• 5 à 7 Philo du dimanche 25 février 2017 : 21 participants 

    L’intuition s’oppose-t-elle à la raison ?

    Introduction  par Mireille 

    Analyse des termes de la question

     « L’intuition… » :

    Etymologiquement, l’intuition vient des mots latins in (en, dans) et tueri (regarder attentivement, contempler). Intueri signifie donc l’acte de regarder attentivement à l’intérieur de soi, voir de l’intérieur.

    Dans le dictionnaire, l’intuition est définie comme une « connaissance soudaine, spontanée, indubitable », une « connaissance directe, immédiate de la vérité, sans recours au raisonnement, à l’expérience ». Elle désigne le pressentiment de ce qui est ou doit être, l’acte de percevoir ce qui nous est inconnu, sans pouvoir l’expliquer ou l’argumenter.

    « … s’oppose-t-elle … » : (Larousse)

    Être totalement différent, contraire, incompatible  

    Faire obstacle à quelque chose, aller contre, y être contraire

    « … à la raison ? »

    Le mot raison vient du latin « ratio » accusatif de rationem, qui désigne, en premier lieu, une « mesure », un « calcul », la « faculté de compter ou de raisonner », une « explication », (cf. dictionnaire Gaffiot).

    La raison est généralement considérée comme une faculté propre de l'esprit humain. C’est un des grands sujets débat de la philosophie. Qu’est-ce que la raison ?

    Le dicophilo discerne deux sens :

    Un sens subjectif, qui est la faculté de connaître, de bien juger, de discerner le vrai et le faux ou le bien et le mal.

    Et un sens objectif, un élément posé comme cause ou motif de quelque chose.

    On peut retenir trois directions du mot raison :

    1.  La raison comme calcul, logique, qui renvoie à ce que l’on nomme le rationnel 

    2.  La raison comme discours, parole argumentée et discutée, qui renvoie à ce qu’on nomme le raisonnement 

    3.  La raison comme fondement, comme raison d’être, principe de ce qui est, qui renvoie à ce qu’on nomme la cause. 

    « L’intuition s’oppose-t-elle à la raison ? » : L’intuition, cette connaissance soudaine, spontanée, ce pressentiment de ce qui est ou doit être, est-elle vraiment en contradiction avec cette connaissance rationnelle des choses acquise par déduction de l’expérience, ou ces deux chemins vers la connaissance sont-ils complémentaires ?

    Débat

    Karel : Le mot opposer pose question : est-ce qu’il s’agit d’une opposition ou d’un autre regard, avoir un autre avis de valeur ?

    Monique : Mireille dans sa présentation a donné la réponse puisqu’elle a dit que ce n’était pas forcément une opposition, qu’il pouvait y avoir des nuances.

    Karel : Elle a dit ça par rapport à la raison.

    Mireille : Non, j’ai posé la question « L’intuition, cette connaissance soudaine, spontanée, ce pressentiment de ce qui est ou doit être, est-elle vraiment en contradiction avec cette connaissance rationnelle des choses acquise par déduction de l’expérience, ou ces deux chemins vers la connaissance sont-ils complémentaires ? »

    Karel : Dans le sujet on demande si intuition et raison s’opposent. Pour moi le verbe « opposer » c’est très contradictoire, on s’oppose à quelqu’un, pour moi c’est négatif.

    Brouhaha :

    Philippe C. : Je veux juste sortir une phrase de Molière «  Raisonner est l’emploi de toute ma maison, et le raisonnement en bannit la raison. ». Ça veut tout simplement dire que la raison n’est pas forcément ce que je préfère. L’intuition me paraît aussi un très bon moyen de communiquer, d’échanger et surtout d’accéder à un certain nombre de connaissances que la raison, tout au moins la mienne telle qu’elle est, ne me permet pas d’acquérir.

    Mireille : On peut peut-être partir sur ce que chacun d’entre nous pense de l’intuition : Qu’est-ce que c’est ? Comment on la vit ?

    Jacques A. : Pour moi l’intuition n’est pas un chemin tracé à l’avance, il nous appartient alors qu’on n’en a pas conscience ; alors que la raison se trace parce qu’on a un raisonnement conscient. L’intuition, selon moi, appartiendrait plus au cerveau reptilien qui est là pour qu’on survive ; je pense que derrière l’intuition il y a une question de survivance. L’intuition est là en cas de difficulté, une maman, par exemple, est là pour protéger son enfant même si elle n’a pas fait des cours de puériculture, elle sait ce qu’il faut faire par intuition, il n’y a pas d’apprentissage. Je pense que dans notre monde moderne il y a une porosité entre l’intuition et la raison pour enrichir la connaissance c’est ce qu’on appelle l’approche systémique. Je pense qu’initialement l’homme des cavernes ne fonctionnait qu’à l’intuition.

    Philippe C. : Je me demande ce qui vous permet de dire ça de l’homme des cavernes ?

    Jacques A. : Oh, c’est un raccourci. Selon les neurosciences actuelles, notre cerveau est composé de différentes parties, l’origine étant le cerveau reptilien, puis le cortical etc., on a besoin de survivre et on a des réflexes de survie dans certaines circonstances qui ne sont pas liés au raisonnement, on ne sait pas à quoi ils sont dus, ça vient de notre profondeur. On le voit dans la formation de certains métiers où c’est très difficile, comme chez les pilotes de ligne, on les forme pour qu’ils réagissent en cas de problèmes et là les formateurs se battent pour que les pilotes ne raisonnent pas mais s’en remettent à leur intuition.

    Michel : Là on parle de cerveau reptilien et compagnie, en conséquence de quoi on peut dire que le raisonnement c’est aussi l’instinct ; on se pose la question de savoir si l’instinct c’est de l’acquis ou du prémâché. On prend l’exemple d’un petit chat qui n’a jamais vu d’oiseau : dès l’instant où il voit quelque chose qui bat des ailes il n’a qu’une envie c’est de lui faire sa peau ? Donc, je pense qu’au niveau du raisonnement et de l’instinct est-ce qu’on est dans le même cas ? Il se peut que suivant des normes au niveau de la physionomie d’une personne, on soit capable, s’en sans rendre compte, d’avoir l’intuition de ce que la personne qui est face de nous a comme sujet, on le ressent. Donc il y a toujours l’inné et l’acquis qui rentre dans le système et quand on fait un raisonnement, est-ce que ce raisonnement vient d’une expérience sur de l’acquis, ou sur de l’inné ?

    Monique : On peut peut-être prendre l’exemple des inventeurs, des chercheurs qui suivant une intuition vont travailler et trouver quelque chose, et leur raison va dire que c’est valable, que c’est une bonne chose, une bonne invention. L’intuition peut déboucher sur la raison.

    Evelyne : Dans l’intuition, pour moi, il y a une notion d’émotion qui évidement ne se trouve pas dans la raison, c’est ça qui les oppose. On peut peut-être creuser sur la partie émotionnelle de l’intuition.

    Françoise : Pour toi il y a une différence entre la raison et l’intuition ?

    Evelyne : Quand Archimède a dit « eurêka » c’est une intuition, s’il avait trouvé après avoir réfléchi longtemps et déduit des tas de choses il n’aurait peut-être pas eu le même résultat.

    Françoise : Oui, je suis tout à fait d’accord, le lien a été fait.

    Karel : Madame, vous parlez d’émotion, ça me fait penser au VAKOG , les cinq sens :  Visuel, Auditif, Kinesthésique, Olfactif, Gustatif », on parle du VAKOG externe et du VAKOG interne. Donc, effectivement vis-à-vis d’un être humain ou d’un animal ou de toutes choses, on a une émotivité, et l’intuition arrive juste après selon cette émotivité qu’on a eue quel que soit le sens qu’on utilise.

    Jacques : Oui, je suis d’accord sur cette notion que l’instinct procède des sens et procède d’une émotion immédiate, étant entendu qu’après cette émotion immédiate, le raisonnement peut être mis en branle. C'est-à-dire qu’on peut entreprendre un certain raisonnement qui fait appel à la raison, il peut y avoir une succession de sensations, donc d’intuitions qui sont suivies d’une succession de raisonnements. Donc il y à la fois une opposition mais aussi une complémentarité.

    Evelyne : Je voulais juste dire pour compléter, quand je parlais d’émotion, ça procède d’une émotion, comme dit monsieur, mais ça provoque une émotion. Et le côté émotionnel il est des deux côtés, une fois qu’on a trouvé quelque chose l’émotion est extraordinaire. On a une espèce de vague d’émotion et c’est comme ça que la créativité dans les arts etc. procède aussi.

    Pierre : J’ai du mal à associer le mot « intuition » et le mot « émotion ». Je peux citer un exemple dans lequel s’affronte l’intuition et le raisonnement : Chez nous on a un projet de création d’un éco-hameau et on a fait appel à un architecte, on lui a dit « voilà, il faut poser 10 maisons. Dans la partie qui est proche de notre maison actuelle, il en a posé 2, dont une dont je ne veux pas, parce que j’ai l’intuition que si il y a une maison devant la maison actuelle, ça ne va pas gazer. Donc s’affronte là quelque chose de rationnel, de mesuré, de normé : il faut tant d’espace entre les maisons, qu’elles soient dirigées au sud etc., tout un tas de bonnes raisons avancées par l’architecte, et cette intuition que j’ai qui est née du rassemblement de diverses sensations. On pourrait dire, il y a une connaissance intime du lieu où je vis et une connaissance rationnelle de l’architecte.

    Monique : Je n’ai pas l’impression que c’est un exemple d’intuition là, c’est un exemple de raisonnement, vous connaissez très bien votre terrain, vous raisonnez en disant « ça ne peut pas être comme ça »

    Brouhaha :

    Thierry : L’étymologie de raison c’était quoi ?

    Mireille : « ratio » accusatif de « rationem », qui désigne, en premier lieu, une mesure, un calcul, la faculté de compter ou de raisonner.

    Jacques : Je ne suis pas choqué que Pierre qualifie d’intuition la sensation que cette maison ne soit pas à sa place. Intuition, sensation, sentiment pour moi c’est la même chose.

    Mireille : Il y a trois mots qui ont dans le langage courant des sens qui peuvent être identiques mais qui pourtant ont des nuances. L’intuition n’est pas un sentiment.

    Jacques : Ça peut être un sentiment immédiat.

    Philippe C. : On peut avoir l’intuition d’un sentiment sans pour autant avoir le sentiment lui-même. 

    Thierry : Tout à l’heure on a parlé de cerveau reptilien. L’enfant a au départ un cerveau reptilien, après c’est l’expérience et l’éducation. Ce qui serait intéressant de savoir c’est si c’est la confrontation avec autrui qui fait naître l’intuition.

    Jacques A. : Par rapport à l’intuition, j’ai noté la notion de pressentiment. Je pratique dans mon métier des évaluations d’organisations, et les référentiels d’évaluations d’ordre moderne appellent à deux choses : un truc raisonné c’est-à dire des valeurs mesurables, mais en amont on est obligé en tant qu’animateur d’être formé à ce qu’on appelle des formes d’intuition, c'est-à-dire ce sont des concepts fondamentaux. Avant de rentrer dans la partie technique, on doit regarder globalement, comme ça, au jugé, si certains concepts sont respectés. C’est un peu une approche globale mais sans mesure technique. Ce n’est qu’après qu’on regarde la partie technique. Et on est tenu de croiser les deux, de croiser le raisonnement avec justement ce sentiment global. C’est difficile parce qu’on est tiraillé entre les deux.

    Michel : C’est une nouvelle science qu’on appelle l’haptique : on met les gens en condition dans un simulateur sur un tour, sur plein de nouvelles technologies et on regarde comment ils vont faire. On s’aperçoit que pour qu’une personne ait certaines capacités il faut que manuellement, intellectuellement, psychologiquement elle soit apte à suivre l’esclavage vis-à-vis de la machine.

    Jacques : Par rapport à ce qu’à dit Jacques (A), qui a parlé de sentiments généralisés dans un premier temps, avant qu’il y ait un raisonnement ; le sentiment généralisé procède quand même d’une analyse ; alors, pour moi, ce n’est pas de l’intuition, parce que dans l’intuition il y a une immédiateté. Alors là, si tu restes deux heures pour analyser un sentiment général, ce n’est pas de l’intuition.

    Jacques A : On reçoit une formation… par exemple, quand j’arrive dans une entreprise dès le hall je sais si le patron est là ou absent, je le vois au ton de la voix du personnel, sur son comportement.

    Brouhaha :… ça c’est de la psychologie…

    Mireille : Ce n’est pas une intuition c’est un savoir acquit.

    Evelyne : Pour moi, l’intuition est plus du domaine de l’inconscient, alors que la raison, ça, c’est du conscient, on sait ce qu’on fait, on sait comment on raisonne. Le fait que ce soit inconscient ne veut pas dire qu’on n’a pas eu des expériences avant.

    Françoise : Je pense que l’intuition est quelque chose de complètement immédiat. Je ne pense pas que ce soit une émotion parce qu’on n’a même pas le temps de ressentir, c’est direct. C’est le monde des sensations, c’est le monde de la communication non verbale, c’est le monde des sens, où tout d’un coup, on sait, on ne sait pas pourquoi on sait mais on sait. J’aimerai qu’on parle de ce qu’on appelle « l’intuition féminine » parce que je pense qu’il y a une question d’éducation. Il y a le cerveau droit qui est l’imaginatif, l’intuition,  et le cerveau gauche qui est la rationalité ; dans l’éducation on a beaucoup plus développé la rationalité que l’intuition, sauf chez les filles : nous on avait droit d’aller dans nos émotions, de pleurer, à un garçon on disait « sois fort ». Donc à l’origine si on n’a plus cette faculté là, c’est qu’on nous laissait aller plus du côté de notre cerveau droit. Il me semble aussi que pour aller vers cette vérité, où on est sûr qu’on ne se trompe pas, où il n’y a pas de réflexion, il n’y a pas d’analyse, c’est immédiat, ça tient beaucoup de la communication non verbale, ça tient beaucoup de l’écoute de soi, de l’intérieur de soi, et du coup de l’environnement aussi, c’est tout à fait pouvoir être là.

    Thierry : Donc l’intuition peut être raison ?

    Françoise : Je ne sais pas ce que tu appelles raison, mais je ne crois pas.

    Thierry : Ce que je veux dire c’est qu’on peut avoir une intuition qu’on peut vérifier au niveau de la raison.

    Philippe C. : En philo, on dit que souvent « l’intuition, loin d’être vague, est une chose qui est extrêmement précise, et qui a un caractère de certitude absolue ; elle s’applique aux éléments premiers de chaque domaine de connaissance, à ce que le raisonnement ne peut pas construire… On distingue deux types d’intuition : « l’intuition empirique, connaissance immédiate de ce qui a trait à l’expérience », qu’elle soit sensible ou psychologique,  « et l’intuition rationnelle qui est la connaissance immédiate des objets de la raison » (A. Larcher). Le premier qui a dit ça c’est Descartes, il parle de l’intuition rationnelle. C’est une chose importante parce qu’effectivement on peut avoir ces deux modes d’intuition. C’est pour ça qu’il est difficile de dire que l’intuition et le raisonnement s’opposent ou se complètent. Tu parlais d’intuition féminine ce n’est pas un hasard si on la définit ainsi.

    Françoise : Je pense que les femmes ont plus d’occasions de développer cette qualité.

    Philippe C. : C’est une faculté dont tout le monde dispose mais souvent, dans la forme, la raison s’oppose. On peut aussi sur le plan philosophique revenir à la notion platonicienne,  avec l’idée qu’il préexiste au raisonnement, et qu’on a cette faculté de pouvoir accéder, par un certain travail, à cette connaissance qui serait mise en mémoire alors qu’on n’y est strictement pour rien ; c’est « l’idée primordiale » qui se révèle à nous par l’intuition. Il y a deux moyens d’y accéder, l’intuition et le raisonnement, mais le raisonnement n’étant qu’un développement logique qui permet d’accéder à cette idée.

    Pierre : Ce qui se dit m’amènerait à penser que l’intuition est une connaissance immédiate et qui a une justesse qui se vérifie, qui vient du fait qu’on utilise quelque chose, les émotions, les sens etc.. Mais en même temps ça serait assez réducteur car on en viendrait à penser «  pourquoi raisonner puisque l’intuition a raison ? »

    Mireille : Pour illustrer ce que tu viens de dire il y a une phrase dans Les Pensées de Blaise Pascal qui dit « Nous connaissons la vérité non seulement par la raison mais encore par le cœur. C'est de cette dernière sorte que nous connaissons les premiers principes et c'est en vain que le raisonnement, qui n'y a point de part essaie de le combattre. » Autrement dit, souvent on sait les choses comme ça, et notre raisonnement va détruire cette vérité intuitive qu’on avait au départ. Pour moi, l’intuition a quand même à faire à ce pôle là de nous, le plexus solaire qui est celui de l’émotion du ressenti, du cœur, et la raison à celui là, la tête c’est vraiment l’intellect, c’est quelque chose de sec.

    Pierre : Si on va dans ce sens, on en vient à se poser la question « Qu’elle est la raison d’être de l’éducation qui nous entraine constamment vers la raison et le raisonnement, et rarement vers cette connaissance intime qu’on a des êtres, des choses, par l’intuition ? »

    Evelyne : Je veux juste continuer un petit peu parce que quand on fait des mathématiques, à un enfant qui a trouvé le résultat on dit « oui, c’est juste, mais dis nous comment tu y es arrivé ». Lui a utilisé plus ou moins son intuition, mais on exige de lui qu’il montre toutes les étapes du raisonnement. Donc on lui interdit toute la créativité de l’intuition en disant « c’est la raison qui compte ».

    Marie Christine : Je ne pense pas que ce soit incompatible, je trouve que dans ce cas là c’est une manière de confirmer l’intuition. Vous parlez de démonstration pédagogique, je trouve que le petit qui a eu cette impulsion là ne s’est pas trompé, mais passer par les différentes étapes de son raisonnement ça permet de confirmer la véracité de son intuition. Ce sont deux étapes qui se complètent.

    Françoise : Il me semble qu’Evelyne voulait dire que ça se complétait. Mais c’est vrai, je trouve que dans notre éducation on privilégie beaucoup le raisonnement.

    Marie Christine ; Dans les pédagogies alternatives, Montessori ou Freinet, la créativité et l’intuition sont favorisées, mais toujours complétées par le raisonnement. L’éducation en mathématique est d’accompagner l’intuition par le raisonnement.

    Françoise : Oui, je suis tout à fait d’accord avec toi, mais tu parles de Freinet et Montessori, mais ce n’est pas la généralité.

    Marie Claude : Je crois que c’est parce qu’on ne peut pas évaluer l’intuition alors qu’on peut évaluer le raisonnement. Quand on a un grand nombre d’élèves, on est obligé de passer par un certain nombre de normes d’évaluation. On ne peut pas tout individualiser quand on a 30 élèves.

    Thierry : Dans l’éducation, l’éveil est important, donc l’intuition, la créativité et si on peut y introduire le raisonnement c’est bien. Ça fait partie de la construction de l’individu.

    Karel : Ce que je trouve étonnant par rapport à ce que tu as dit tout à l’heure Philippe, tu es convaincu que la féminité a plus d’intuition que la masculinité. Tu le conçois comme ça.

    Philippe C. : Ce n’est pas que je le conçois comme ça, c’est qu’historiquement c’est conçu comme ça.

    Karel : Je suis surpris parce que j’ai beaucoup d’intuition, et j’ai du mal à rentrer dans la raison. Et en général mon intuition s’est avérée bonne.

    Brouhaha :… C’est ton côté féminin…

    Michel : On pourrait aussi parler de l’intuition commerciale. C'est-à-dire que d’après une théorie, l’esprit peut percevoir directement les objets extérieurs, c’est la voyance. Pour l’instant peu de gens remettent en cause cette intuition. J’appelle ça intuition commerciale car il y en a qui font le commerce de ça depuis des années et ils gagnent relativement bien leur vie. Je prends l’exemple d’Elisabeth Tessier qui refusait de venir dans une émission parler de ses intuitions quand Gillot-Pétré était là car il était la raison et elle c’était l’intuition.

    Mireille : Dans le cours de Simone Manon dont l’adresse web est sur notre site, elle différencie différents types d’intuitions :

    « L’intuition sensible. C’est la connaissance des choses par les sens.

    L’intuition psychologique. Elle désigne la connaissance immédiate que nous avons de nos états de conscience. Lalande définit la conscience comme « l’intuition que l’esprit a de ses états et de ses actes ».

    L’intuition divinatrice  C’est la découverte brusque d’une idée ou d’une relation. Après avoir longtemps cherché sans trouver, l’esprit est brusquement illuminé par l’idée. Cf. Archimède : Eurêka. Celle-ci n’a pas encore été établie par la pensée logique, elle est une brusque évidence s’imposant à l’esprit avec un sentiment de certitude.

    L’intuition métaphysique Ce serait la possibilité pour l’esprit, d’avoir accès à la réalité ultime, au réel tel qu’il est en soi.  Pour Platon, c’est dans une intuition que l’esprit saisit au terme de la démarche dialectique l’Idée ou l’essence des choses. »

    Donc il y a plusieurs formes d’intuition qui vont de celle dont tu as parlé Pierre, c'est-à-dire une connaissance que tu as du lieu, qui n’est pas raisonnée mais acquise par l’expérience que tu en as, à l’intuition divinatoire dont tu parlais Michel.

    Pierre : L’intuition féminine, je me dis que c’est souvent une arme de guerre contre les femmes (rires). Ceci dit on est entrain de faire basculer la balance du côté de l’intuition. On peut se demander si la raison a sa raison d’être. Je me posais la question tout à l’heure «Est-ce que la raison, le raisonnement n’intègre pas quelque chose comme le temps ? Comme une mesure pour faire ? » Comme l’intuition, il y a certainement un certain nombre de qualités que la raison possède. J’ai du mal à chercher et à trouver. Je pense qu’il faudrait aller voir du côté de la raison plus qu’on ne le fait.

    Evelyne : Je vais dire des méchancetés contre l’intuition parce que je pensais à Trump. Il utilise son intuition constamment en tant que commercial entre autre. L’intuition de Trump peut paraitre assez dangereuse et imprévisible, et c’est là le problème de l’intuition, c’est vrai ou faux, on peut se tromper ou ça peut être une bonne intuition. Le problème c’est l’imprévisibilité pour les autres, puisqu’il n’utilise pas ou très peu la raison. C’est un problème d’utiliser constamment l’intuition car les autres ne suivent pas.

    Françoise : Je ne suis pas sûre qu’il utilise vraiment l’intuition. Je pense que l’intuition, quand on ne l’a pas vécue, est quelque chose de très difficile à concevoir. Je crois que Trump utilise beaucoup son expérience, il dit que c’est son intuition mais je n’en suis pas sûre. Et l’intuition ce n’est pas une émotion non plus, je voulais le souligner, c’est vraiment de l’ordre du ressenti, c’est un ressenti immédiat et on est calme, on n’est pas énervé.

    Thierry : Mais le calme c’est une émotion

    Françoise : Dans le ressenti tu as plusieurs émotions, mais tu peux avoir un ressenti de calme.

    Thierry : Mais le calme c’est une émotion

    Françoise : Oui, si tu veux on ne va pas discuter sur le mot, je ne crois pas il n’y a que cinq émotions, je ne veux pas discuter là dessus.

    Thierry : C’est intéressant.

    Marie Claude : Oui, je ne comprends pas pourquoi tu dis que ce n’est pas de l’émotion. Quand Pascal parle du cœur, c’est bien de l’émotion.

    Françoise : C’est du sentiment, l’émotion c’est quelque chose qui nous bouge : il y a la colère, la peur, le désir, la joie, la tristesse.

    Evelyne : Comme vous avez l’air de très bien connaitre l’intuition, j’aimerai que vous donniez un exemple d’intuition que vous avez eue.

    Françoise : Oui, un tout simple. Vous cherchez une place pour garer votre voiture, si vous y croyez, il faut y croire vraiment, vous en trouverez une. Mon compagnon dit toujours qu’il ne va pas en trouver, hors il se trouve que moi j’en trouve toujours une. L’intuition c’est vraiment quelque chose qui se ressent, exactement comme quelqu’un - qui a une passion, qui veut changer de métier. Moi ça m’est arrivé, je peux en parler, - a cette intuition très forte qui va abattre des montagnes ; alors tout le monde est contre vous, mais vous, vous savez. C’est un savoir inconscient et intérieur.

    Thierry : Il me semble que l’intuition c’est un sentiment. On ne peut pas dire à quelqu’un qu’il a raison ou tort sur une intuition. De toutes intuitions peut partir quelque chose de phénoménal. l’Histoire en est truffée. Mais pour moi l’intuition c’est un sentiment.

    Françoise : J’appellerais ça plus un ressenti parce que les sentiments c’est plus du côté cœur.

    Mireille : L’intuition est une connaissance immédiate.

    Jacques A : Je me demande si on ne parle pas plutôt d’optimisme.

    Françoise : Ah non, pas du tout, c’est un savoir intérieur. C’est pour ça que je parlais de mon expérience : j’ai changé de métier, je n’étais pas du tout normalement partie pour prendre cette voie là, mais il s’est passé quelque chose, mais une très grande intuition, quelque chose qui prend aux tripes, vous ne pouvez pas faire autrement ; tout le monde vous dit « mais, ça va pas, tu va au casse pipe », j’étais dans l’administration, c’est très compliqué car on a la sécurité de l’emploi, mais moi je savais que c’étais juste.

    Monique : Suivre son intuition c’est une connaissance de soi même, c’est vraiment avoir confiance en soi.

    Philippe C. : Je voudrais revenir à la définition. « En philo, l’intuition c’est loin d’être vague, l’intuition a un caractère de certitude absolue, elle s’applique aux éléments premiers de chaque domaine de connaissance, à ce que le raisonnement ne peut pas construire… on distingue deux types d’intuition : « l’intuition empirique , connaissance immédiate de ce qui a trait à l’expérience » , qu’elle soit sensible ou psychologique, « et l’intuition rationnelle qui est la connaissance immédiate des objets de la raison » ( A. Larcher).

    Françoise : Tu peux donner un exemple de l’intuition rationnelle ?

    Philippe C. : L’intuition psychologique c’est celle dont on parle depuis tout à l’heure. L’intuition rationnelle c’est celle immédiate qu’on a des objets de la raison ; les objets de la raison c’est ce qui passe par le raisonnement, c’est-à dire ceux qu’on peut aborder par ce qu’on appelle la raison mais cette raison qui n’est pas l’intuition, c’est-à dire le travail cérébral, le concept, la déduction logique, le raisonnement.

    Evelyne : Ce type de raisonnement c’est celui qu’utilisent les scientifiques. Einstein disait que c’est par l’intuition qu’il avait trouvé la plupart des choses et après il avait raisonné. L’intuition des choses c’est aussi ce qu’utilisent les artistes.

    Mireille : Pour rejoindre un petit peu ce qu’a dit Pierre tout à l’heure, quand je raisonne pour expliquer quelque chose que j’ai envie de communiquer ou pour m’assurer d’une idée que j’ai, dans ce raisonnement on bascule toujours d’un côté sec qui est très intellectuel, très cérébral à un côté plus chaud qui est du ressenti, l’intuition se mêle au raisonnement. Je ne suis pas souvent d’accord avec Jean Paul Sartre mais il a très bien décrit ce phénomène, il dit « Il n’est d’autre connaissance qu’intuitive. La déduction et le discours, improprement appelés connaissance, ne sont que des instruments qui conduisent à l’intuition. » C’est cet assemblage d’intuition et de raisonnement qui va m’amener à agir de façon juste.

    Jacques : Est-ce que les intuitions qu’on a sont toujours positives ? Est-ce qu’elles sont toujours valables ou est-ce qu’on peut avoir des intuitions qui sont fausses.

    Mireille : Justement le raisonnement te permet de voir si elles sont justes ou fausses.

    Marie : J’ai eu une intuition fausse : à une veillée je manipulais un fil et j’ai vu un cercueil, et je me suis dis « Rosine est morte ». Le lendemain matin, le téléphone sonne mon beau frère m’appelle et je pense « ah, Rosine sa maman est morte » et non, c’était sa femme. J’ai ressenti que quelqu’un était mort dans cette famille mais mon intuition m’a trompée sur la personne.

    Françoise : C’est vrai qu’on peut avoir l’intuition d’un danger sans savoir lequel.

    Pierre : Tu parlais, Philippe de la connaissance immédiate des objets et je me disais « Tiens, dans les sciences mathématiques il y a un allemand qui a inventé les systèmes de base « 1 » et puis on a inventé le « 0.1 », et à partir de 0 et 1 on a construit l’informatique moderne ». On a donc développé un champ de connaissance inouï que chacun utilise aujourd’hui et qui n’a aucun rapport avec l’intuition.

    Philippe C. : Il y a pourtant quelqu’un qui, au départ, a eu l’intuition du « 0.1 »

    Françoise : Il me semble que dans l’exemple de l’ « Eureka » c’est quelqu’un qui a beaucoup cherché et travaillé et qui à un moment a lâché prise. C'est-à-dire que la raison à lâché.

    Thierry : Quand quelqu’un a une intuition et que ça bloque, ça peut être quelqu’un d’autre qui prend le relais et qui trouve.

    Nathalie : Vous disiez tout à l’heure qu’il fallait se méfier des intuitions. Moi, j’ai décidé un jour de ne plus chercher de raison à mes intuitions, de ne plus chercher d’explications, ça m’a changé la vie. Mes intuitions ne me trompent pas souvent. Je te rejoins tout à fait, Françoise, l’intuition c’est quelque chose de puissant qu’on ressent dans le creux du ventre. Je n’ai plus du tout envie de raisonner sur mes intuitions.

    Jacques A. : Je me demande si dans la perception de l’intuition on ne mémorise pas ce qui nous arrange et on oublie ce qui ne nous arrange pas. C'est-à-dire que lorsqu’il y a des situations où l’intuition fonctionne on en parle partout et puis si ça ne fonctionne pas on se tait. Est-ce que le hasard n’a pas un rôle là dedans ? Par exemple on a l’impression que lorsqu’on est en retard tous les feus se mettent au rouge. L’université de Rennes a fait une étude là-dessus, ils ont fait 160 études là-dessus pour démontrer que le feu ne se mettait pas au rouge parce que vous êtes en retard. Après, dans l’intuition il y plein de choses qui interviennent, on parlait de l’intervention de l’expérience. L’intuition est un retour d’expérience et on renforce l’expérience avec l’âge justement parce que les cas précédant nous ont servi de leçon, c’est de l’auto apprentissage d’une certaine manière. Je trouve cette étude très intéressantes, parce qu’ils remettent en cause des perceptions qu’on a. Par contre il y en a d’autres qu’on n’a pas et qui sont validées, par exemple  ils disent «  faites vous flasher tous les six mois c’est bon pour la santé », c'est-à-dire que si vous vous faites flasher tous les six mois vous aurez moins d’accidents parce que vous allez mémoriser le truc.

    Françoise : Ce sont des apprentissages on est plus du tout dans l’intuition.

    Jacques A. : Il y a aussi 4 universités qui travaillent sur la zététique qui est l’art du doute.

    Pierre : Donc la désobéissance est utile.

    Thierry : Dans l’intuition il y a la désobéissance, comme le disait Nathalie, si je me fie à mon intuition j’agis, qu’il y ait désobéissance ou pas par rapport au raisonnement ambiant, par rapport à la société.

    Françoise : Ça peut être tellement surprenant, c’est tellement du vécu que c’est très difficile d’en parler parce que si on ne l’a pas vécu on ne peut pas comprendre. Je suis d’accord qu’on peut tout à fait être dans la désobéissance ou dans l’anormalité.

    Thierry : Comment la vivre sereinement ?

    Mireille : Dans les psychologies actuelles et chez les philosophes actuels, il y en a qui mettent l’intuition comme 6ème sens. Jocelin Morisson, un journaliste  qui s’intéresse à nos facultés subtiles considère l’intuition comme un 6ème sens, mais il n’exclu pas la raison. Il dit « Il ne s’agit pas d’opposer la raison à l’intuition, la créativité et l’inspiration, ni privilégier l’un au détriment de l’autre. Pour moi il nous faut combiner les deux approches. L’une et l’autre doivent se nourrir pour être pleinement productif. »

    Nathalie : C’est un peu ça, il y a des gens qui sont dotés d’un 6ème sens, ils ont plus d’intuition que d’autres et tant qu’ils essayent de raisonner pour essayer de comprendre, ils se gâchent la vie. Le jour où ils acceptent tout ça ils trouvent la sérénité.

    Mireille : Le problème de l’intuition, comme l’a dit un peu Françoise et comme tu le dis Nathalie, c’est que on a du mal à le communiquer parce qu’on ne peut le faire que par un discours et un raisonnement qui appauvrissent la valeur et la force de notre intuition. C’est donc vraiment quelque chose qui est intérieur à nous alors que le raisonnement est extérieur.

    Karel : Alors comment ce fait-il qu’il y ait des gens qui aient plus d’intuition que d’autres ?

    Mireille : C’est une question de développement. Anne qui, comme vous avez pu le constater s’intéresse beaucoup à la philosophie indienne, m’a passé une note sur le rapport de l’intuition et de la méditation.

    « La pratique de méditations approfondie donne accès à une connaissance intuitive du sujet d’étude. »

    « Par l’intuition tout peut être connu. »

    C’est une saisie des réalités qui transcende la perception sensorielle et permet de saisir pratiquement tout, de manière tout à fait originale,  « abondance d’ouvertures ». C’est une faculté que l’on peut développer par un travail sur soi, des méditations approfondies, et sans doute les passer à l’examen de la raison, pour en vérifier la validité.

    Pour I.K. Taimni : « l’intuition est le concept occidental qui se rapproche le plus de ce qu’exprime le sanscrit Pratibha. Ce mot [intuition] tel qu’il est utilisé en occident a un sens plutôt vague et général de perception de la vérité, par le mental, sans raisonnement. C’est sur l’absence de raisonnement qu’il insiste et non sur la nature transcendante de ce qui est saisi, même si quelques philosophes occidentaux l’utilisent dans un sens très proche. »

    Pour te répondre Karel c’est aussi une question d’éducation. Dans cette culture indienne on éduque plus l’intuition que la raison alors qu’en occident c’est le contraire. C’est pour ça aussi que chez nous on voit fleurir autant de groupes de recherche de soi, de yoga, de méditation etc. De toutes ces pratiques indiennes qui nous arrivent, parce qu’on est en manque de cette connaissance de ce 6ème sens.

    Thierry : ce qui m’étonne c’est que l’intuition puisse faire souffrir. Dans mon activité je suis toujours un petit peu en lutte contre ça car, quand la souffrance peut détruire une personne, il faut arriver à la mettre sur un autre créneau. On sait très bien que la souffrance est inconfortable

    Françoise : Je ne comprends pas de quoi tu parles.

    Thierry : Par exemple, quand je vois qu’une personne a une intuition et que je sais qu’elle va aller droit dans le mur, et que ça va la détruire, là je vais essayer de l’aider de la raisonner par rapport à ça.

    Françoise : Je ne pense pas qu’on soit dans l’intuition, on est dans les émotions et des émotions certainement liées au passé.

    Marie Claude : De quel droit tu dis qu’on n’est plus dans l’intuition ?

    Françoise : C’est son exemple qui me le dit. Quand tu en parles c’est une émotion que je ressens. L’intuition, encore une fois, ce n’est pas émotionnel. C’est pour ça que la méditation aide beaucoup, en effet, parce que ça permet un état de lâcher prise qui va nous permettre de sentir les choses, alors que lorsqu’on est dans l’émotion on n’est pas dans notre réalité.

    Philippe C. : Dans ta réponse tu as une déformation professionnelle, il faut quand même modérer un peu l’apprentissage professionnel par rapport à  une discussion « live ».

    Jacques : Je vais poser une question et vous allez me dire si le mot intuition est approprié : si je dis « j’ai l’intuition que Monsieur X sera président de la république » y a-t-il une notion d’émotion derrière ? Est-ce que le mot intuition est approprié ?

    Françoise : Qu’est-ce que tu en penses toi ?

    Jacques : Je pense que oui c’est valable.

    Françoise : Je pense que tu auras des arguments à apporter je crois qu’on n’est plus dans l’intuition.

    Jacques : Dans une connaissance immédiate, dans une réflexion, dans un sentiment immédiat, je peux dire que « monsieur X sera président de la république » et c’est après avec les amis qu’on peut engager une conversation et raisonner.

    Marie Christine : Je ne sais pas si c’est une intuition, Jacques, parce qu’en fait ça s’appuie déjà sur plein de choses. Si vis-à-vis de quelqu’un tu ressens que cette personne, que tu n’as jamais vue, est toxique pour toi, ça c’est une intuition. Alors que dans ton exemple tu t’appuies sur des bilans, des discours que tu as mémorisé.

    Pierre : Ce qui m’est venu à l’esprit c’est qu’on pourrait dire que l’intuition c’est quelque chose de fabuleux etc. mais là, dans l’exemple que tu donnes, je sens que l’intuition pourrait nous manipuler. Finalement l’intuition serait l’expression d’une certaine fatalité ; tu disais «  j’ai l’intuition qu’il va droit dans le mur »…

    Thierry : J’ai dit que je pouvais me tromper

    Evelyne : J’irais un peu dans le sens de Thierry parce que je crois que c’est arrivé à tout le monde, moi ça m’est arrivé une fois. On discute, tout va bien, et puis après on se dit « mince, j’ai fait une bourde énorme, j’ai dû faire de la peine à un tel » et j’en suis malade. Je finis par envoyer un SMS en disant « je suis désolée, je t’ai sans doute blessée » et elle me répond «mais pas du tout » et pourtant cette intuition qui m’était arrivée tout d’un coup m’avait fait très mal. Il y a donc des intuitions très négatives.

    Françoise : Je ne pense pas non plus que ce soit une intuition, c’est un doute.

    Philippe C. : Ce n’est pas une intuition.

    Brouhaha :

    Jacques : Je vais commenter ce que Pierre a dit : tu parles de manipulation, mais si Thierry est animateur il est peut-être légitime à orienter les gens dont il a à s’occuper.

    Marie Claude : c’est à Françoise que je m’adresse, de quel droit tu dis que lorsque tu as changé ta vie etc. tu appelles ça une intuition ? C’était peut-être quelque part raisonné. Pourquoi est-ce que toi tu as le droit de dire c’est une intuition alors que tu vas dire à quelqu’un d’autre «  non, c’est du ressenti » ? Il y a quelque chose qui me dérange là.

     Françoise : Tu as raison d’être dérangée parce que, comme l’expliquait très bien Nathalie tout à l’heure, ça ne peut pas s’expliquer, parce que c’est du vécu. C’est vrai que c’est dérangeant pour les autres parce que je ne peux pas l’expliquer. C’est une expérience et c’est très compliqué. C’est vrai que dans ce que vous disiez tous tout à l’heure, on pourrait croire que c’est de l’intuition. Ce sont seulement les personnes qui l’on vécu qui peuvent faire la différence comme c’est d’ailleurs le cas pour d’autres ressentis. On a l’impression qu’on ne va pas être compris, qu’on ne va être entendu, et là on peut en effet être mis sur la sellette, ou éveiller un doute comme tu peux le faire toi, je peux très bien le comprendre.

    Philippe C. : Et à ce moment là on est déjà dans le raisonnement.

    Françoise : Ensuite, c’est vrai Philippe, on est obligé d’aller dans le raisonnement.

    Marie Claude : Est-ce que tout le monde est capable d’intuition ?

    Brouhaha :

    Janine : Dans toutes les situations nous avons une intuition. On y prête attention ou pas, on la suit ou on va vers le raisonnement pour juger s’il faut faire ceci ou cela. Mais l’intuition est à la base de tout, je pense.

    Jacques : Si un évènement arrive, si dans l’immédiateté, d’instinct on y apporte une certaine réponse, c’est une réponse intuitive qu’on fait. En même temps, par rapport à l’expérience que tu as eu, je pensais à ceux qui croyaient en Dieu parce qu’ils ont eu une certaine révélation. Alors, est-ce que c’est une intuition ?

    Philippe C. : Là on part dans complètement autre chose, il ne faut pas confondre intuition et révélation. On est dans deux domaines différents. L’intuition c’est quand même dans la vie quotidienne, c’est dans les choses simples. Alors, vie quotidienne, oui, mais en même temps qui nous met en face d’une chose tout à fait inhabituelle. Je pense que l’intuition va être une réponse devant un phénomène qu’on ne connait pas déjà. C'est-à-dire une première fois où on se retrouve devant quelque chose où il nous faut répondre et comment. Alors, effectivement, soit on passe par le raisonnement et on va avoir un décalage entre la question et notre réponse, c'est-à-dire qu’on prend le temps de la réflexion, ou autrement il y a une intuition qui va nous permettre d’avoir une réponse immédiate adaptée ou non, ça c’est l’expérience qui le montre, c'est-à-dire ce qui arrive après, on est à postériori pour juger de notre intuition, est-ce qu’elle était bonne, est-ce qu’elle était mauvaise ?

    Geneviève : Comme tu le présentes c’est un peu au choix. Pour moi, ce n’est pas tout à fait ça, c’est même pas ça du tout.

    Philippe C. : Non, ce n’est pas un choix, parce que l’intuition a un caractère d’évidence.

    Geneviève : L’intuition c’est le flash, c’est quelque chose qui jaillit, qui ne s’explique pas et pour ça il faut que là haut (la tête) on soit complètement déconnecté, si on n’est pas déconnecté au niveau des pensées on ne peut pas l’avoir.

    Claude : Je pense qu’il y a quand même de l’acquis avant, de l’expérience, ce n’est peut être pas par hasard que ce flash arrive. On parlait tout à l’heure des mathématiques, au niveau des mathématiques c’est un monde qui est complètement artificiel, tout a été fondé sur des postulats, après on a créé la géométrie, l’algèbre, les mathématiques moderne avec Bourbaki  etc. et après on a tout intégré l’un dans l’autre. On a besoin d’intuition pour savoir dans quel domaine on va aller chercher pour arriver à trouver une solution, ou plusieurs. Je veux dire qu’on peut choisir telle méthode pour arriver à la solution, mais il n’y a pas qu’une solution. Pour moi l’intuition n’est pas du tout une émotion, c’est un ressenti.

    Michel : Je me pose une question, les jeunes surdoués sont-ils continuellement dans l’intuition ? Comment ont-ils pu seuls apprendre à lire, apprendre à compter ? Je connais un jeune qui, quand on lui pose une question y répond intuitivement et justement.

    Brouhaha :

    Pierre : Je pense que ce sont des êtres de méthode, c'est-à-dire qu’ils sont en capacité devant chaque mot, chaque lecture de les mettre dans la boîte de leur mémoire et c’est acquis. Alors que nous on va rabâcher. Il y a des êtres qui sont capables de tout recevoir et de redonner instantanément, pour moi ce n’est pas de l’intuition.

    Mireille : Pour revenir à ce qui a été dit, que finalement il y a des gens qui ont très peu d’intuition et d’autres qui en ont beaucoup, Albert Einstein disait « L’intuition est un don sacré et la raison, une fidèle servante. Nous avons crée une société qui honore la servante en oubliant le don. » Je pense que dans la capacité à être intuitif, il y a au départ un don, et comme pour le peintre ou le musicien ce don se cultive et se développe.

    Jacques : je vais revenir à la question de Michel parce que je pense qu’effectivement les surdoués ont un don, le don de l’intuition. Dans le cadre des mathématiques ils vont arriver tout de suite à la solution alors qu’ils ont sauté les étapes de la démonstration.

    Cathy : Je reviens à ce que vous disiez à propos du don, cela m’a fait penser à ce que disait Brassens ; « Sans techniques un don n’est qu’une sale manie ». La technique étant la raison et le don l’intuition, l’un ne va pas sans l’autre. On peut très bien avec de l’intuition arriver non pas démontrer mais au moins témoigner que ce qu’on a vécu ça fonctionne. L’intuition est un truc qui fonctionne, ça fonctionne avec le subconscient. Ça relève du subconscient alors que la raison relève du conscient et ce n’est pas du tout incompatible, il peut y avoir des passerelles entre les deux. Chez les surdoués c’est souvent cette passerelle qui les rend surdoués, elle est chez eux fluide et chez nous demande beaucoup plus d’efforts. Maintenant, selon mon expérience personnelle, je peux témoigner que mon intuition m’a sauvé la vie plusieurs fois.

    Marie : Vous parlez du subconscient ; mon frère qui est neuro, psycho etc., dit que notre cerveau n’est utilisé qu’a 10%, peut être que chez certains c’est plus, peut-être que l’intuition et toutes ces choses subtiles proviennent de ça.

    Fermeture Débat

    Je conclurais par cette citation de Pierre Rabih dans « Graines de possibles, regards croisés sur l'écologie » : 

    « Nous commençons à prendre conscience que la subjectivité est en fait un élément indispensable. Après la subjectivité vient la vérification. Einstein n'a pas utilisé, pour autant que je sache, de règle à calculer pour fonder la théorie de la relativité. Il en a d'abord eu l'intuition, puis il l'a vérifiée. C'est pour cette raison que les utopies sont indispensables à l'évolution humaine. Quand on me traite d'utopiste, je le prends comme un compliment. Cela confirme que je suis encore bien vivant. »

    Et, à défaut du poème traditionnel lu par Anne, voici ses réflexions qu’elle m’a faites parvenir :

    « L’intuition ne serait-elle pas, finalement, ce qui fait que nous nous comprenons ? Je m’explique : nous utilisons des mots, notions, concepts auxquels nous donnons en fait un sens personnel selon notre éducation, notre culture, nos études, notre niveau de réflexion. Ils n’ont pas tout à fait le même sens, modifié peut-être aussi par le parcours entre « l’émetteur » et « le récepteur ». C’est d’ailleurs souvent ce qui se passe ici dans nos échanges. Or nous arrivons à communiquer correctement, voire à nous comprendre.

    N’est-ce pas l’intuition, une forme d’intuition, qui permet cette sorte de miracle continu ? Comme elle permet aussi parfois de se comprendre sans qu’un seul mot soit dit ? L’intuition, un 6ème sens ? Celui qui nous fait percevoir notre conscience ?

     

     

    Que vous ayez été présent ou non à cette rencontre, si vous voulez apporter un complément à ce débat, n’hésitez pas à faire un commentaire en cliquant ci-dessous.  Vous pouvez être avertis des commentaires faits en vous inscrivant à la Newsletter. Merci pour votre participation et rendez-vous Dimanche 26 mars (même heure, même lieu)La question choisie à mains levées, sera: « Le langage n-est-il qu’un outil de communication ? » Le thème choisi pour  avril est  « la conscience ». Préparez vos questions. 

    Mireille PL 

     

     

     

     


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