• 5 à 7 Philo du dimanche 25 mars  2018 : 21 participants

    Peut-on être lucide ? 

    Introduction (par Mireille) 

    Analyse de la question.

    Réf. Dictionnaire historique de la langue française d’Alain Ray et Larousse  

    « Peut-on… être capable, en mesure de faire ou d’être quelque chose ; mais aussi Avoir le droit, la permission de (faire qqch.)

    … être lucide ? » Lucide est emprunté au latin « lucidus » qui veut dire « clair, brillant, lumineux », dérivé de « lux, lucis » désignant la  lumière considérée comme une activité, une force agissante et divinisée ; différent de « lumen » lumière du jour qui a donné « lumineux ».

    Le sens  premier et concret de « lumineux » a décliné au profit du sens figuré. L’acceptation médicale du mot se développera en opposition à « délirant », et désignera aussi une personne qui est consciente, qui a toute sa connaissance, en opposition à inconsciente  Aujourd’hui au sens général et psychologique  le mot « lucide » est employé pour désigner une personne qui manifeste une clarté d’esprit, qui juge, voit clairement, objectivement les choses dans leur réalité

    Synonymes : clairvoyant, perspicace, raisonné, conscient, subtil, sensé

    Antonymes : inconscient, aveugle, crédule, naïf, troublé, mythomane, fanatique

    La Lucidité est le caractère de ce qui est lucide.

    Synonyme : conscience ;

    Antonyme : illusion

    Introduction au débat

    « Peut-on être lucide ? Ma première réaction a été de dire « oui, c’est une évidence, l’homme est un être raisonnable, un être qui pense, donc capable de faire la différence entre le réel et l’imaginaire ». Puis en y réfléchissant cette évidence s’est étiolée. Alors me sont venues les questions : Nous pouvons être lucides, oui, mais à quelles conditions, jusqu’à quel point et à quel prix ? Vivre en permanence dans la lucidité me rendrait-il plus heureuse et plus libre ?

    Débat

    Monique : Ça pose la question du « vrai » : Est-ce que le vrai est quelque chose d’absolu ? Être lucide c’est voir la vérité, y-a-t-il « un vrai », n’y-a-t-il qu’une réalité ?

    Jacques A. : Pour être lucide il faut être objectif. Peut-on voir les choses objectivement ? Quelle est la limite de cette objectivité ? Pour être lucide il faut englober toute la vérité.

    Marie Christine : Je fais une différence entre le réel et la réalité. Le réel c’est ce qui est, la réalité est notre perception du réel. Dans ta définition tu parlais de « voir objectivement les choses dans leur réalité », mais la réalité c’est déjà notre regard sur le réel, il y a déjà une interprétation, une subjectivité. Le réel c’est ce qui est on ne peut le nier qu’avec les illusions.

    Monica : On peut aussi être lucide suivant les sujets : on peut être lucide sur un sujet déterminé, par exemple une maladie dont on est atteint et sur laquelle on est bien renseignée, et la même personne peut complètement manquer de lucidité concernant un autre sujet. On n’est pas forcément lucide dans tous les évènements de notre vie.

    Jacques A. : Ça me fait penser à la notion du déni : on a un disjoncteur qui fait qu’on est lucide mais on ne veut pas le savoir. C’est vrai qu’il y a un lien entre la lucidité et le contexte. Parce que : être lucide c’est par rapport à quoi ? C’est par rapport à un contexte. Le problème du contexte pose la question de nos capteurs, c'est-à-dire tous nos sens physiques plus les sens conjugués. Ça veut dire qu’on peut être éventuellement trompés par nos capteurs qui ne nous donnent pas la bonne information sur l’environnement. En fait on a une lucidité qui est subjective. Par exemple une odeur, on sait que le nez s’anesthésie en quelques minutes, donc on n’a pas la même lucidité sur cette odeur au bout d’un moment parce que le nez l’a éliminée. C’est aussi, quand on sait qu’un enfant regarde son nez mais qu’au bout de quelques années il ne le voit plus parce que le cerveau a enregistré qu’il est là, pourtant les yeux le voient. Donc nos capteurs ont un rôle. On a peut être aussi besoin de limites dans la lucidité pour ne pas être dépressifs.

    Geneviève : Pour aller dans cette continuité là, je parlerai des filtres, on voit à travers des filtres que ce soit l’amitié, l’amour, la jalousie, la haine etc., notre façon d’être, nos réactions passent par ces filtres. La réalité s’en trouve déformée. Etre lucide quand on est passionné, quand on est dans l’émotion, est quelque chose de difficile, voire impossible.

    Jacques (du Gua) : Est-ce que la lucidité ne serait pas d’avoir une certaine conscience de sa propre personne par rapport à l’univers extérieur, et se sentir en permanence étranger à cet univers extérieur ? Ne jouons nous pas en permanence un rôle ? Dans la vie on fait tout le temps semblant.

    Monica : Non, vous êtes vrai ou faux, mais la lucidité n’a rien à voir là dedans.

    Jacques (de Talmont) : La question est « peut-on être lucide ? », donc la réponse serait « oui » ou « non ». Il faut argumenter sur le « oui » et sur le « non ». Chacun voit un peu midi à sa porte dans la réponse en fonction de ses propres sentiments dans ce domaine.

    Anne : Il me semble que ça a plus à voir avec la connaissance qu’avec la vérité. Plus on acquiert de connaissance dans un domaine plus on peut être lucide. Il me semble aussi que pour être lucide on a besoin d’un recul par rapport aux évènements, au lieu d’être dans l’émotion, le sentiment ou la passion comme l’évoquait Geneviève.

    Jacques L. : Pour être lucide il faut faire un effort, parce que rester dans l’illusion et le rêve apporte des satisfactions. Alors que chercher la lucidité demande une analyse des faits, une analyse des connaissances. On doit essayer de ne pas être manipulé ni par les uns, ni par les autres ; on va essayer de bien interpréter les choses, sans être non plus manipulé par nous même, parce que notre culture, notre éducation, font qu’on a des a priori. Il faut mettre tout ça de côté pour voir objectivement les choses, et ça demande un effort.

    Anne : J’en profite pour glisser une citation de Simone Manon, professeur de philosophie, elle dit : « Etre lucide consiste à voir clair. C’est particulièrement difficile vis à vis de soi-même, la clairvoyance n’est pas donnée, la lucidité demande un effort. » Et elle cite Pascal « Notre propre intérêt est un merveilleux instrument pour nous crever les yeux agréablement. »

    Geneviève : On dit que la clairvoyance n’est pas donnée, mais on parle souvent d’éclair de lucidité, comme si la lucidité était quelque chose de fugitif qui vous transperce, qui vous pénètre un peu comme l’éclair, qui peut partir comme l’orage se termine. Ça me fait penser aux moments de lucidité que certaines personnes atteintes de folie peuvent avoir. Je l’ai vu, des personnes qui sont complètement à côté de leurs pompes qui tout d’un coup se mettent à raisonner avec une lucidité foudroyante. Cette lucidité là n’est pas quelque chose qui dépend de la volonté.

    Jacques (de Talmont) : Comme vous le disiez tout à l’heure, la lucidité est attenante à la connaissance objective. Mais la difficulté est de rester objectif ; ce qui me fait dire qu’on est jamais vraiment lucide.

    Monique : J’ajouterais que la lucidité est peut être liée à l’âge, car l’âge apporte de la connaissance, par les relations humaines, par les lectures. Cette connaissance acquise au cours du temps suscite dans certaines cultures le respect des vieillards. On a aussi parlé d’être manipulable ; les jeunes sont plus manipulables que les vieux. Quand je leur parle à ces jeunes, et que je parle des défauts de gens que j’aime, ils ne comprennent pas où ils se fâchent. Pour eux, l’amour, l’amitié, ne supportent pas la critique, ils sont entiers, alors que moi j’ai le sentiment que je peux aimer quelqu’un ce qui ne m’empêche pas de voir ses défauts.

    Jacques (de Talmont) : La lucidité a dit quelqu’un c’est « je ne sais qu’une chose, c’est que je ne sais rien ».

    Françoise : La lucidité, je ne sais pas si ça existe réellement. Je pense qu’elle est rarement possible même avec des connaissances, parce qu’elle est souvent liée à ce qu’on a appris. C’est très difficile de voir sur soi et de voir à l’extérieur. Je ne pense pas qu’on puisse être objectif, c’est impossible parce qu’on est souvent dans le domaine des sentiments, des émotions. C’est quand même, en priorité, eux qui nous mènent dans la vie ; dans le travail, on est dans l’humain tout le temps. La lucidité objective ne me semble pas possible et j’ai envie de dire « tant mieux ». Si on était vraiment lucide sur tout, serions-nous plus heureux ? On a des protections qui, chacun à son niveau, suivant les circonstances, se mettent en place pour pas qu’on le soit. Je prends l’exemple de quelqu’un qui me dit « je ne suis pas capable de faire tel travail, parce que je suis lucide ». Moi, je ne le crois pas, je pense qu’on lui a dit qu’il n’était pas capable, alors il se croit pas capable et se dit lucide.

    Jacques A. : Donc on pourrait dire qu’il y a deux types de lucidité. Il y a la lucidité objective et la lucidité un peu subjective. On peut dire aussi que la lucidité est quelque chose que l’on n’atteint jamais, c’est une cible qui avance toute seule, les mathématiciens appellent ça «asymptote », c'est-à-dire vers laquelle on tend mais qu’on n’atteint jamais.

    Anne : Je ne sais pas si chacun d’entre nous est engagé dans un chemin pour être plus lucide, mais, apparemment, c’est la recherche de beaucoup de philosophes. Tu évoquais l’âge comme facteur de lucidité, justement je connais deux philosophes âgés. Charles Juliet qui est très âgé et qui n’est pas un grand optimiste, il dit « La lucidité est souvent une souffrance ». Par contre, François Julien a écrit « Une seconde vie », livre assez réconfortant car il permet d’envisager la vieillesse avec un certain optimisme, en regardant le fait de vieillir comme une chose positive. Il y a tout un chapitre qui s’appelle « Lucidité » je vous en lis un extrait : « La lucidité n’est pas l’intelligence, dont le propre est la compréhension. Tandis que l’intelligence, à l’instar du langage, est une faculté, et même la plus générale, qu’elle est pour une part au moins innée, qu’elle se porte sur un objet à la fois de son propre mouvement et dans l’instant, la lucidité, quant à elle, ne nous est pas donnée…..La lucidité n’est pas non plus la connaissance, celle-ci relevant plus résolument d’une acquisition. Tandis que la connaissance s’étend par domaines et par disciplines, la lucidité est une capacité globale qui ne se laisse pas morceler ni ne s’enseigne. »

    Jacques (du Gua) : Pardon, mais ce que vous venez de citer pour moi c’est inaudible, incompréhensible pour un type comme moi, je crois comprendre un petit peu ce qui est dit dans cette phrase. Pour faire plus simple, la lucidité n’est-ce pas la conscience de soi, la conscience du monde qui nous entoure, la conscience de notre place dans cette vie si brève ?

    Anne : C’est le point de vue d’un philosophe sur la lucidité, qui a sans doute beaucoup réfléchit dessus pour en arriver à dire que ce n’est pas la connaissance, que ce n’est pas l’intelligence et que c’est quelque chose qui est global.

    Michel : Je vais parler de moi : Depuis l’âge de 10 ans, je ne suis pas lucide. Qu’est-ce qu’on est bien quand on n’est pas lucide, parce qu’on peut en faire des choses, on peut en penser. On peut être pratiquement dans l’irréel à tous les niveaux. Souvent mon épouse me dit « mais tu ne te rends pas compte ? », bien non je ne me rends pas compte et je suis bien en ne me rendant pas compte.

    Anne : Une autre citation d’un autre philosophe qui va faire plaisir à Jacques du Gua : Jacques Ricot demande « Imbécile et heureux ou lucide et malheureux ? »

    Marie Christine : Nietzsche dans « La grande santé » qui disait que lorsqu’on apprend qu’on a une maladie grave on élabore des idées noires mais qu’après cet écrasement, qui est normal, une lucidité sort. Cette lucidité nous agrandit l’espace, ça ne nous rends pas plus heureux, mais on a un autre regard sur le monde et ça nous ramène au moment présent.

    Mireille : Pour aller dans le sens de ce qu’a dit Michel, dans ma préparation du sujet d’aujourd’hui, j’ai cherché des citations qui me parlent pour noter les points négatifs et positifs de la lucidité. Dans les négatives j’ai trouvé celle de trois chanteurs, je vais vous les lire : « C’est la lucidité, la fautive, elle met les poètes en lambeaux, elle qui vous apprend un jour que le père Noël n’existe pas. Elle vous bouffe l’enfance. », pense Pierre Perret. Donc, on peut dire que  la lucidité apporte du désenchantement et de la froideur. Elle pousse au recul, donc à la distance, et à l'analyse, à l'intellectualisation des choses.

     Léo Ferré, lui, dit : « C'est à trop voir les êtres sous leur vraie lumière qu'un jour ou l'autre nous prend l'envie de les larguer. La lucidité est un exil construit, une porte de secours, le vestiaire de l'intelligence. C'en est aussi une maladie qui nous mène à la solitude. » C’est vrai que quelqu’un d’hyper lucide ne laisse plus parler ses émotions, il ne peut plus être dans l’empathie et par là même se coupe de la société.

    Jacques Brel est moins pessimiste, il dit que « L'humour est la forme la plus saine de la lucidité. » Tout à l’heure je regardais une émission d’humoristes, et c’est vrai, que la plus part sont très lucides de ce qui se passe et le tourner en dérision par le rire est un moyen de supporter les évènements qui seraient sinon insupportables.

    Dans les citations qui positivent la lucidité j’ai noté : « La lucidité est un premier pas vers la sagesse, donc aussi vers le bonheur... » , ou encore,  « On n’est jamais trop lucide, et mieux vaut, dans le doute, noircir le tableau au moins intellectuellement, que l’enjoliver : cela évitera imprudences et désillusions. », écrit André Comte-Sponville.

    « La lucidité est indispensable dans l'art... Et la lucidité amène toujours soit la neurasthénie, soit la causticité. Les deux mêlées, cela donne mes chansons c'est-à-dire de l'humour amer. », dit Serge Gainsbourg

    Dans sa chronique « Pour être libre, soyez lucide »  Fanny Bauer-Motti, docteur en psychologie, écrit « La lucidité est cette capacité à voir nettement la réalité. Fondamental donc, pour construire ses projets, ambitions, et constructions intérieures et extérieures, à la lumière de la vérité et non pas de nos craintes, peurs et traumatismes engrangés… Etre lucide c’est être en état perpétuel de recherche de vérité que requiert la liberté, donc si nous sommes lucides, nous sommes libres : la lucidité n’est pas une contrainte mais une obligation. »

    Monique : J’ai bien aimé ce lien entre lucidité et humour. Effectivement les humoristes nous étonnent parce qu’ils savent voir les défauts des gens ou les leurs et montrer le ridicule, ça fait rire. Je crois que l’humour est un remède contre la lucidité déprimante.

    Françoise : C’est une réaction de défense, ce sont souvent des gens très tristes. Je voudrais revenir sur le mot « défaut », qui ne passe pas du tout pour moi. Ce qui est un défaut pour toi ne l’est pas forcement pour moi et l’inverse. A chacun sa vérité. C’est un jugement qui est très subjectif, qui est toujours d’après ce qu’on a appris, comme la lucidité d’ailleurs. Je crois qu’il faut se raccrocher, autant que possible, aux valeurs : le Vrai, le Beau, le Bien.

    Philippe C. Qui les définit ?

    Brouhaha : … c’est un peu un instinct… ça dépend des cultures

    Philippe C. : J’ai entendu aussi des mots comme « réalité », comme « vérité » : de quoi, de qui, et par quels moyens on y parvient ? La connaissance de la vérité ou la connaissance du réel, c’est par rapport à quoi ? C’est nous, les humains, qui le définissons, mais est-ce bien la réalité, je ne sais pas.

    Anne : Dans certaines cultures on dit que nous vivons dans l’illusion.

    Jacques A. : Je reviens sur la notion de défaut. Il faudrait avoir le même dictionnaire, la difficulté est là. J’interviens dans les entreprises pour les évaluer, et quand je dis que quelque chose ne va pas c’est toujours par rapport à un référentiel, sinon dans l’absolu je peux dire n’importe quoi. On distingue, défaut, anomalie, non-conformité, qui sont des notions qui se ressemblent mais ne sont pas exactement la même chose. On raccorde avec des valeurs que vous citiez « le vrai, le beau, le bien ». Les révérenciels qui sont de niveau international ont toujours deux catégories : une que j’appelle froide où on se réfère à quelque chose d’assez technique et dans le même temps il y a toujours un balayage philosophique.

    Jacques L. : Il me semble que tout n’est pas subjectif. C’est vrai que ce qu’on appelle vérité évolue au cours des siècles et des découvertes des savants : jusqu’à Copernic, on croyait que la terre était plate. Mais, on s’accorde quand même sur certaines valeurs universelles. Tout n’est pas relatif, en matière judiciaire les juges ont quand même des codes à partir desquels ils recherchent la vérité dans les conflits juridiques. Même si cette vérité n’est pas facile à atteindre, ils font des efforts, mettent en avant des éléments pour essayer d’atteindre cette vérité. Normalement, un juge qui se respecte doit mettre de côté ses émotions. Je trouve qu’on doit conserver une certaine froideur dans la recherche de la vérité, comme le font les juges au cours d’un procès ; ne pas se laisser emporter par ses émotions. Pour moi, la lucidité existe, on n’est pas dans un monde de Bisounours. On a des textes de lois, on a des philosophes, il y a quand même des données de bases, même s’il y a une certaine relativité dans les faits, dans les analyses.

    Anne : L’exemple que tu donnes là est peut être un des exemples les plus remarquables de la lucidité. Le juge, il essaye d’avoir les connaissances de chaque cas, les éléments qui font partie du problème. En laissant de côté toutes interférences personnelles, à partir de ça, essayer d’être le plus lucide pour pouvoir juger le plus équitablement possible.

    Jacques (de Talmont) : Monique et moi nous avons été lucide tout à l’heure, quand on est partis de Talmont, et qu’on savait qu’avec l’heure qui a été établie mondialement on arriverait 5mn en retard. Là effectivement c’était dû à la connaissance. Connaissance et possibilité étaient liées.

    Marie : Je voudrais faire le parallèle entre lucidité et folie. Michel nous a dit «  Je ne suis pas lucide ». Ça veut dire que moi je suis extra-lucide parce que j’ai les pieds sur terre ? Il y a un conflit parce que, moi, je suis lucide et que lui n’y est pas et je veux qu’il le soit. Comme il ne l’est pas je dis qu’il est fou, je le fait soigner. Il prend ses médicaments et me dit «  on m’a tué ». Donc tout ce qu’il sait de poétique, de choses imaginaires, je l’ai tué. C’est pour ça que je n’aime pas ce mot « lucidité ».

    Anne : J’aime bien le mot que tu as utilisé « extra lucide », je me demandais s’il viendrait dans l’échange. Je ne sais pas si on peut amener le débat sur les extra-lucides, mais quand tu parlais, tout à l’heure, Geneviève, des fous qui avaient des éclairs de grande lucidité, j’ai pensé que c’était peut-être parce qu’ils avaient un côté extra-lucide. Extra-lucide, qu’est ce que ça veut dire, qu’est ce que c’est ? Mais, effectivement on est là du côté des hyper sensibles, des poètes etc.

    Mireille : Il faut se méfier de l’expression « être fou », parce que « qui est fou ? », on est toujours le fou d’un autre. Même les personnes qui sont médicalement considérées comme fous, ils le sont par rapport à des normes basées sur des majorités. Où est la frontière entre folie et normalité ?

    Brouhaha :

    Monique : Je voudrais réagir sur ce que tu as dit, Marie, c’est que ce n’est certainement par hasard que vous êtes ensemble.

    Françoise : Oui, je suis tout à fait d’accord, vous vous apportez des choses l’un et l’autre, peut-être chacun dans le trop. Il faut trouver le juste milieu.

    Monique : On a abordé la folie et comment elle peut être pathologique, elle l’est quand il y a souffrance. Si quelqu’un est un peu à côté de la norme et qu’il est heureux, il ne faut pas y toucher.

    Mireille : Je reviens au sujet d’aujourd’hui : la lucidité. Je suis tombée sur le site d’une association qui s’appelle Leadership du cœur où il y a un article sur la lucidité. La question «Qu’est-ce la lucidité » y est posée à des gens très variés : cela va du président du groupe Eram, au fondateur de Neuroquantis (approche concrète de management de soi et des autres), en passant par une psychologue du travail, un snowboardeur avec un palmarès impressionnant et autres personnalités. Les réponses sont diverses et comme le disait Monica selon le domaine dans lequel, on vit on n’attribue pas le même sens à l’expression être lucide. Je vous passe le détail, il y a 4 pages, mais ils en arrivent tous à un moment à dire que la lucidité c’est écouter son cœur. C’est-à dire qu’après avoir eu la connaissance dans leur domaine, après avoir analysé la situation, leur choix est celui qui vient du cœur. Par exemple le snowboardeur va dire « je dois être conscient de mes forces, de l’environnement (météo, parcours etc.), élaborer une stratégie, et y rester fidèle tout en étant à l’écoute de la conjoncture ; le dirigeant c’est de dire « La décision nécessite l’analyse mais le trop d’analyse paralyse… Il y a une part d’instinct dans la prise de décision » ; la psychologue va soulever le barrage des émotions et des certitudes etc. Et chaque fois que je passais de l’un à l’autre, je pensais « il a raison » mais chacun en arrive à : « pour agir avec lucidité il faut rester authentique et  spontané. »

    Marie-Claude : C’est tout à fait contraire à ce qu’on a dit : qu’il fallait mettre de côté l’émotionnel.

    Brouhaha :

    Anne : Tout dépend du sens qu’on donne au mot cœur.

    Mireille : Ici, il ne s’agit pas de se laisser porter par ses sentiments ou ses émotions, mais c’est écouter son intuition. C’est mettre ensemble raisonnement et intuition. Dans les interviewés il y a un neuroscientifique qui dit que « C’est être présent à une situation et conscient de notre interaction avec cette situation. Ce mouvement vers la présence pourrait sembler abstrait, mais les neurosciences nous permettent de comprendre qu’il s’agit d’activer la partie de notre cerveau qui est la plus intuitive, la plus créative et la plus sereine : le préfrontal.». Il explique que pour être vraiment lucide il faut « basculer consciemment en préfrontal, prendre du recul sur soi, au présent, en toute conscience, dans une posture d’observateur de ce qui est, sans jugement »

    Philippe C. : Passer du circuit court du cerveau automatique au circuit long du préfrontal.

    Françoise : Je suis d’accord avec ce que dit Mireille, mais ça demande un lourd travail sur soi pour arriver à cet état là.  Si on pouvait utiliser à la fois le raisonnement, à la fois l’analyse et à la fois les émotions, après on pourrait se laisser aller à l’intuition et nous dire «  cette personne je dois la prendre dans mon équipe ». Mais pour arriver à ça il faut d’abord être débarrassé de tous nos préjugés etc. Il faut prendre du recul pour aller là où tu dis, dans le préfrontal. Il faut prendre beaucoup de recul, ce n’est pas évident pour tout le monde, on en avait parlé quand on a débattu sur l’intuition.

    Mireille : Samy Kallel, co- créateur du site, après avoir cité St Exupéry  « On ne voit bien qu’avec le cœur, l’essentiel est invisible pour les yeux » dit « Quand je parle de « cœur », je fais référence à « l’état d’être ».

    Geneviève : On a parlé de connaissance, c’est la connaissance de soi, de l’autre, la connaissance profonde. C’est cette connaissance qui va nous permettre de prendre du recul, de lâcher prise, de s’ouvrir, pour être lucide, plus libre comme le disait Mireille, d’être dans l’acceptation et moins dans le déni qui sont des protections. Quand on a un éclair de lucidité et que ces protections craquent, que les carapaces tombent, comme un barrage, ça fait des dégâts. On peut parler de lucidité et de souffrances.

    Françoise : D’où l’utilité d’être accompagné, parce qu’après on est dans la liberté.

    Gino : Je pense aux interviews dont a parlé Mireille. Je pense qu’ils ont fait une synthèse pour arriver à dire « il faut agir avec le cœur ». C’est en fait plus de la réflexion que du cœur.

    Mireille : J’ai vraiment fait un bref résumé, je vous invite à aller les lire. Dans le déroulement de leurs propos on sent vraiment une sensibilité, ce n’est pas froid. Ce n’est pas une généralité ces gens là, ce qui m’a intéressé c’est qu’ils viennent d’univers complètement différents.

    Jacques L. : Je suis quand même septique dans le fait de mettre en avant le cœur plutôt que la raison. Il y a un proverbe qui dit « Le cœur a ses raisons que la raison ignore ». Pour moi dans la lucidité il y a la primauté de la raison, de l’analyse, sur les émotions et sur le cœur.

    Philippe C. : La lucidité n’est pas la raison qui prime sur le cœur, c’est de savoir qu’il y a les deux et qu’il faut composer avec ces deux aspects, l’aspect de la raison et l’aspect de l’affectif. Il faut savoir se situer par rapport à ces deux composantes.

    Mireille : Spinoza dit « La lucidité, c’est savoir distinguer le réel de l’imaginaire ». Pour lui « il y a trois genres de connaissance, à savoir l’imagination, la raison et l’intuition. » quand je parle de cœur, je parle de l’intuition, je pense que c’est aussi dans ce sens qu’il doit être compris dans le proverbe.

    Anne : J’en profite pour citer André Comte-Sponville : « Intellectuellement, je mets la lucidité plus haut que tout. Mieux vaut un malheur lucide qu'un bonheur illusoire ! S'il doit choisir entre une vérité et une joie, le philosophe choisit la vérité. Il ne s'agit pas de penser ce qui me fait du bien, me rassure ou me console, mais ce qui me paraît possiblement vrai ». Je vais mettre en opposition cette pensée avec celle de Théodore Monod,  c’est un commentaire fait par Albert Jacquard : « Chaque jour nous recevons la consigne d’être efficaces, réalistes, compétitifs. Théodore Monod nous montre que cette course aveugle, éperdue, nous mène à l’abîme. Il préfère la lucidité de l’utopie qui nous fait choisir une étoile lointaine, sans doute inaccessible, mais vers laquelle on se dirige et qui guide nos choix quotidiens. »

    Brouhaha : propos sur Albert Jacquard 

    Anne : Il faisait une petite émission quotidienne de 5mn sur France Culture qui s’appelait « Tentatives de Lucidité » 

    Mireille : C’est édité en livre de poche. Tu citais André Comte-Sponville, il dit aussi « On est jamais trop lucide, et mieux vaut, dans le doute, noircir le tableau au moins intellectuellement, que l’enjoliver : cela évitera imprudences et désillusions. » Il montre bien là son côté pessimiste.

    Françoise : Le fait de se mettre dans cet état-là, déjà très noir, qu’il n’a pas encore vécu mais qu’il se prépare à vivre…

    Marie Christine : André Comte-Sponville n’est pas pessimiste, il a écrit « Le bonheur, désespérément », ça ne veut pas dire qu’il est désespéré mais que c’est sans espérance, ce n’est pas la même chose. On fait toujours un balancier entre la lumière de l’utopie et puis le fait d’une certaine lucidité. Pour que ce soit supportable il faut quelque chose qui soit de l’ordre de l’illusion.

    Anne : On ne peut pas être tout le temps lucide. Quelqu’un qui a la capacité d’être lucide, j’imagine que s’il l’était tout le temps, il deviendrait fou.

    Jacques L. : On peut être lucide la journée et puis rêver la nuit.

    Brouhaha : (rires)

    Mireille : Lucidité et illusion, réel et rêve, c’est un peu comme l’ombre et la lumière, on ne peut connaitre l’un que par rapport à l’autre, s’il n’y avait pas de lumière on ne connaitrait pas l’ombre, de même sans rêve il ne peut y avoir lucidité.

    Philippe C. : Pourquoi opposer rêve et lucidité ? Le rêve existe, le fait de le savoir c’est que je suis lucide. Il n’y a pas d’opposition.

    Jacques L. : Ce n’est pas une opposition, c’est comme la vie et la mort, les deux états existent.

    Françoise : Je rebondis sur ce que tu disais : on sait que pour aller dans la réalité, pour construire des choses dans la réalité, il faut rêver. Walt Disney  dit qu’il a beaucoup rêvé à tout ce qu’il a fait avant de le faire. Il est parti du rêve pour construire son empire. Pour se réaliser, il faut passer par une phase de rêve où on peut se dire « tout est possible », et ensuite suivant ses capacités, on va émettre des critiques, on va se dire « non là je ne peux pas mais ça je peux », c’est être lucide. Je pense que le rêve est très constructeur.

    Jacques (du Gua) : Je pense que le rêve est lucide, à partir du moment où on est capable de rêver les choses elles existent. Ce qui nous fait souffrir c’est que cette réalité n’est pas toujours à la hauteur de nos rêves.

    Geneviève : On parle de lucidité de jour et de rêve la nuit, on parle de lucidité du rêve, moi je parlerais plutôt d’extra lucidité. Quand on travaille sur les rêves, quand on les interprète sérieusement, on va toucher une autre sphère, on va toucher l’inconscient, on va vers les hautes sphères. Je dirais qu’on va vers l’extra lucidité si on prend soin de faire ce travail là. Certains rêves peuvent nous amener vers plus de lucidité. Quand à être lucide toute la journée, je te mets au défi Jacques. On passe de la lucidité à l’aveuglement en permanence.

    Monique : On a parlé au début du Père Noël, je voudrais vous faire part d’une expérience à ce sujet. Je suis de ceux qui ont beaucoup souffert quand on m’a dit que le Père Noël n’existait pas. Comment faire pour protéger les enfants de ça ? Avec mes enfants je n’ai pas voulu casser le Père Noël, et quand ils m’ont posé la question sur son existence, j’ai répondu « oui, il existe, mais ce n’est pas un homme comme on le représente, c’est un symbole ». Alors question suivante « Qu’est-ce que c’est qu’un symbole ? » ; réponse «  c’est la représentation de quelque chose qui n’a pas d’existence matérielle qu’on se représente dans sa tête, c’est le symbole de la gentillesse, de la bonté qu’on a envie d’avoir pour les enfants ». Et bien c’est très bien passé. C’est donc une autre forme d’existence, c’est un rêve.

    Jacques (de Talmont) : A propos de rêve et de lucidité, Martin Luther King a dit » I have a dream », j’ai un rêve. Et aujourd’hui où en est-on ? On a eu un président américain noir… Voilà la relation que je fais entre le rêve, la réalité, l’utopie et l’espoir.

    Jacques L. : J’en reviens aux rêves qu’on peut interpréter. On peut le faire à condition de connaitre un spécialiste, un psychanalyste pour le faire. Etant entendu qu’il y a des gens qui sont en psychanalyse depuis 30 ans, je ne sais pas si ça fait vraiment avancer.

    Brouhaha : (à propos de la psychanalyse et de l’interprétation des rêves)

    Marie Christine : Par rapport à ce que disais Jacques, il me semble que l’ennui est que, par exemple, quand on a une insomnie on est très lucide, et que c’est le matin, avec le retour du soleil, qu’on peut encore s’envelopper d’illusions, alors que jamais on est aussi lucide que la nuit. C’est parce que le réel est là, c’est pour ça qu’il y a beaucoup de gens qui sont angoissés par la nuit.

    Jacques  (de Talmont) : Je fais la relation entre le rêve, la lucidité et la connaissance.  Avant les années 60 on rêvait d’aller sur la lune, et on a établit de connaissances techniques fortes et ce rêve n’était plus utopique, il est devenu une réalité. Et maintenant on fait passer un autre rêve c’est d’aller sur Mars ; où est la lucidité ? Et pourtant on a la connaissance. Je pense que la lucidité n’est pas basée sur la connaissance.

    Philippe C. : La connaissance fait partie des bases nécessaires pour la lucidité, c’est au niveau du raisonnement mais il n’y a pas que ça.

    Marie : Je rebondis sur la lucidité nocturne, pour reparler de Michel, il n’est lucide que la nuit. Il travaille la nuit et la journée il rêve.

    Jacques (du Gua) : On parle de rêves éveillés, d’une vie qu’on idéalise qui, quand on en fait le scénario dans sa tête, est super belle. La lucidité c’est la vérité, des rapports humains, des impondérables, les guerres, les conflits, dont chacun d’entre nous prend conscience de l’absurdité.

    Jacques (de Talmont) : A la question « Peut-on être lucide ? », on n’a pas la réponse.

    Anne : Cioran, hum - grand optimiste devant l’Eternel, dit  La lucidité complète, c’est le néant. »

    Monique : On a parlé d’asymptote, c’est une image très réelle et belle, pour la lucidité

    Gino : la lucidité est un outil, qu’on a dans notre caisse à outils au même titre que le rêve, pour faire face à une situation donnée. On peut décider d’être lucide par rapport à un évènement ou continuer à rêver (rêver dans le sens de déni ou d’idéal).

    Geneviève : Oui, comme le dit Gino c’est un outil, mais ça ne me parait pas si simple que ça. Ce n’est pas un outil qu’on prend dans la boite à outils quand on en a besoin. La lucidité ce n’est pas quelque chose qu’on n’amène comme ça sur la table. Elle vient de loin, ça se prépare, ça se travaille et ça peut disparaitre d’un moment à l’autre. J’ai trouvé une citation qui me parait intéressante, c’est dans « Œdipe Roi » : «  Il est clairvoyant il sera aveugle ; il est opulent, il sera misérable et s’en ira sur la terre étrangère en tâtant le chemin avec son bâton ». C’est vrai qu’on est tout le temps à tâter notre chemin.

    Jacques L. : La lucidité, c’est un outil, oui, mais il me semble qu’il y a des gens qui ne se servent jamais de cet outil. Je pense aux hommes politiques ou aux militants qui sont dans leur combat pour atteindre un but précis, prendre le pouvoir, et ne voient pas la réalité telle qu’elle est.

    Brouhaha : … il ne faut pas généraliser…

    Anne : Il me semble que certaines personnes, avec l’expérience, l’âge, la réflexion, ont la possibilité de prendre du recul par rapport aux réalités et peuvent mieux juger les choses.

    Mireille : Ça fait plusieurs fois qu’on associe la lucidité à l’âge. Je ne suis pas d’accord avec ça, je pense que la lucidité est un trait de caractère qu’on peut avoir dès la naissance. Ma fille qui a 32 ans, dès l’enfance m’a étonnée par sa lucidité par rapport aux petits évènements de sa vie d’enfant, et aujourd’hui encore elle m’épate. Elle a en elle une sagesse qu’elle a acquise je ne sais pas comment, alors que son frère ainé, lui, a toujours été dans un monde imaginaire ; ce n’est donc pas qu’une question de milieu, d’éducation ou d’âge. Je crois que c’est vraiment lié à la personnalité. Au début du débat j’ai posé la question « à quelles conditions peut-on être lucide ? », je pense que c’est une qualité qu’on peut, plus ou moins, avoir dès la naissance. Inversement on voit des personnes âgées qui avec le temps, donnent de plus en plus la place au rêve, à l’imaginaire. Ça m’ennuie vraiment qu’on puisse dire que les personnes âgées sont plus sages et plus lucide que les jeunes.

    Anne : Tu as raison, il ne faut pas généraliser, il y a des personnes qui ont des prédispositions, c’est individuel.

    Geneviève : Je pense que la lucidité est surtout liée au travail que l’on fait sur soi pour l’être. Je pense aussi, Mireille donnait un bel exemple en parlant de ses enfants, qu’il y en a qui sont tombés dans le chaudron à la naissance et puis d’autres qui ont besoin d’y travailler toute leur vie, d’être vigilants.

    Jacques L. : Moi, j’irais plutôt dans le sens d’Anne. Je me souviens de quelqu’un qui a dit « Quiconque n’est pas révolutionnaire à 20 ans n’a pas de cœur, et quiconque l’est encore à 60 ans n’a pas de raison ». Il me semble que ça symbolise bien la sagesse de l’ancien.

    Françoise : Je crois en effet qu’il y a cette ouverture qui vient très jeune, on le voit chez les adolescents et puis après aux dizaines. A chaque fois qu’une personne passe une dizaine il peut y avoir des questionnements qui se posent. Par rapport à la vieillesse, chez certaines personnes il y a cette ouverture et chez d’autres pas du tout. Il me semble que cette possibilité à s’ouvrir avec l’âge, vient aussi du fait qu’on a moins d’occupations, qu’on prend plus de temps pour soi.

    Jade ( 12 ans) : J’ai trouvé des citations sur la lucidité :

    « Lucidité, superficialité, vénalité : toutes les qualités pour bien coller à la réalité » Philippe Sollers 

    « Pour être malheureux, il faut savoir pourquoi il faut avoir assez de lucidité pour comprendre » Jean-Marie Poupart

    « Tant que dure l'amour, la lucidité parle moins fort que l'indulgence » Paule Saint-Onge

    « Personne ne résiste bien longtemps à la cruelle lucidité du regard des morts »George Cartier

    « Folie n'est pas déraison mais foudroyante lucidité » Réjean Ducharme
    « Ce qu'on nomme cafard n'est souvent qu'une éclipse de nos illusions et un éclair de notre lucidité » Fernand Vanderem

    « Beaucoup de suicides ne sont dus qu'à une minute de lucidité » Marcel Jouhandeau
    « La lucidité n'est rien d'autre qu'une ivresse de puissants » Jacques Attali
    « La lucidité complète c'est le néant » Emil Michel Cioran

    Fermeture du débat (par Mireille)

    Extrait de l’article de Joel Brassy (élève de Gilles Deleuze): Nécessité de la lucidité comme distinction et unité du réel et de l’imaginaire

    « Ce que j’appelle la lucidité ou vivre consciemment, c’est non pas vivre sans imaginaire mais être libre de l’imaginaire. Etre lucide et vivre dans le réel, ce n’est pas vivre sans rêves, mais se donner les moyens de les réaliser. C’est faire de sa vie un rêve, mais un rêve lucide et éveillé. C’est vivre vraiment, pleinement et dans un monde qui n’est pas seulement une image mais un monde vivant ; comme disait Richard Bach : « l’image est irréelle mais sa beauté est réelle ».

    Alors oui nous pouvons être lucides, chacun en fonction de nos  propres capacités, il suffit de le vouloir et d’y travailler.

    Poème (lu par Anne)

    Poème de Victor Hugo, cet extralucide, comme beaucoup d’artistes (recueil posthume « Toute la lyre »)

    Parce que tu ne sais, toi l’homme, ce que font
    Les choses en travail dans l’univers profond,
    Ténèbres et chaos que traversent des gloires ;
    Parce que tu ne sais où vont les forces noires,
    Les effluves, les gaz, les foudres ; les aimants,
    Les principes cachés au fond des éléments ;
    Parce qu’en même temps, suivant ta propre trace,
    Bâtissant pas à pas le progrès de ta race,
    Mettant pierre sur pierre, aujourd’hui sur demain,
    Tu vois distinctement ton petit but humain ;
    Tu prends l’impénétrable en pitié, tu confrontes
    Cette obscurité, sourde à tes œuvres si promptes ;
    Tu t’admires, tu dis : -j’entreprends ; mais, du moins,
    Je veux, j’achève, et j’ai mes travaux pour témoins ;
    Je ne perds pas l’haleine et l’effort ! - Et tu railles
    L’infini, l’invisible, effrayantes murailles ;
    Et, noircissant les cieux avec ton vil charbon ;
    Ta main hautaine écrit sur l’abîme : à quoi bon ?
    Tu couvres l’Inconnu de ton dédain immense.
    -Ô nature, à quoi bon toute cette démence,
    Ces ondes, ces courants, ce trouble aérien,
    Et la matière en proie aux tourmentes - pour rien ?
    A quoi bon tes vieux monts, Alpes et Cordillères ?
    Quel temple as-tu construit avec ces tas de pierres ?
    Ton torrent ne vaut pas mon moindre portefaix ;
    Compare ton nuage aux dômes que je fais,
    Compare ta fumée à ma colonne torse ;
    Pourquoi cette dépense inutile de force ?
    Que sert la cataracte ? à quoi bon le volcan ?
    Et ton soufflet de forge insulte l’ouragan.

    Que vous ayez été présent ou non à cette rencontre, si vous voulez apporter un complément à ce débat, n’hésitez pas à faire un commentaire en cliquant ci-dessous.  Vous pouvez être avertis des commentaires faits en vous inscrivant à la Newsletter. Merci pour votre participation et rendez-vous Dimanche 29 avril (même heure, même lieu)

    La question choisie à mains levées, sera: « Qu’est-ce que mourir ?»

    Le thème choisi pour avril est  « L’imaginaire ». Préparez vos questions.

    Mireille PL

     

     

     

     

     


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