• 5 à 7 Philo du dimanche 23 février 2020 : 12 participants

    Peut-on regarder autrement ? 

    Animé par Mireille et Nathalie 

    Introduction (par Mireille)

    Nous avions choisi de débattre sur cette question pour faire suite au conte théâtral et musical « Les deux Aveugles » joué au début du mois ici au Gua.  Je vous présente Pierre Dumousseau, qui nous fait le plaisir d’être parmi nous pour cet échange. Acteur/conteur de la Compagnie de l’Ilot Théâtre, il a aussi participé pour ce spectacle à la traduction et l’adaptation de la pièce « La source des saints » de  John Millington Synge. Pour ceux d’entre nous qui n’ont pas pu venir  à cette représentation, Nathalie va nous lire un résumé tiré d’un article de Médiapart :

    « Mary et Martin Doul sont aveugles (On apprendra incidemment qu’ils ne sont pas aveugles de naissance, qu’autrefois, dans leur très jeune âge, ils ont vu). Ils mendient, se chamaillent, bavassent et rêvent d’une vie meilleure. Et de la belle Molly Byrne, aussi. Alors, quand un saint ayant le pouvoir de guérir leur cécité est annoncé, ils n’hésitent pas un seul instant: à eux les beautés de la vie, à eux toutes les possibilités du monde! Mais cest compter sans les mensonges, la brutalité et l’implacabilité des hommes.

    Lui, comme elle, en arrive à regretter le temps d’avant, quand ils ne voyaient rien.

    A force d’être effrayés et secoués par ce qu’ils voient, la vue de Martin et Mary se ratatine, les voici de nouveau aveugles. Et quand le saint veut remettre ça, Martin refuse « ce grand bazar avec l’eau sacrée » et les « longueurs d’oraison », et Mary dit au saint : « J’aime mieux vivre obscure tout le temps auprès de lui [Martin], que voir de nouveaux tourments. » La lumière avait failli les séparer, l’obscurité partagée les retrouve plus unis que jamais, ils décident de partir vivre ailleurs. »

    Pierre Dumousseau : Auteur irlandais du début du XXe, John Millington Synge a écrit peu de chose car il est mort jeune, à 38 ans. Avec « La source des saints » Synge offre une fable drôle et émouvante, il ouvre aux questions du regard que nous portons sur nous-même, le monde et les autres. […] Tant qu’on est aveugle on peut avoir encore des illusions, après quand on ouvre les yeux on peut toujours avoir des rêves mais il est plus dur d’avoir des illusions.

    Mireille : On en vient à notre question « Peut-on regarder autrement ? » C’est-à-dire peut-on regarder sans jugements ? Le mot clé de la question est le verbe « regarder ».

    Larousse le définit ainsi : 

    ·       « Porter le regard vers, sur quelque chose, quelqu'un : Regarder le paysage. »

    Synonymes : considérer - contempler - dévisager - examiner - fixer - inspecter - lorgner - observer - parcourir - reluquer (familier) - scruter - toiser – voir

    ·       « Considérer de telle ou telle manière quelqu'un ou quelque chose »

    Synonymes : estimer - juger - prendre - présumer - traiter comme

    Littré présente les deux principaux sens à l’inverse : le jugement puis la vision

    ·       Avoir égard à, en parlant de personnes (sens primitif qui vient de garder qui est dans regarder).

    Avoir en considération, en estime.

    Regarder quelqu'un, s'intéresser à lui.

    Attacher de l'importance à, en parlant de choses.

    ·       Par extension de l'attention morale à l'attention physique, porter, attacher la vue sur. 

    Je propose que dans un premier temps nous essayons de sentir la différence qu’il y a entre « voir » et « regarder »

    Résumé des échanges (par Mireille)

    Marie Christine : Il me semble que « voir » c’est la perception immédiate, alors qu’on regarde avec son histoire, ses croyances, son éducation etc. C’est un peu la même différence qu’il y a entre le réel et la réalité. Dans le regard il y a quelque chose de nous qui passe. Dans la vision un homme c’est un homme, mais la façon dont je vais le regarder c’est avec mes valeurs, mes croyances etc.

    Pierre D. : Mais, par exemple, quand quelqu’un dit « je vois, je vois » ça veut dire « je comprends »

    Josette : Mais c’est pareil, il voit avec tout ce qu’il est. Par exemple : on regarde une forêt, il n’y a pas deux arbres pareils, en fonction du vent, de la lumière, du voisin etc. celui-là s’est incliné de cette façon, cet autre  est tout petit, celui-ci au contraire est magnifié par l’espace dont il dispose etc., chaque arbre a sa propre réalité en fonction de l’endroit où il se trouve. Donc son regard va être porté en fonction de ce qu’il a traversé : les tempêtes, la sècheresse etc. En tant qu’être humain c’est la même chose, on a chacun sa réalité. On ne peut pas parler de réalité mais des réalités. Et donc, de la façon dont on se positionne, si l’on juge une personne laide, il suffit juste de changer de place pour trouver qu’elle a un profil charmant. Notre façon d’appréhender notre regard va être différente en fonction et de l’espace et du temps.

    Pierre M. : « Regard » est, me semble-t-il, presque synonyme de jugement dans l’expression très courante « quel regard portez-vous sur cette fameuse pièce ? ». En fait, cela veut dire « Qu’est-ce que vous en pensez ? » cela n’a rien à voir avec la vision. Ça rejoint un peu ce que vous dites : c’est un jugement, une projection de son vécu.

    Josette : De la même façon, il me semble que lorsqu’une pièce de théâtre s’offre à nous, c’est une représentation d’un texte et nous-même nous allons avoir une représentation de ce qui nous est transmis. Quand on regarde quelque chose on est dans la représentation. On se représente en fonction de notre vécu : c’est en fait un échange de représentation.

    Pierre D. : Quand nous avons fait l’adaptation de « La source des sages », on a choisi de ramener une pièce de 2h30 à un spectacle de 50mn, on a donc fait une représentation de la façon dont on regardait cette fable, quel regard on portait sur elle et ce qui pour nous était important d’en montrer.

    Brigitte : Les scientifiques disent que l’objet n’existe que parce qu’il est regardé.

    Pierre D. : C’est valable pour tout ce qui est œuvre d’art. C’est Duchamp qui a pris un simple urinoir et lorsqu’il l’a accroché sur un mur de musée cet urinoir la tête en bas est devenu une œuvre d’art et il est considéré comme tel.

    Mireille : Je ne suis pas physicienne mais c’est ce que j’ai un peu compris de la physique quantique. Elle démontre que la réalité objective n'existe pas indépendamment de l'observation. Un atome observé passe de l’état d’onde à l’état de particule. Je pense que de la même façon notre regard peut changer le monde.

    Josette : D’où la plus belle chose que l’on peut avoir c’est une liberté de penser. On ne peut pas forcément intervenir sur ce qui se passe, mais par contre on a une liberté d’interprétation. Quand on regarde les choses la seule liberté qu’on pourrait avoir c’est d’y mettre éventuellement de la poésie, de la fantaisie, pour garder ce regard qui justement change le monde. Et si on veut se protéger d’une réalité trop violente par rapport à sa propre sensibilité, on peut très bien se dire « cette personne a dû traverser des épreuves assez difficiles pour se présenter de cette façon-là. On peut aussi garder cette liberté d’être aveugle face à une réalité trop violente.

    Pierre D. : C’est d’ailleurs la conclusion de la pièce originelle de Synge. En fait, lorsqu’ils partent tous les deux dans la brume en refusant qu’on leur rende à nouveau la vue, Timmy le forgeron dit qu’avec tous les guets et les courants qu’ils auront à traverser ils vont être noyés avant peu ; et le Saint conclut (c’est la dernière phrase de la pièce.) « Au moins, ils auront choisi leur vie, eux ». C’est-à-dire leur liberté.

    Marie Christine : Et l’aveuglement.

    Pierre D. : Oui, mais cet aveuglement n’en est pas un pour eux. A un moment, lorsqu’il a retrouvé la vue et qu’il est obligé de travailler dur à la forge sans être payé etc., il dit «  Au moins quand j’étais sombre (quand j’étais aveugle) mon ciel intérieur était toujours clair, les arbres couverts de feuillage et les prairies parsemées de fleurs. Et surtout je ne voyais pas ton gros nez rouge qui coule tout le temps. Je ne voyais pas non plus le visage hideux de ma femme, je pouvais toujours la rêver encore plus belle que Molly Byrne ».

    Pierre F. : Je trouve que cette question «  Peut-on regarder autrement ? » est complexe. Ça voudrait en quelque sorte dire qu’on pourrait se dédoubler. Il y a d’abord sa propre personnalité, sa subjectivité, qui fait qu’on va regarder d’une certaine manière. Et dans le même temps on nous dit « mais non, il y a d’autres manières de regarder » pour se distancier, en quelque sorte, de ce que nous sommes.

    Josette : J’ai utilisé cette méthode dans l’enfance, parce que confrontée à des situations trop violentes. On m’a enseigné cette phrase que tout le monde connait « le ciel nous tombe sur la tête », car avant, quand il y avait des tempêtes, des orages, les gens, qui n’en comprenait pas l’origine avaient vraiment le sentiment que le ciel allait leur tomber sur la tête ; de la même façon lorsqu’on regarde une situation, on peut imaginer ce que la personne qui, par exemple est désagréable, a pu traverser, ce qu’elle me raconte dans sa façon d’être. En fin de compte elle parle d’elle-même à travers sa façon de se présenter, à travers sa façon agressive ou agréable d’être, elle exprime le chemin qu’elle a parcouru. On est comme des rivières qui se chargent en serpentant à travers les cailloux, en serpentant dans les plaines etc., on a une composante qui fait qu’on traduit quelque chose de ce qu’on a traversé, de la façon dont on l’a porté. Donc on peut regarder autrement, à condition qu’on se dise que comme pour la tempête il y a une origine à l’attitude d’un homme tempête. Ça désengage de cette violence qui nous arrive ou de ce mauvais regard. On peut devenir plus tendre par rapport à ça en disant « c’est un phénomène », on peut ainsi ne pas subir les choses en essayant de les comprendre.

    Brigitte : C’est dans ce sens qu’on dit qu’il ne faut pas confondre la personne avec son comportement.

    Pierre D. : Le comportement reflète quand même la personne.

    Josette : Par notre regard on peut la figer dans un état.

    Brigitte : Je travaille avec des enfants qu’on disait handicapés, aujourd’hui on dit « ayant un handicap », justement pour ne pas les enfermer dans leur différence et qu’ils ne sont pas que handicapés.

    Pierre M. : C’était important que vous expliquiez pourquoi vous avez dit « il ne faut pas confondre la personne avec son comportement. » Sinon on ne pouvait pas la comprendre.

    Nathalie : Je trouve dommage qu’on ait à l’expliquer, mais c’est vrai qu’il faut parfois forcer les gens à avoir un regard différent.  Pour m’occuper de migrants et d’alcooliques et autres, je peux dire que changer les regards vis à vis de comportements ou de différences, est hyper compliqué ; il faut un engagement, il faut expliquer. Mais pourquoi doit-on expliquer que quelqu’un qui est malade est malade ; que quelqu’un qui est sur la route pour fuir la guerre c’est simplement qu’il veut sauver sa peau. Je trouve dommage que notre société aujourd’hui nous empêche, seulement avec le regard, de comprendre les choses. On est dans une société où on doit tous penser de la même façon, il y a une norme, le regard c’est une norme.

    Marie Christine : Pour répondre à ta question, on peut changer notre regard par la connaissance. Mais la connaissance c’est du boulot car on ne peut pas être expert dans tout. Ce n’est pas que la connaissance psy, mais aussi politique, sociale etc., il y a un peu de paresse car il faut chercher.

    Brigitte : Je dirai qu’avant la connaissance il faut l’ouverture.

    Mireille : Je voudrais revenir sur notre sujet dont on s’éloigne un peu. Revenons sur « voir » et « regarder ». Il y a quelques années j’ai fait tout un travail qui part de la vue : qu’est-ce que voir ? Qu’est-ce que regarder ? Qu’est-ce qu’observer ? Etc. Je vous le résume :

    Voir - ouvrir les yeux. Quand j’ouvre les yeux le monde extérieur vient vers moi, les images entrent en moi. Je peux rester indifférente à ce qu’il me présente ou être animée d’une émotion, sentiment de curiosité qui va éveiller mon regard.

    Regarder-s’arrêter : Contrairement à la vue, avec le regard je me projette dans le monde extérieur. Ce contact éveille en moi un sentiment de sympathie ou d’antipathie qui m’amène soit à me détourner soit à aller vers, à me retire où à communiquer (à observer)

    Observer – étudier- connaitre (naitre avec) : Dans l’observation, la pensée entre en jeu et comme vous l’avez dit je vais avoir un regard, un jugement (dans le bon sens du terme) en fonction de ce que je suis et de ce que je sais. Et même, je peux découvrir des choses que j’ignorais. Je peux avoir le regard de l’artiste, le  regard du scientifique, le regard du sociologue, du politique, du religieux ou plus simplement le regard de l’humain celui du cœur. « Naitre avec » suppose qu’il y ait un échange, un dialogue.

    Lâcher prise – méditer (s’immobiliser) : Christophe André dit « Tu t’es arrêté parce que cet instant est unique. Parce que tu ne reverras plus jamais exactement ce que tu vois. Parce que tu ne revivras plus jamais exactement ce que tu vis. C’est ça, tu as compris : tu t’es arrêté parce qu’a surgi à ta conscience l’essentiel […] regarde autour de toi avec les yeux d’un nouveau-né, comme si jamais encore tu n’avais vu ce que tu vois. »

    Si on veut aller plus loin on arrive à la contemplation  là, je ne fais qu’un avec ce que j’ai vu au départ. Et comme le dit LieTseu « Chaque chose, chaque être est une occasion de voyager et de contempler »

    Pour reprendre les deux principaux sens de « regarder », ce n’est donc qu’après avoir « Porté le regard vers, sur quelque chose, quelqu'un » qu’on peut le « Considérer de telle ou telle manière », sinon on est dans le préjugé. La connaissance ne vient qu’après le regard avec l’observation qui permet de connaitre.

    C’est ce qui est dit dans la pièce : quand Martin et Mary trouvent la vue, lui, la voient moche et hideuse, elle, le voit vieux et chauve, ils ne vont pas plus loin et ils se séparent. Ils se sont vus mais ils ne se sont pas regardés. Très vite ils ont le manque l’un de l’autre et quand ils se retrouvent ils se regardent au-delà de leur image comme quand ils étaient aveugles. Quand ils disent vouloir rester aveugles, je le comprends comme vouloir voir au-delà des apparences : voir autrement.

    Pierre D. : Oui, il dit à un moment, quand il a reperdu la vue, « finalement j’étais bien mieux auprès de cette vielle sorcière racornie qu’auprès d’une personne du tout ». C’est à dire qu’il avait la vue, il voyait le monde mais il ne voyait plus l’authenticité des choses. Aveugles, ils étaient dans une autre  forme de ressenti que lorsqu’ils étaient voyant.

    Parmi les spectateurs il y avait un groupe d’aveugles et à la fin une dame m’a dit « On vous remercie, vous nous avez fait voir un tas de choses » ; c’est un superbe compliment.

    Marie Christine : Ce qui peut aussi changer notre regard ce sont les époques de notre vie. On ne voit pas les choses de la même façon à 20, 40 ou 60 ans. Je pense à l’histoire de Job ; Il avait tout, femmes, enfants, richesse. Il était protégé de Dieu qu’il vénérait. Puis il fut mis à l’épreuve et perdit tout. Il trouvait que Dieu était injuste de l’abandonner. Alors Dieu lui dit « regarde autour de toi les étoiles, le ciel etc. » ça veut dire que en ayant tout perdu, tout lui a été redonné. Il a vu tout autrement car il n’a, alors, jamais été aussi heureux. Je pense que les épreuves dans le déroulement de notre vie font qu’on va regarder autrement.

    Mireille : C’est vrai qu’avec le temps on regarde autrement mais je trouve plus juste de dire on apprend à regarder, qu’on affine notre regard. Sauf pour certains, la vue nous est donnée, le regard s’éduque. Condillac (Traité des sensations 1754) disait « Quel tableau que l’univers, à des yeux qui s’ouvrent à la lumière pour la première fois ! »… « Je ne dirai donc pas, comme tout le monde, et comme j’ai dit jusqu’à présent moi-même, et fort peu exactement, que nos yeux ont besoin d’apprendre à voir […] je dirai qu’ils ont besoin d’apprendre à regarder »

    Pierre F : Je voudrais rebondir sur ce que tu disais Marie Christine : il faut avoir tout perdu pour que tout nous soit donné. C’est une position existentielle de se dire je suis inconnaissant, d’une certaine manière je suis vide. Etant « inconnaissant, et acceptant de l’être, tous les messages que l’on reçoit touchent une partie de soi-même. Cette partie vide de soi-même se remplit justement de tout un tas d’expériences, de tout un tas de regards que l’on porte. Mais, pour ce faire, il faut accepter de se dire qu’en vérité on ne sait rien.

    Pierre D. : L’humilité est la source de tout.

    Pierre F : C’est pour ça que lorsque tu dis que le regard précède la connaissance, je n’en suis pas assuré. On peut inverser les termes et dire qu’il faut être « connaissant » pour pouvoir porter un regard autrement.

    Josette : Roger-Pol Droit a écrit une livre très intéressant « 101 expériences de philosophie quotidienne ». Il enseigne en milieu universitaire notamment à Science Po. Il place les personnes dans des situations complètement ubuesques pour les amener à changer de regard. Ce qui est intéressant c’est de voir à quel point notre regard change en nous mettant dans une autre situation.

    Pierre D. : Le regard que les autres portent sur une personne la modifie complètement. Dans la pièce, puisqu’on est partis de là, les gens regardent au début ces deux personnages comme des êtres sympathiques, plutôt des rigolos, paillards, qui s’envoient  des vannes ; et quand ils retrouvent la vue et rentrent dans la normalité, ils ont un autre regard sur eux, ils en font des êtres cruels, égoïstes, rancuniers etc. Je pense que l’éducation et l’expérience, qui est une éducation par osmose, forment notre regard. Quand je suis allé en Afrique au Burkina-Faso, dans le cadre du Festival Plein Sud, et je me souviens que les gens, là-bas, nous appelaient « les blancs ». Ici je me demandais pourquoi les noirs se vexaient quand on disait « les noirs vous êtes comme ça… ». Et, tout d’un coup là-bas, en Afrique quand on nous a dit « vous, les blancs » ça m’a perturbé, j’ai ressenti comment on pouvait être mis à l’écart d’un groupe.

    Pierre M. : J’ai passé 5 ans au Burkina. Franchement, quand ils vous regardent, quelle est la première caractéristique qu’ils voient ? Au premier regard ils n’ont qu’un seul qualificatif : « il est blanc ». Le deuxième mot qui vient pour nous désigner c’est « nassala », ça vient de Nazareth c’est le chrétien, le blanc avec tout ce que ça traine comme aura.

    En dehors de ça, on pourrait rattacher la question du regard à un thème que nous avions abordé : « le préjugé ». Quand on regarde quelque chose, avant de pénétrer dans la situation, il y a le préjugé.

    Nathalie : C’est ce que je disais tout à l’heure, il faut faire un effort pour voir au-delà du préjugé.

    Philippe C: Le préjugé fait partie du regard et non pas de la vision.

    Nathalie : Le préjugé c’est la peur de ce qu’on voit.

    Josette : Le problème, c’est qu’on essaye d’avoir un langage commun et c’est extraordinaire que nous arrivions à avoir un langage commun, car nous sommes tellement différents tous, même sans parler de couleur de peau, d’origine etc... Nous sommes tellement différents par notre vécu, que c’est fabuleux d’arriver à une sorte de paix sociale. Mais ce n’est pas sans contrepartie, qui est que lorsqu’il y a une forme écrasante qui nous oblige à rentrer dans un moule pour essayer de faire société, on tombe dans les préjugés. Mais c’est la part à laisser pour pouvoir, par le biais d’un café-philo, d’une pièce, d’un roman etc., avoir une parole, chacun essayant d’apporter un autre regard. Si on se réfère aux ouvrages écrits depuis des millénaires, ça déborde d’une multitude de regards différents. Quand on essaye de faire société, cette pluralité rend la chose difficile. Dans un couple par exemple, deux personnes, aveugles ou pas, qui essayent de faire alliance ce n’est pas simple, alors quand on essaye de faire une société, je dirais que c’est une gageure et que c’est assez extraordinaire.

    Mireille : Je trouve que c’est au contraire plus dur à deux car on ne peut pas échapper au regard de l’autre, on est en frontal, alors qu’en groupe on peut bouger aller plus vers l’un ou l’autre sans détruire l’ensemble.

    Pierre M. : Je n’arrive pas trop à suivre vos raisonnements. Pour moi, si Martin et Mary ont choisi de rester « sombres » c’est, tout simplement, parce qu’ils ont ressenti qu’ils étaient plus heureux dans leur état initial de « sombre ».

    Mireille : Tu abordes là un sujet qu’on a déjà traité c’est « le réel et la réalité ». En fait ils ne veulent pas se confronter au réel, ce qui existe en dehors et indépendamment de nous. Ils se raccrochent à leur réalité c’est-à-dire ce qui existe pour nous grâce à notre expérience. Ils se retirent dans leur monde de rêves et de confort, ils refusent de faire société.

    Pierre M. : Les africains vous diraient « vous les blancs, vous cherchez toujours midi à quatorze heure, être heureux ça se suffit en soi ».

    Pierre F. : Il y a quand même une explication au désir de redevenir aveugle, c’est que dans « le voir » il y a quelque chose d’absolu, de fasciste. C’est-à-dire que la vue, le regard, prend la place de toutes les autres possibilités que l’on a de découvrir l’autre : par l’odeur, par l’écoute, par le toucher etc., il y a tout un tas de mobilisations possibles. Bien souvent, le regard a quelque chose d’obsessionnel. C’est pour ça qu’on peut comprendre ce retour en arrière, parce que là où il n’y avait qu’une possibilité maintenant on en découvre quatre autres. Effectivement, on enrichit considérablement notre existence dès le moment et on va aborder le monde et les autres de mille manières différentes.

    Pierre M. : Ce que vous voulez dire c’est que leur vie était plus riche, plus dense dans les perceptions quand ils étaient « sombres » que lorsqu’ils ont retrouvé la vue ?  

    Pierre F. : Absolument, parce que dans le regard il y a quelque chose d’exclusif.

    Pierre D. : Pour revenir à ce qu’a dit Pierre, c’est vrai que le regard écrase un petit peu les autres sens, la première fois qu’on a joué la pièce on a fait une expérience ; après la représentation, on a mis tout le monde dans la situation de non voyant, c’est-à-dire un bandeau sur les yeux, on les a guidés dans une autre salle, à des tables, et là on leur a servi à manger. On leur a présenté des verrines et on leur a demandé d’analyser ce qu’ils mangeaient ; et ils ont, tout d’un coup, constaté qu’après quelques minutes seulement dans le noir, le goût et l’odorat remontaient à la surface.

    Nathalie : Dans la pièce j’ai ressenti autre chose ; Tout le temps où ils étaient « sombres », tout le monde étaient gentils avec eux et les flattaient, du jour où on leur a rendu la vue, les gens se sont moqués d’eux. J’ai l’impression que ce qui a été dur pour eux c’est de prendre de plein fouet le regard des autres. Dans la pièce il y a aussi le rôle du regard de l’autre qui peut être très dérangeant.

    Pierre F. : Le regard est prétentieux parce qu’il est globalisant. Dès le premier regard on va dire « Oh, celui-là il n’est pas fréquentable » et là on met tout en jeu « il n’est pas beau, il parle mal, il sent mauvais etc. On parle du regard parce qu’en fait il a la primauté. Il est le premier parce qu’il a la prétention de tout englober. Il a une autre prétention, c’est qu’il revendique : « je te revendique comme étant un autre moi-même ». Tout ça se cumule ce qui fait que, c’est peut-être le mauvais élève, mais c’est le premier.

    Pierre M. : Pierre affirme que le regard est le premier. Je suis désolé, tu n’as jamais pris le métro à Paris, tu tournes la tête car tu as une odeur très prégnante qui te chatouille les narines et tu veux savoir d’où ça vient. Dans ce cas, le premier signal ce n’est pas la vue, c’est l’odorat. Tu te retournes également parce que tu entends une conversation qui te donne envie de savoir qui parle ; là c’est l’ouïe qui est première. Donc le regard n’est pas toujours premier. J’ai l’impression d’être primaire, basique, je ne me réfère pas à la philosophie mais à mon vécu.

    Pierre F. : A des cas particuliers.

    Pierre D. : J’en reviens toujours à la pièce ; Au début Martin parle toujours de la belle Molly Byrne, et Mary lui demande « Comment sais-tu qu’elle est belle ? ». Martin lui répond « Parce qu’elle a la voix douce » Il lui dit « Quand j’étais jeune et que j’avais encore la vue, les filles avec une voix douce, c’étaient toujours les plus belles ». Je me souviens aussi d’un film sur Ray Charles qui montrait que lorsqu’on lui présentait une femme, il la tâtait de la main au coude et par juste ce geste savait si elle était belle. Il ne se trompait jamais.

    Mireille :  Je suis assez d’accord quand Pierre dit que ce sont des cas particuliers. Quand on ouvre les yeux, ça atténue, voire annihile tous les autres sens. C’est vrai que le regard est prétentieux, sinon fasciste comme tu l’as dit, car il domine les autres sens, et englobe tout.

    Pierre F. : Oui, le regard est globalisant et il a la prétention de savoir tout, tout de suite. Et même si tu dis « moi, la préhension que j’ai de l’autre c’est parce qu’il y a une odeur qui traine, mais tu vas tourner la tête pour le voir » Non ?    

    Pierre M. : Oui, Mais tu disais que le premier contact se fait par la vue, je te donnais un exemple où il se faisait par l’odorat.

    Nathalie : C’est par défaut car la personne est cachée à ta vue, ce n’est pas le même raisonnement.

    Mireille : Pour conforter les propos de Pierre sur la suprématie de la vue, quand on veut écouter une musique, quand on veut écouter quelqu’un en profondeur, sans interférence, on ferme les yeux. Le problème aujourd’hui c’est que le regard est trop sollicité, l’ouïe aussi, Mais on est surtout sollicités par les yeux. Il y a trop d’informations qui leur arrivent, tout le temps. La vue et l’ouïe sont les deux sens qui sont le plus mis à mal dans notre société.

    Josette : Vers mes 10 ans j’ai dû porter des lunettes, et j’ai trouvé que c’était une chance, parce que quand j’enlevais mes lunettes je ne voyais plus les défauts des personnes, elles devenaient belles. Sans lunettes, je peux appréhender les choses autrement car ma vue a un filtre.

    Mireille : J’ai connu ça dans mes études artistiques où l’on nous apprend à cligner des yeux pour ne saisir que les grandes lignes d’un paysage ou autre, moi il me suffisait de quitter mes lunettes.

    Pierre D. : C’est très net dans les peintures de Claude Monet, je pense « Au pont japonais » qu’il a peint une multitude de fois. Au fur et à mesure que sa vue baissait les peintures devenaient de plus en plus floues jusqu’à être un gribouillage sans détail ; puis il s’est fait opéré de la cataracte et sa peinture est redevenue nette, mais quand on cligne des yeux en la regardant on retrouve cette période de flou.

    Mireille : Revenons à « Peut-on regarder autrement ». J’ai noté quelques citations sur le sujet. Pour la première j’ai pensé à Pascale, qui n’est pas là aujourd’hui, mais qui porte souvent un regard pessimiste sur notre époque.  Henry Miller dit « Ce qui va mal, ce n'est pas le monde, c'est notre manière de le regarder.”

    Pierre F. : Ce qui me questionne d’avantage maintenant, cette primauté de regard dont je parle, est-elle culturelle ? A-t-elle toujours été prépondérante depuis la nuit des temps ? Ou est-ce que ce n’est pas par hasard que nos sociétés actuelles, société d’images qui prennent la place partout à travers la télévision, le cinéma etc., ont cette obsession d’avoir à regarder ? Est-ce culturel, est-ce une volonté de nous entrainer quelque part ? On dit « un tel est venu dans une école, avec une classe il a fait découvrir des auteurs etc. », comme si on aurait tout à redécouvrir. Moi, par exemple, je pratique la biodanza depuis quelques années et j’ai redécouvert le toucher, toucher l’autre, comme si d’un seul coup, je pouvais l’appréhender d’une autre manière. Y a-t-il des stratégies politiques qui nous emmènent dans une voie ?

    Mireille : La vue c’est certainement l’outil le plus facile à utiliser pour influencer et manipuler. La publicité envahit tout. Quand j’ai commencé à faire mes études en publicité dans les années 60, les affiches étaient conçues par des artistes, je pense à Savignac ou à Cassandre avec son mythique « Du beau-Dubon-Dubonnet ». C’était la qualité artistique qui primait. Aujourd’hui, tout est étudié, on parle de psychologie du consommateur. Alors qu’à ses début la publicité avait pour but de présenter un produit, on parlait d’annonce » aujourd’hui l’objectif est d’influencer l’achat.

    Nathalie : Avant c’était pour satisfaire un besoin, aujourd’hui c’est pour le créer.

    Mireille : La société de consommation a beaucoup joué dans cette primauté qu’on donne au regard. Mais elle s’attaque de plus en plus à l’ouïe. Il y a de la musique partout entrecoupée de publicité, dans les grandes surfaces, dans les rues commerçantes etc. Ce sont deux sens qu’on surdéveloppe je dirais artificiellement, au détriment des autres sens. Comme je suis d’accord avec Condillac, regarder et écouter ça s’apprend, le malheur c’est que dès tout petit on nous en empêche.

    Marie Christine : Effectivement il y a une saturation de tout, il y a une surconsommation de tout. On a trop d’informations qui nous empêchent de penser par nous-même. Aujourd’hui, il faut payer cher pour faire une retraite de silence. C’est quand même assez extraordinaire. Pour retrouver des valeurs basiques il faut faire des stages, des retraites, des séminaires. Nos jeunes sont vraiment comme des électrons libres là-dedans, ils ne savent plus où donner de la tête ; ils arrivent en classe le matin ils ont déjà deux heures de réseaux sociaux. Ils sont sympas mais disponibles pour rien.

    Mireille : Quand tu vois les joggeurs courir en forêt ou en bord de mer avec des écouteurs sur les oreilles qu’entendent-il de la nature, du bruit des vagues, du chant des oiseaux ? Tout ça c’est le résultat de la société de consommation.

    Philippe C. : Ce n’est pas un surdéveloppement comme tu disais c’est une surexploitation.

    Josette : Ce sont des outils de manipulation qui nous conditionnent et nous éloignent de nous, de notre ressenti. Le fait de brouiller les pistes avec plein d’informations, vous ne pouvez plus être en contact avec vous-même.

    Pierre D. : Je ne pense pas qu’il y ait volonté suprême de nous conditionner une à autre chose qu’à acheter.

    Pierre M. : Quand vous dites « volonté suprême de nous conditionner » vous pensez à quoi ?

    Pierre D. : Je pense aux thèses complotistes « ça viendrait de Moscou… », Comme, par exemple l’affaire Griveaux commanditée par les russes.

    Pierre M. : Il y a pourtant des grands cartels industriels, je pense à la concentration des fabricants automobiles, ou autres, qui ont une grande capacité de nuisances, de pouvoirs financiers bien supérieurs à beaucoup d’états. Je pense qu’il y a dans le monde des entités bien plus puissantes que les états et dont la volonté est, bien sûr, de nous conditionner et de nous faire perdre notre propre jugement.

    Josette : Tout petit on a besoin de stimulations pour grandir. Ces stimulations sont plus ou moins développées chez chacun et vont être surdéveloppées pour certains. Dans notre modèle de société nous avons choisi cette sur-stimulation.  On est pris dans ce système, mais tous nous participons à ça. C’est un système malade, il ne va pas bien. Mais on sait que lorsqu’on met en place un sur-quelque chose à un moment ça va s’écrouler pour revenir à un équilibre. Il y a déjà des résistances qui se mettent en place et essayent de faire marche arrière. C’est un phénomène de cycles. C’est la loi de Pareto, il dit que dans un système s’il y a, par exemple, 80% de citoyens qui se comportent bien et 20% mal, ces 20% ne sont pas là pour rien, ils servent le système, tant qu’ils se comportent mal ils régénèrent le système. Le problème aujourd’hui, c’est que nous, nous sommes dans les 80% qui vont mal et 20% qui vont bien et agissent sur les 80%, mais c’est un phénomène qui a sa raison d’être.

    Pierre F. : Ça interroge fondamentalement sur qui nous sommes. On parle de résistance, quelle est notre capacité à entrer en connaissance avec soi ? Parce que ce qu’on décrit des différentes sociétés, en fin de compte, c’est une forme de disette dans laquelle nous sommes, parce que nous sommes en incapacité d’explorer et d’exploiter toutes nos capacités, et tous nos sens, par exemple, en se concentrant sur certains. La seule solution pour avoir un regard autre, c’est bien d’aller chercher en soi. Autrement, c’est le regard plein de préjugés. C’est bien facile, parce que le préjugé c’est une première défense, c’est comme ça qu’on se protège. Il faut un effort considérable pour accepter et accueillir le fait qu’on ne sait pas grand-chose, et prendre conscience que devant l’autre notre position de revendication est puissante, on aimerait bien qu’il soit un peu comme nous. Cette revendication est permanente et constamment jugeante, elle nous prive de nous-même.

    Marie Christine : Je laisse la connaissance. Est-ce qu’on peut dire que bienveillance, humilité, expérience quand même, vont nous permettre pas forcément d’apprécier tout, mais de mieux comprendre et donc d’être respectueux de ce qu’est l’autre ? Le plus important est l’humilité, déjà avec ses propres enfants qui, comme vous le disiez, sont là pour nous remettre en question.

    Mireille : Je reviens à mon ressenti de la pièce, elle soulève plein de thèmes à discuter, celui du regard mais aussi celui de l’amour. Comme Bernard Werber dans « Le miroir de Cassandre » je pose la question : « Et si aimer ce n'était pas regarder ensemble dans la même direction, mais plutôt fermer les yeux et continuer à se voir »

    Fermeture des échanges (par Mireille et Nathalie)  

    Je n’ai pas pu voir la pièce « Les deux aveugles » mais j’ai lu « La source des saints » dont elle est l’adaptation. Quand j’ai fermé le livre, je suis tout de suite allée sortir de ma bibliothèque « Le petit prince » de Saint Exupéry. C’est le couple de Martin et Mary qui m’a fait penser au Petit Prince et à sa Rose, et à cette célèbre phrase « On ne voit bien qu’avec le cœur. L’essentiel est invisible pour les yeux. ». Je vais donc demander à Nathalie de nous en rappeler le contexte en nous lisant la fin du chapitre XXI au moment où le Petit Prince et le Renard se disent adieu.

    (Le Renard) « -Va revoir les roses. Tu comprendras que la tienne est unique au monde. Tu reviendras me dire adieu, et je te ferai cadeau d’un secret.

    Le petit prince s’en fut revoir les roses.

    -Vous n’êtes pas du tout semblable à ma rose, vous n’êtes rien encore, leur dit-il. Personne ne vous a apprivoisé et vous n’avez apprivoisé personne. Vous êtes comme était mon renard. Ce n’était qu’un renard semblable à cent mille autres. Mais j’en ai fait mon ami, et il est maintenant unique au monde.

    Et les roses étaient gênées.

    -Vous êtes belles mais vous êtes vides, leur dit-il encore. On ne peut pas mourir pour vous. Bien sûr, ma rose à moi, un passant ordinaire croirait qu’elle vous ressemble. Mais à elle seule elle est plus importante que vous toutes, puisque c’est elle que j’ai arrosée. Puisque c’est elle que j’ai abritée par le paravent. Puisque c’est elle dont j’ai tué les chenilles (sauf les deux ou trois pour les papillons). Puisque c’est elle que j’ai écoutée se plaindre, ou se vanter, ou même quelque fois se taire. Puisque c’est ma rose.

    Et il revint vers le renard :

    -Adieu, dit-il…

    -Adieu, dit le renard. Voici mon secret. Il est très simple : on ne voit bien qu’avec le cœur. L’essentiel est invisible pour les yeux.

    -L’essentiel est invisible pour les yeux, répéta le petit prince, afin de se souvenir.

    -C’est le temps que tu as perdu pour ta rose qui fait ta rose si importante.

    - C'est le temps que j'ai perdu pour ma rose... fit le petit prince, afin de se souvenir.

    - Les hommes ont oublié cette vérité, dit le renard. Mais tu ne dois pas l'oublier. Tu deviens responsable pour toujours de ce que tu as apprivoisé. Tu es responsable de ta rose...

    - Je suis responsable de ma rose... répéta le petit prince, afin de se souvenir »

     

     

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    Merci pour votre participation et rendez-vous Dimanche 29 mars (même heure, même lieu) La question choisie à mains levées, est « Le langage trahit-il la pensée ? » 

    Le thème choisi pour le 26 avril est  « La perception ». Préparez vos questions. 

    Mireille PL 

     

     

     

     


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