sollicitée. Ça reste un élément très important mais dans le cas de l’humain. Les animaux qui ont la vue aussi ont-il la même émotion ? Ce n’est pas sûr mais on n’en sait rien.
Mireille : Je parlais de l’art pour répondre à la question de Pierre, mais ce que tu dis est vrai aussi dans d’autres situations, comme devant un paysage. Vous allez, par exemple, à la Grande Côte, vous regardez l’océan, entendez le bruit des vagues, sentez le vent, vous percevez la vie avec tous vos sens. C’est en ce sens que je disais qu’il n’y a pas que par l’étude scientifique du vivant que l’on peut appréhender la vie, maintenant la comprendre c’est autre chose.
Anne : Je suis entièrement d’accord avec vous et ce que vous décrivez des arts plastiques, moi, je pense exactement la même chose de la musique. L’oreille est tout à fait capable de saisir cette évocation de la vie, au-delà de la technique : les notes, le rythme : les alternances etc... Ce sont d’autres codes mais c’est exactement la même chose avec l’ouïe que ce qui se passe qu’avec la vision et les arts plastiques. Et, pour allez plus loin en ce qui concerne nos amies les bêtes, si je veux que ma petite chatte reste tranquille couchée en boule à mes pieds il faut que je lui mette le Requiem de Mozart, je sais qu’elle aime cette musique, on voit qu’elle est dans le bien-être.
Mireille : Je parlais des arts plastiques parce que c’est mon domaine, mais je suis tout à fait d’accord avec vous. J’ai vu dernièrement un reportage sur l’incidence de la musique sur les plantes et les animaux, avec des expériences de musique dans des serres et dans des étables qui donne des résultats époustouflants sur la qualité des plantes ou du lait.
Anne : Oui il y a eu beaucoup de recherche dans ce sens et pas seulement sur les animaux domestiques, on sait maintenant très bien que l’animal est sensible à la musique.
Evelyne : On sait aussi que les abeilles sont sensibles aux couleurs. On parlait de la création par rapport à la vie, on dit « ah c’est la vie » mais on ne sait pas ce qu’est la vie. Qu’est-ce que c’est ; un concept ? On se pose des questions et plus on se pose des questions plus on va s’intéresser au vivant : les abeilles ; à la vie des plantes etc. Et finalement, ces recherches nous donnent des clés pour comprendre notre propre vie. La création, elle vient peut être des animaux car, quand on voit la ce que font certains oiseaux pour attirer les femelles c’est plein d’inventivité.
Pierre : Donc, Concernant les arts plastiques, les tableaux, je pense à Guernica de Picasso, ou le Cri de Munch, il y a de l’énergie qui passe. Comme pour la musique. Pour nous on peut penser qu’il faut une certaine éducation pour y être sensible. Je pense que si on n’y a pas été initié c’est rare qu’on apprécie l’opéra, le jazz etc. Cette initiation donne une autre dimension à la vie, on vit beaucoup plus intensément. C’est une question d’éducation. Maintenant quand vous parlez des vaches qui donnent plus de lait en écoutant Mozart ce n’est pas de l’éducation, c’est autre chose. Vous avez ensuite parlé du scénario des oiseaux pour attirer les femelles, là on peut dire que c’est de l’inné, c’est écrit dans leurs gènes. Donc il y a différents facteurs qui font qu’on est sensible à cette énergie. Pour parler de vie, j'emploierais volontiers le terme d’énergie.
Philippe C. : Le comportement de l’oiseau ce n’est pas de l’inné. Il a vu ses congénères faire ainsi.
(Débat entre Philippe et Pierre qui ne se mettent pas d’accord sur l’inné et l’acquis des oiseaux et autres animaux, le programme qui s’inscrit dans l’ADN est-il écrit d’avance ou est-ce par l’expérience qu’il s’imprime ? plusieurs personnes racontent leurs observations sur les comportements de l’animal).
Evelyne : Il y a des phénomènes que l’on n’explique pas. Des scientifiques ont fait une expérience sur deux îles : ils y ont mis des couples de singes, ils avaient des pommes de terre à manger qu’ils devaient déterrer. Au début ils mangeaient les pommes de terre avec la terre, puis à un moment un singe a eut l’idée d’aller la laver dans l’eau de mer, sur l’ile tous les autres singes l’on imité. Ce qui est étonnant c’est qu’au bout d’un moment sur l’autre île les singes ont fait la même chose. Comment ont-il transmit l’information ?
Pierre : Pour les humains c’est pareil la maitrise du métal fondu ou de l’écriture est apparue presque simultanément dans les différents continents. Pourquoi voulez vous qu’il y ait un message passé d’une île à l’autre ? On peut très bien imaginer que dans l’évolution des singes ils soient arrivés à la même conclusion indépendamment les uns des autres.
Mireille : Je suis assez d’accord. Teilhard de Chardin disait que si l’on est seul dans le désert et que l’on pense à quelque chose, cette pensée ressortira plus ou moins instantanément ailleurs dans le monde. C’est le phénomène de la transmission de pensée qui est expérimenté et constaté mais pas encore expliqué.
Anne : On est quand même dans l’empirisme quand on dit « je crois », mais cependant, je crois à la communication non verbale, les ondes etc. Il y a plein de champs que nous, humains, nous n’avons pas du tout explorés et il ne faudrait pas être trop prétentieux en pensant que ce qui échappe du cadre de nos sciences n’existe pas. Il me semble qu’il y a quelque chose au niveau des ondes qui échappe à notre compréhension cela ne veut pas dire que ça n’existe pas.
Marie Claude : Je trouve que nous ne faisons pas assez la différence entre constater quelque chose et la comprendre. Notre question c’est un petit peu « qu’est-ce que la vie ? » On constate beaucoup de choses mais que comprend-on de tout ça ?
Pascale : La question c’est « est-ce qu’il y a un sens à ça ? Quelle est la finalité ?»
Anne : Derrière le mot « sens », nous humains nous mettons immédiatement la logique. Pour qu’il y ait un sens il faut établir une relation logique de cause à effet. Si ça n’a pas de sens on pense « ça sert à quoi ? », comme si le concept de gratuité ne pouvais pas être quelque chose de tout à fait acceptable sur le plan scientifique.
Marie Claude : Il faudrait relire la définition de comprendre
Pierre : Mireille l’a bien dit en introduction, mais le sens qu’elle donne aux mots de la phrase n’est pas le sens commun actuel que nous leur donnons tous. Pour elle comprendre...
Mireille : Attends, ce n’est pas pour moi, on est en philosophie…
Pierre : Oui, mais pour nous comprendre veut dire quelque chose de précis : j’ai compris la leçon, j’ai compris cette démonstration, j’ai compris ce que tu veux me dire etc. Mais, dans la terminologie philosophique, le mot a une toute autre acception que Mireille va nous rappeler.
Mireille : Étymologiquement, comprendre, vient du latin comprehendere, dérivé de prehendere (« saisir ») avec le préfixe cum- (« avec »), c'est « prendre avec ».
CNRTL : « Se faire une idée claire des causes, des conséquences, qui se rattachent à telle chose et qui l'expliquent… Comprendre leur principe, leur finalité »
Lalande : « En parlant de l’esprit : poser un objet de pensée comme défini. »
Alain Rey, Dictionnaire historique de la langue française « Comprendre a reçu aujourd’hui le sens dominant de saisir intuitivement l’essence de qqn ou qqc.
Comprendre est l'acte par lequel l'esprit s'approprie une connaissance. Comprendre, ce n'est pas simplement savoir, mais avoir assimilé la connaissance. »
Pierre : Dans mon dictionnaire à moi, cum-prendere ; cum ce n’est pas « avec » mais « dans son ensemble » le Littré dit « embrasser dans son ensemble ».
Pascale : C’est un autre sens de comprendre, je dirais d’une manière matérielle par exemple : la maison comprend 5 pièces. Ce n’est pas ce sens dans notre question.
Nathalie : J’ai un petit peu de mal à vous suivre. On s’interroge beaucoup sur la compréhension de la vie, mais on ne s’interroge pas sur le vivant. Aujourd’hui on a quand même des gens qui sont convaincus d’avoir compris la vie et s’arrogent le pouvoir de manipuler le vivant. Qu’est-ce que ça va produire, on en sait rien. L’homme est entrain de se prendre pour Dieu. Dans notre préparation nous nous sommes beaucoup interrogées sur le vivant, je ne m’attendais pas à ce qu’on échange autant sur la problématique de la vie. Pour vous y a-t-il une priorité à la compréhension de la vie ?
Pierre : Il y a une explication à ça : c’est que la vie nous en sommes tous acteurs.
Nathalie : De ta propre vie dans le sens où tu vis, mais pas de la «Vie »
Pierre : Parce que personne d’entre nous ne pense à la mort ?
Mireille : On n’a pas dit ça. Il y a la vie personnelle qui est ce que je suis et fais entre ma naissance et ma mort là oui on en est acteur. Mais on ne parle pas d’elle, on parle de « la Vie » qui anime le vivant.
Nathalie : François Xavier Bichat a dit « Un être vivant est un être possédant un principe vital. Ce principe vital correspond tout simplement à l’ensemble des forces qui s’opposent à la mort »
Pierre : Alors comment vous définissez la vie telle que vous le souhaitez ?
Nathalie : C’est le principe vital qui fait que j’ai une vie entre ma naissance et ma mort, que je suis vivante. Le vivant c’est autre chose, et c’est pour nous le plus important dans l’histoire. C’est notre société qui nous amène à nous interroger sur le vivant et la vie parce qu’on constate tous les jours qu’il y a des manipulations génétiques sur le vivant : les OGM, il y a les bébés éprouvettes etc. Quand on me dit que si jamais on casse cette plus petite molécule qu’est l’ADN, « si elle est brisée en élément plus petits, les éléments ne partagent plus les propriétés de la substance ». Je me demande si nos scientifiques qui, aujourd’hui sont en train de jouer avec tout ça, ne sont pas en train de gâcher la vie future ? En jouant comme des apprentis sorciers sur le vivant ne sont-ils pas en train de transformer la vie ?
Pascale : En fait ce que tu poses comme question c’est la place de l’homme dans la nature.
Pierre : Je vais finir l’idée que j’avais tout à l’heure. Pourquoi on ne va pas sur le vivant mais sur la vie car, la vie c’est ce qu’on pratique, l’élément dans lequel on est acteur, alors que l’étude du vivant il faut l’œil sur le microscope, c’est un travail de scientifique, on n’est pas tous à même de le faire. Tu as parlé de tas de choses qui se font sur le vivant, mais ce sont des informations indirectes que l’on a par les médias, des lectures etc. Est-ce que, nous, nous avons une activité concernant le vivant ? Alors que la vie, on en est concernés en premier chef.
Philippe C. : Je réponds à Pierre ; je pense qu’il y a une urgence, c’est pour ça qu’on en parle.
Nadine : Il y a tant de formes de vie, c’est ça surtout, l’arbre il est vivant ; et puis, effectivement, il y a autant de forme de vie que d’individus, c’est à l’infini. Et pour parler des manipulations, de ceux qui veulent choisir le sexe dans le ventre de la mère etc., c’est ce qu’on appelle des mauvais génies, des gens qui se croient au dessus de tout, et justement ce qu’il y a avant tout au dessus de l’homme c’est la nature. Il y a un proverbe chinois qui dit « L’homme assagit la nature, mais la nature finit toujours par rendre l’homme fou »
Pascale : Qu’est-ce que vous entendez par au dessus ?
Nadine : La nature est plus forte que nous. On l’a malmenée, elle est entrain de nous le rendre.
Mireille : C’est le sujet du prochain café philo. A propos de la définition de la vie Claude Bernard dit « S’il fallait définir la vie d’un seul mot, qui, en exprimant bien ma pensée, mît en relief le seul caractère qui, suivant moi, distingue nettement la science biologique, je dirais : la vie, c’est la création…
Quand un poulet se développe dans un œuf, ce n’est point la formation du corps animal, en tant que groupement d’éléments chimiques, qui caractérise essentiellement la force vitale. Ce groupement ne se fait que par suite des lois qui régissent les propriétés chimico-physiques de la matière; mais ce qui est essentiellement du domaine de la vie et ce qui n’appartient ni à la chimie, ni à la physique, ni à rien autre chose, c’est l’idée directrice de cette évolution vitale. Dans tout germe vivant, il y a une idée créatrice qui se développe et se manifeste par l’organisation. Pendant toute sa durée, l’être vivant reste sous l’influence de cette même force vitale créatrice, et la mort arrive lorsqu’elle ne peut plus se réaliser. » Ça me rappelle un échange que nous avons eu à propos de l’identité, où nous disions « je suis bébé, je suis moi et sur mon lit de mort je suis encore moi ». J’ai souligné « Dans tout germe vivant, il y a une idée créatrice qui se développe et se manifeste par l’organisation. », la science étudie cette organisation, le vivant, les effets sur la matière de cette « force vitale créatrice », mais pour autant est-ce que cette étude nous fait comprendre la création et l’origine de cette « force vitale créatrice » ? Cette idée créatrice d’où vient-elle ?
Nathalie : J’ai fini mes recherches avec une phrase de Pascal que j’ai adorée. « La dernière démarche de la raison est de reconnaitre qu'il y a une infinité de choses qui la surpassent »
Nadine : Je crois que c’est Hamlet qui disait « Il y a sur la terre et dans le ciel tellement de choses que toutes les philosophies du monde ne pourront jamais expliquer. »
Nathalie : Il y a aussi ce proverbe grec qui dit « L’ignorance est la véritable mort, combien de morts parmi les vivants ? »
Mireille : Il y a une idée qui est intéressante, on est d’accord ou pas avec elle, c’est celle de Nietzsche « La vie est, à mes yeux, instinct de croissance, de durée, d’accumulation de force, de puissance : là où la volonté de puissance fait défaut, il y a déclin… Partout où j’ai trouvé du vivant, j’ai trouvé de la volonté de puissance ; et même dans la volonté de celui qui obéit, j’ai trouvé la volonté d’être maître. Et la vie elle-même m’a confié ce secret : “Vois, m’a-t-elle dit, je suis ce qui doit toujours se surmonter soi-même ». C’est pour ça que je ne suis pas du tout inquiète pour l’avenir, même si nous cassons tout, la vie sera plus forte que nous. Elle va renaître, on le voit bien quand on coupe un arbre et que quelques années plus tard il va ressortir de terre à côté.
Pierre : Puisqu’on en est à parler de ces choses-là, je trouve que l’homme est tellement bien adapté à la terre, que c’est pure folie que de délaisser ce joyau qu’est notre terre pour s’imaginer aller s’installer sur une autre planète, Mars ou ailleurs et la coloniser.
Pascale : En réponse à ce qui a été dit tout à l’heure, il faudrait arriver à se dire « après tout nous ne sommes que des hommes au milieu de cette nature, ce n’est pas bien grave si on disparait ». Je pense quand même qu’il faut mettre tout en œuvre pour éviter ça.
Anne : Je ne pense pas qu’il faille être fataliste et baisser les bras en se disant « tant pis pour nous » On pense que la nature est plus forte que nous parce qu’on a fait beaucoup de dégâts.
Mireille : Dans tous les films ou les romans de science-fiction, il y a toujours quelques survivants qui vont s’adapter à cette terre dévastée, il y a des mutations. On n’est déjà plus semblable à l’homme des cavernes et on peut très bien s’imaginer que, même sans grande catastrophe dévastatrice, l’homme de demain ne sera pas comme nous.
Anne : Il me semble qu’il y a beaucoup d’égocentrisme dans cet appel à l’évolution, au fait d’être capable de faire confiance dans l’intelligence humaine pour s’adapter à de nouvelles conditions. Il me semble que ça va aussi avec l’idée qu’avec notre magnifique raison, notre intelligence humaine on arrive à se dégager d’un certain égocentrisme, d’une certaine volonté de puissance qui, certainement, a beaucoup pesé sur notre rapport à la nature.
Fermeture des échanges (par Mireille)
On a vu que comprendre quelque chose voulait dire « Comprendre son principe, sa finalité ». Si je peux approfondir mes connaissances du vivant et expliquer (synonyme de comprendre) son fonctionnement, je ne peux expliquer ni l’origine de la vie ni sa finalité.
« La vie, je la comprends de moins en moins, et je l'aime de plus en plus » disait Jules Renard, dans son « Journal »
Je me suis penchée sur la symbolique de « l’Arbre de Vie ». Le récit le plus ancien qui le mentionne est celui de la Bible dans la Genèse. Cependant, la foi chrétienne est loin d’être la seule religion ou système de croyances à faire référence à un arbre de vie. Dans l’Islam, on l’appelle l’Arbre de l’immortalité, et dans le judaïsme, Etz Chaim, qui est l’hébreu d’arbre de vie. D’autres références apparaissent dans l’hindouisme, le bouddhisme et le paganisme.
Je terminerai donc par un bref extrait de la Genèse qui, comme tous les textes sacrés ou mythologiques pleins de sagesse et d’enseignements, donne à réfléchir.
La Genèse (2:8-9):
« L'Eternel Dieu façonna l'homme avec la poussière de la terre. Il insuffla un souffle de vie dans ses narines et l'homme devint un être vivant.
L'Eternel Dieu planta un jardin en Eden, du côté de l'est, et il y mit l'homme qu'il avait façonné.
L'Eternel Dieu fit pousser du sol des arbres de toute sorte, agréables à voir et porteurs de fruits bons à manger. Il fit pousser l'arbre de la vie au milieu du jardin, ainsi que l'arbre de la connaissance du bien et du mal.L'Éternel Dieu donna cet ordre à l'homme: « Tu pourras manger de tous les arbres du jardin; mais tu ne mangeras pas de l'arbre de la connaissance du bien et du mal, car le jour où tu en mangeras, tu mourras… »
(L’homme goutât au fruit défendu de l’arbre de la connaissance)
Alors, « L'Éternel Dieu dit: Voici, l'homme est devenu comme l'un de nous, pour la connaissance du bien et du mal. Empêchons-le maintenant d'avancer sa main, de prendre de l'arbre de vie, d'en manger, et de vivre éternellement. »
Que vous ayez été présent ou non à cette rencontre, si vous voulez apporter un complément à ce débat, n’hésitez pas à faire un commentaire en cliquant ci-dessous. Vous pouvez être avertis des commentaires faits en vous inscrivant à la Newsletter (en bas de la page à gauche). Merci pour votre participation
Exceptionnellement il n’y aura pas de rencontre en octobre on se retrouvera le Dimanche 26 janvier (même heure, même lieu)
La question choisie à mains levées, est « La Nature peut-elle servir de modèle ? »
Le thème choisi pour le 23 février est « La nature ». Préparez vos questions.
Mireille PL
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Commentaires
Qu’est-ce que la vie ? Personne ne le sait et c’est ce qui motive les chercheurs. Peut-on dissocier la Vie de la vie de chacun d’entre nous ? Et c’est quoi vivre ? (question que j’ai inscrite depuis longtemps sur ma voiture, histoire de faire réfléchir le passant…)
J’imagine la Vie comme une sorte de pulsion, d’énergie qui parcours le vivant. Mais là encore, qu’est-ce que l’énergie, mot valise, mot fourre-tout s’il en est, qui peut renvoyer à toutes sortes de croyances. Et l’énergie des volcans, de la mer, du vent, l’énergie des trous noirs, « la matière noire », les gluons, que sais-je ; quelle place a-t-elle dans le vivant ? Car la vie vient aussi de tout cela (à moins qu’un dieu, mais il suffit alors d’y croire…), et nous n’en sommes pas plus avancés.
Je me sens vivante devant les œuvres de la nature, et aussi devant les œuvres d’art : des perceptions visuelles, auditives, olfactives, tactiles, gustatives - simples sensations qui peuvent laisser indifférents les uns, enthousiasmer les autres. Pour certains, quelque chose de plus, vibration de l’ordre de l’indéfinissable, une faculté qui, me semble-t-il, dépasse les simples organes des sens et irrigue au plus profond. Qu’est-ce ? De l’énergie, du vivant, un mystère que l’on s’acharne à vouloir nommer Dieu, Spiritualité ? Énigmatique « je ne sais quoi », pour dire comme Jankélévitch.
Pour faire suite au beau commentaire de Nounedeb (Anne Herve) : Gilles Deleuze écrit dans Pourparlers : « un artiste ne peut pas se contenter d'une vie épuisée, ni d'une vie personnelle.On n'écrit pas avec son moi, sa mémoire et ses maladies. Dans l'acte d'écrire, il y a la tentative de faire de la vie quelque chose de plus que personnel, de libérer la vie de ce qui l'emprisonne. […] Il y a un lien profond entre les signes, l'événement, la vie, le vitalisme. C'est la puissance de la vie non organique, celle qu'il peut y avoir dans une ligne de dessin, d'écriture ou de musique. Ce sont les organismes qui meurent, pas la vie. Il n'y a pas d'œuvre qui n'indique une issue à la vie, qui ne trace un chemin entre les pavés. Tout ce que j'ai écrit était vitaliste, du moins je l'espère… »