• 5 à 7 Philo du dimanche 24 septembre 2017 : 18 participants

    Peut-on vaincre un préjugé ?

    Introduction  par Mireille

    Analyse  de la question

    « Peut-on… » : Est-ce possible ? En a-t-on la capacité ?

    « … vaincre… » : On pourrait dire : détruire, éradiquer; au moins empêcher de nuire, de se répande. Donc lutter contre lui. C’est un combat qui nous est proposé.

    « … un préjugé ?» : Dans la question le « un » qui est un article indéfini nous indique qu’il s’agit d’un préjugé quelconque donc potentiellement tous. C’est à dire à la fois les miens et ceux des autres.
    « Préjugé » est le terme important. Sa définition est assez simple : « un préjugé est une opinion à priori favorable ou défavorable qu'on se fait sur quelqu'un ou quelque chose en fonction de critères personnels ou d'apparences… C’est une opinion hâtive et préconçue souvent imposée par le milieu, l'époque, l'éducation, ou due à la généralisation d'une expérience personnelle ou d'un cas particulier. » (Cnrtl)

    Comme le mot l'indique, un préjugé est un jugement porté d'avance, "avant". Avant quoi ? L'examen, la réflexion, la vérification ou le constat qui le justifieraient.

    Synonymes : A priori, parti-pris (idée de partialité), Idée toute faite, idée préconçue, idée reçue, stéréotype, cliché

    Antonyme : Je n’en ai pas trouvé

    Introduction au débat

    La question porte sur le préjugé, ou plus exactement sur la possibilité de le vaincre, ce qui indique très clairement que le préjugé est un adversaire nuisible dont nous voulons, devons nous débarrasser. C’est un présupposé du sujet, difficilement discutable dans la mesure où effectivement avoir des préjugés est  considéré comme un défaut.

    Je terminerai par un exemple relevé dans « Le Monde Dissident » qui donne à réfléchir.

    « Une information que l'on entend sans surprise dans les médias : 

    « Une jeune femme a été attaquée dans le RER A par un homme d'origine maghrébine. » 

    Deux acteurs; la jeune femme et l'homme maghrébin. Un lieu; le RER A. Que véhicule une telle information dans notre tête? Notre société est construite autour de stéréotypes et de préjugés. Le RER A est stéréotypé dangereux, les hommes d'origine maghrébine agressifs et les jeunes femmes comme des cibles sans défense. »

    D'où nous viennent les stéréotypes et les préjugés? Peut-on et comment les vaincre ?

    Débat

    Pierre : Je me jette à l’eau. A vous écouter et à bien lire la question, vaincre un préjugé est quelque chose de positif. C’est une chose qu’on se doit de vaincre. Je vais prendre un exemple qui m’est venu à l’esprit : ce sont les fraises espagnoles. Je pense que nous avons tous cette réflexion que les fraises espagnoles sont belles, sont attirantes  d’aspect, mais elles n’ont pas de goût, et si on veut aller un peu plus loin elles sont certainement beaucoup plus chargées en pesticides que les fraises françaises. Alors, selon vous est-ce un préjugé cela ou pas ? Pour moi cela semble en être un quand sur les fraises il y a marqué « Espagne », je préfère payer plus cher les bonnes fraises françaises.

    Mireille : Si vous avez fait l’expérience des fraises espagnoles, ce n’est plus un préjugé mais un jugement.

    Pierre : Dans la définition que vous avez donné, le dernier point que vous avez dit est « qui résulte d’une expérience personnelle ».

    Mireille : Oui, en effet, mais je pense que dans la définition du Cnrtl il s’agit d’une expérience personnelle qui va injustement qualifier quelque chose ou quelqu’un. La fraise espagnole si on l’a goûtée et qu’elle n’a pas de goût on ne va pas refaire l’expérience. Maintenant si on va en Espagne chez un petit producteur de fraises bio artisanales c’est sûr que, bien qu’espagnole, cette fraise aura du goût.

    Pierre : C’est une boutade ne prenez pas au sérieux ce que je vous raconte là.

    Anne : Mais je trouve que ça permet d’aller dans différentes directions. D’abord, l’influence de notre mental sur le goût qu’on peut avoir de quelque chose : peut-être si je goûte ces fraises le fait d’avoir ce préjugé « les fraises espagnoles n’ont pas de goût », va me les faire trouver moins bonnes que si je n’avais pas eu ce préjugé. Et puis ça amène à la pensée de certains philosophes qui disent qu’on ne peut pas vivre sans préjugés.

    Pierre : Il y a des préjugés utiles qu’il serait dommage de vouloir vaincre.

    Jacques L: Cette histoire des fraises espagnoles, c’est un préjugé qui vient peut être de ce qu’on a entendu dans les média, ou de ce que des amis nous ont dit. Pour anéantir ce préjugé il faut peut-être aller consulter les revues scientifiques voir si effectivement les espagnols utilisent beaucoup plus de pesticides : quand au goût c’est une affaire personnelle, il suffit de les goûter.

    Michel : Il y a une publicité actuellement qui dit «  préjugé n°1, préjugé n°2… », Vous la voyez ? Comme par exemple « Les mamies ont toujours  des caniches. Pourquoi ? Parce que… Etc. » Ils partent d’un préjugé qu’ils disent absurde  et se vantent de combattre les préjugés pour présenter leur produit.

    Pierre F. : Sans continuer sur cet exemple des fraises, je dirais que ce qui est essentiel de comprendre c’est comment se construit un préjugé, comment il prospère. On pourrait déjà se dire « que faire de la parole d’autrui ? » quand elle agit, quand elle est vivante. Et d’un autre côté que faire de notre histoire personnelle, de notre univers familial, de l’éducation qu’on a reçue ? Et on revient à la sensation qu’on est terriblement encombré de préjugés. Pour moi la question est de dire « quel processus peut-on mettre en œuvre pour diminuer l’effet délétère du préjugé ? ». Mais l’exemple des fraises est un exemple extrêmement complexe parce que ça rencontre une idéologie d’agriculture intensive ou d’agriculture biologique, ça rencontre la culture familiale ou la culture sur des surfaces immenses etc. En Espagne il y a de grandes surfaces de culture de fraises, comme aux États Unis avec la culture des amandes où il y a des milliers d’hectares de culture d’amandiers. Mais quand même pour moi, ce qui me parait essentiel est «  comment peut-on faire pour revenir à l’origine du préjugé ? »

    Nathalie : J’ai l’impression que le préjugé n’existe pas si personne ne vient interroger. Je n’ai pas de préjugé si on ne me dit pas « c’est bizarre pourquoi tu penses comme ça ». Si on n’a pas d’intervention extérieure on n’a pas de préjugé. C’est le regard de l’autre qui nous amène à une façon de penser.

    Jacques L : Je pense qu’on peut avoir des préjugés sans avoir entendu des propos de tierce personne. Parce que nos parents avaient tel médecin de famille et en étaient contents on peut penser que ce médecin est un bon médecin. C’est un préjugé ?

    Nathalie : Oui, mais c’est parce que tu as entendu tes parents le dire, il y a bien une intervention extérieure.

    Pierre : C’est intéressant ce que vous avez dit tout à l’heure, à savoir d’analyser d’où viennent les préjugés. Vous avez cité soit des « on dit », des informations qui viennent de l’extérieur, ou une culture familiale. Je pense qu’à la notion de préjugé il faut associer étroitement la généralisation. Il se trouve que j’ai voyagé un petit peu, dans beaucoup de pays où vous avez des allemands et des français, les allemands ont la réputation d’être propres sur eux et les français beaucoup moins , les espagnols sont comme ça, les italiens comme ci etc. c’est la généralisation. En revanche, là où, à mon avis, on ne rentre pas suffisamment dans le détail c’est que lorsqu’on entend les opinions, suivant son origine, on va y porter crédit où pas. Et pour rebondir sur l’exemple du médecin, il se trouve que dans mon voisinage il y a une personne dont  je n’apprécie pas la façon d’être (sans rentrer dans les détails) ; le jour où elle m’a dit « j’ai tel médecin », je me suis dis je choisirai n’importe quel médecin sauf celui là. Pour dire que selon les sources de l’information chacun a ses critères de sélection. On entend plein de choses à la radio, tout et son contraire, et je suis sûr qu’en fonction de la source de l’information, vous allez y porter crédit, donc l’accepter comme allant dans un sens qui vous convient et donc créer un préjugé, ou le contraire. Certains hommes politiques, par exemple, vont dire « moi je vais sortir de l’euro » et bien selon votre vision de l’entité qui a dit ça vous allez vous positionner et créer soit un préjugé dans un sens soit un préjugé dans l’autre. Ce que je veux dire par là c’est que toute source d’information n’est pas sur un pied d’égalité pour créer un préjugé.

    Mireille : Donc une façon de vaincre ça c’est de réfléchir. Un enfant il va croire son maître d’école, ses parents, avant d’avoir fait l’expérience de la réflexion sur ce qu’on lui apporte. Mais, en tant qu’adulte, si on a encore des préjugés, comme vous le dites, et prendre pour argent comptant ce que dit une personnalité reconnue, il y a un problème, car on a quand même un esprit capable d’autocritique. On est capable de ne pas avaler tout ce qui nous est dit même si c’est dit par une personne qui nous est sympathique et qu’on estime. La critique d’une information est une façon de vaincre un préjugé. On a la capacité de remettre en cause, c’est ça la liberté.

    Monique : Je découvre votre cercle dont je ne connais pas les usages, j’ai l’impression qu’on exprime des idées personnelles ce qui est bien lorsqu’on n’a pas une grosse culture philosophique comme moi. Je n’ai pas assisté au début, il y a peut-être eu des définitions, mais il me semble que dans préjugé il y a jugement. Si on fait un parallèle avec la justice, préjuger c’est juger. Il n’y a de préjugé que lorsqu’on n’est pas capable de le remettre en question, quand c’est clos, comme un jugement définitif. En général un jugement en tribunal c’est quand on a une preuve. Il n’y a pas de préjugé si on est capable devant une expérience de se remettre en question. Par exemple, un médecin qu’on vous a dit bon et qui avec vous est mauvais, il faut que vous soyez capable de remettre en question ce qu’on vous a dit. J’ai été éduquée à une époque, ou plutôt dans un milieu, où on considérait que les noirs étaient plutôt moins intelligents que nous, ils étaient bons en sport mais intellectuellement un peu moins bons. J’ai été collée à un concours où un noir a lui été major ; et bien depuis je n’ai plus du tout ce genre de préjugé, c’est l’expérience. Ça deviendrait grave s’il résistait à l’expérience. Sinon on peut dire qu’on a une présomption.

    Philippe C. : Je voudrais rajouter à ça que comme vous l’avez dit dans préjugé on parle de justice donc on tombe très vite dans la notion de la morale. Tandis que le présupposé reste de l’ordre du concept. C’est important de bien faire cette différence parce que si on s’attache au préjugé, en philosophie, on est dans la partie de la morale. Je voudrais vous dire une phrase que j’ai trouvée chez Prosper Mérimée dans « Carmen » : il dit qu’il faut replacer dans le contexte : c’est un monsieur de qualité qui se retrouve dans une carriole avec un bandit et avec son cocher. Le cocher sait que le gars qui vient de monter avec eux est un bandit dangereux, l’autre passager ne le sait pas. Le soir quand ils arrivent à l’auberge ils partagent le repas ensemble, l’homme de qualité apprend qu’il est avec un bandit. Il se retrouve alors devant un problème de conscience car il a accepté de partager le repas avec lui. Il se retrouve devant un dilemme, soit réagir comme le cocher qui au nom des lois va chercher les gendarmes, soit répondant aux devoirs de l’hospitalité le laisser partir. Tant qu’il n’a pas eu la preuve que c’est un bandit, il ne le sait pas, il va donc  le laisser s’échapper. Mais incertain de la justesse de son choix il se pose la question : «Est-ce un préjugé que cet instinct de conscience qui résiste à tous les raisonnements ? ».

    J’ai noté aussi que « le préjugé consiste en une précipitation de l’esprit dans le jugement ». Cette définition me parait bonne. Le préjugé concerne des personnes, des groupes de personnes et concerne la morale, la morale de leur comportement.

    Anne : Je peux appuyer ce que tu viens de dire par la définition que donne Alain du préjugé « Ce qui est jugé d’avance, c’est-à-dire avant qu’on se soit instruit. Le préjugé fait qu’on s’instruit mal. Le préjugé peut venir des passions ; la haine aime à préjuger mal ; il peut venir de l’orgueil, qui conseille de ne point changer d’avis ; ou bien de la coutume qui ramène toujours aux anciennes formules ; ou bien de la paresse, qui n’aime point chercher ni examiner. Mais le principal appui du préjugé est l’idée juste d’après laquelle il n’est point de vérité qui subsiste sans serment à soi ; d’où l’on vient à considérer toute opinion nouvelle comme une manœuvre contre l’esprit. Le préjugé ainsi appuyé sur de nobles passions, c’est le fanatisme. »

    Jacques L : Certains auteurs pensent que le préjugé concerne uniquement la morale et non pas d’autres éléments de la vie, moi, ça ne me choque pas qu’on parle de préjugé en matière de fraises espagnoles. Le préjugé effectivement c’est une opinion hâtive mais qui ne demande qu’à être validée, parce que comme tu l’as dit les noirs jugés inintelligents peuvent être majors. Il ne faut pas s’arrêter aux préjugés. Par contre ce qui m’a un peu attristé tout à l’heure c’est quand vous avez dit qu’un préjugé a plus de valeur en fonction de la personne qui le dit, parce que je pense qu’il y a des gens biens qui peuvent se tromper et puis il y a des hommes politiques que je n’aime pas mais j’admets certaines fois qu’ils ont raison. Donc comme dirait Descartes il faut avoir le doute.

    Anne : Il me semble que ce que tu évoques là n’est pas le préjugé. Tu juges avec un certain recul puisque tu dis « cette personne que je n’aime pas j’admets qu’elle puisse avoir raison ». Il me semble que là on est sorti du préjugé. C’est là qu’on peut lutter contre le préjugé en prenant du recul et en réfléchissant.

    Pierre F. : Je trouve que ça devient un peu complexe. Mais ce que j’ai retenu c’est la parole de Nathalie disant que le préjugé existe pour autant qu’un autre me le montre. La présence de l’autre est fondamentale. La deuxième chose c’est que l’autre il est comme il est, on le reçoit bien ou on le reçoit mal, ce qui affaiblit ou renforce le préjugé. Après, quand tu cites les traits de caractère : l’orgueil etc., on voit bien que la personne se construit depuis bébé par des rencontres, ses parents etc., alors quand est-ce qu’elle recevrait des préjugés ? Ou qu’est-ce qu’elle recevrait qui ne serait pas un préjugé ? Et là il faudrait faire le tri entre les deux. Mais surtout ce que j’ai retenu, c’est que ça touche à l’intimité de la personne. C’est-à dire que si on se met à penser que chaque parole que l’on donne est un préjugé, qu’est-ce qui reste de soi ? Tu parlais, à propos du jugement,  de quelque chose d’irréductible, je pense que là encore ça va être un tri supplémentaire, c'est-à-dire que, quelle que soit la parole de l’autre, qu’est-ce qu’on considère comme juste et irréductible c’est-à-dire comme étant nous-mêmes ?

    Catherine : Je me suis posée la question autrement : «  Quel effet a le préjugé dans notre comportement ?». Quand on a un préjugé on coupe cours à toutes choses, on ne voit pas plus loin, on élimine, on ne veut pas s’aventurer, on ne prend pas de risque, on ne s’engage pas, on juge et on classe et on pose des étiquettes. L’antonyme pourrait être du côté de celui du manque d’ouverture, du manque d’esprit critique, du manque de recherche. Un préjugé est une clôture.

    Jacques L : Ce qui me semble dangereux dans le préjugé c’est qu’effectivement certaines personnes qui ont des préjugés n’en changent pas même si on leur prouve qu’ils ont tors. C’est une forme de sectarisme.

    Anne : Il y a des philosophes qui évoquent les préjugés par rapport à l’individu et puis d’autres par rapport à un groupe, une société.

    Jacques : Je me pose la question du rapport entre le préjugé et la croyance. Le matin quand nous partons, nous croyons à énormément de choses on a énormément de préjugés sur ce qui va se passer dans la journée. Comment établir cette relation entre préjugé et croyance ?

    Anne : J’avais noté quelque chose de Tocqueville qui a beaucoup étudié les sociétés et les croyances dogmatiques, donc en associant les préjugés aux croyances des sociétés. Il pense qu’il n’y a pas de société sans opinions communes et dit : « Les croyances dogmatiques sont plus ou moins nombreuses, suivant les temps. Elles naissent de différentes manières et peuvent changer de forme et d'objet; mais on ne saurait faire qu'il n'y ait pas de croyances dogmatiques, c'est-à-dire d'opinions que les hommes reçoivent de confiance et sans les discuter. Si chacun entreprenait lui-même de former toutes ses opinions et de poursuivre isolément la vérité dans des chemins frayés par lui seul, il n'est pas probable qu'un grand nombre d'hommes dût jamais se réunir dans aucune croyance commune.
    Or, il est facile de voir qu'il n'y a pas de société qui puisse prospérer sans croyances semblables, ou plutôt n'y en a point qui subsistent ainsi; car, sans idées communes, il n'y a pas d'action commune, et, sans action commune, il existe encore des hommes, mais non un corps social. Pour qu'il y ait société, et, à plus forte raison, pour que cette société prospère, il faut donc que tous les esprits des citoyens soient toujours rassemblés et tenus ensemble par quelques idées principales; et cela ne saurait être, à moins que chacun d'eux ne vienne quelquefois puiser ses opinions à une même source et ne consente à recevoir un certain nombre de croyances toutes faites. » Je m’arrête là, il développe plus. Ses études sur les sociétés l’ont amené à constater qu’il n’y a pas de groupe social sans un certain nombre de préjugés communs.

    Pierre : Vous parlez des liens qui unissent les hommes dans une société, et vous parlez de préjugés. Je pense que là le mot « préjugé » n’est pas utilisé à bon escient. Les croyances, que ce soit d’une religion, d’un groupe de pensée, ce ne sont pas des préjugés, c’est une culture, c’est quelque chose qu’effectivement on n’a pas pu prouver par soi-même, ce sont des concepts qui nous ont été inculqués et qu’on a acceptés. Ce sont des notions très fortes qui nous font agir dans telle ou telle direction sans qu’on ait l’idée même de vouloir les remettre en question ou de les justifier, je n’appellerais pas ça des préjugés.

    Anne : Justement en cherchant un opposé à préjugé, je n’en ai pas trouvé mais je me suis aperçue que sur le site des citations de philosophes il y en a pas mal qui opposent le concept de paradoxe à préjugé. Ça vient de ces croyances d’une société : les individus qui s’opposent à ses croyances, à ses préjugés sont dans le paradoxe. Je ne sais plus quel philosophe dit « Les paradoxes d’hier deviennent les préjugés de demain »

    Mireille : Il y a une étude qui a été réalisée avec le concours du ministère de la recherche, le titre en est « Préjugés et Stéréotypes ». Une partie porte sur l’origine du préjugé (le mot préjugé y est peu dissocié de celui de stéréotype). Elle développe trois types d’origines. Une origine socioculturelle : « Les stéréotypes et les préjugés ont une origine socioculturelle. Ils se construisent autour de trois influences majeures; l'éducation qui façonne nos attitudes et nos comportements, les médias qui sont saturés de stéréotypes et l'influence de groupes de référence. Nous évoluons dans un environnement  composé de différents états; la maison, l'école, le travail... Chacun de ces microcosmes se construit autour de valeurs et d'habitudes. ».

    Mais elle explique aussi que les stéréotypes et les préjugés ne sont pas uniquement des phénomènes socioculturels, ils ont aussi une origine cognitive précise : « D'un point de vue cognitif, l'origine des stéréotypes vient de l'impossibilité pour notre cerveau de traiter consciemment la totalité des informations qu'il reçoit. De ce fait, il s'adapte en simplifiant l'information qui lui arrive; un de ces moyens est de catégoriser et de classer les informations. Un processus adaptatif très automatisé; en quelques millisecondes, à partir de caractéristiques physiques par exemple, nous sommes capables d'attribuer une catégorie à une personne. Notre cerveau classe généralement à deux niveaux, soit en différence, soit en similarité; l'information est triée par contraste ou par assimilation. » Si nous sommes honnêtes avec nous même nous ne pouvons pas nier qu’il nous arrive de juger quelqu’un au premier coup d’œil et de lui coller une étiquette. On le fait tous.

    La troisième origine dont elle parle est l’organisation sociétale: « Les individus ont besoin de développer un sentiment d'appartenance à un ou plusieurs groupes. Le phénomène est à double sens; d'une part, nous avons tendance à accentuer notre identification à un groupe de référence, par souci de repères, de structures et d'identité. D'autre part, le regard que nous portons sur les autres groupes est marqué par les différences qui nous éloignent. Exagérer les similitudes à l'intérieur d'un groupe accentue les différences entre les groupes. ». On peut dire qu’ils sont le ciment d’un groupe. Pour se différencier du groupe d’à côté on va créer des stéréotypes : Je suis gardoise, les Auvergnats sont radins, les gens de Lille sont peu accueillants etc. Ils expliquent qu’une des façons de lutter contre ça est d’aller chercher dans le groupe d’au-dessus, le petit groupe gardois va chercher la France, la France va chercher l’Europe etc., l’idée est de sortir du micro-groupe. Ils insistent beaucoup sur la rencontre avec l’autre. Parce qu’en fait, les préjugés les plus nuisibles ne sont pas ceux sur les fraises d’Espagne, c’est quand même ceux du rapport avec autrui qui peuvent conduire jusqu’au meurtre ; dernièrement il y a eu une violente attaque d’une famille juive, l’auteur leur disait « tu es juif tu as de l’argent ». Moi je connais des juifs qui n’ont pas d’argent. J’ai trouvé intéressante cette origine cognitive du préjugé.

    Anne : Hume en a parlé dans « le Traité de la nature humaine ». Quand il parle des préjugés il évoque un  irlandais qui n’aura pas d’esprit, un français qui manque de profondeur etc. enfin, et c’est écrit au 18éme siècle, il dit que « Nos jugements qui portent sur la cause et l'effet proviennent de l'habitude et de l'expérience ; et quand nous avons été accoutumés à voir un objet uni à un autre, notre imagination passe du premier au second par une transition naturelle qui précède la réflexion et que celle-ci ne peut empêcher. » Le préjugé vient spontanément, donc pour le vaincre il y a tout un travail de réflexion, de prise de conscience à faire.

    Pierre : Dans cet exercice de vaincre les préjugés, les esprits les plus coriaces ont trouvé une parade. Madame a évoqué une personne de couleur qui est arrivée major et que finalement ça l’a convaincue que tous les noirs ne sont pas des simples d’esprit, et bien les personnes les plus coriaces qui sont cramponnées à leur préjugé on trouvé une excellente expression : « c’est l’exception qui confirme la règle ».

    Claude : Je trouve qu’à notre époque, avec les moyens de communication qu’on a, c’est quand même plus facile de s’ouvrir et de faire tomber les préjugés qu’au 17éme ou au 18éme siècle. Avec tout ce qu’on peut avoir comme informations on est plus à même de réfléchir.

    Philippe C. : Trop d’information tue l’information.

    Mireille : Dans cette étude dont je vous ai parlé on cite des « médias qui sont saturés de stéréotypes et l'influence de groupes de référence. » Donc la communication, oui, mais elle véhicule aussi les stéréotypes.

    Anne : Je vais citer Montesquieu, j’aime bien parce qu’il prend la voie du milieu : « Il faut bien connaître les préjugés de son siècle, afin de ne les choquer pas trop, ni trop les suivre… J’appelle préjugé, non pas ce qui fait qu’on ignore de certaines choses, mais ce qui fait qu’on s’ignore soi-même. »

    Pierre F. : Dans la conversation que nous avons, j’ai l’impression qu’à un moment donné on est passé du personnel au collectif. On a dit que pour qu’une société se forme et tienne il faut un certain nombre de croyances communes sans même savoir la qualité de la croyance. Puis on a dit que dans toute société, il y a une communication qui se fait et il y a des débat qui se font (on le voit bien à travers la télévision etc.), on peut donc se poser la question aujourd’hui : qu’elle est la finalité du discours que l’on tient ? Est-ce qu’on tient un discours inféodé à un certain nombre de forces économiques comme il semblerait que ce soit le cas, ou est-ce qu’une société est en capacité d’apporter la réflexion sur ce que nous sommes aussi bien en société que par nous-mêmes ?  C'est-à-dire l’interrogation philosophique. On voit bien que la manipulation de l’opinion, en quelque sorte, devient un élément de pouvoir ; ça a toujours existé, on croyait à une époque que la terre était plate. Qu’est-ce qui aujourd’hui nous permettrait d’éliminer un certains nombre de préjugés collectifs ?

    Mireille : A propos de cette difficulté à vaincre un préjugé, Einstein dit

    Pierre F. : Dès le moment où on aborde la question de la science mathématique, des sciences physiques, je pense qu’on est plus dans le domaine du préjugé. Les mathématiques sont construites et se superposent, il n’y en a pas une qui devient meilleure que l’autre. Je pense plutôt que dans l’esprit humain il y a cette tentation d’aller chercher quelque part ailleurs du nouveau.  Il n’y a pas de préjugé mais il peut y avoir manipulation : qu’est ce qu’on fait avec l’objet scientifique ? En revanche ce qui m’a beaucoup intéressé tout à l’heure, c’est l’idée de remettre en cause un préjugé. Qu’est-ce qui concourt à faire que l’esprit humain soit paresseux, n’accepte pas de se remettre en question ? Malheureusement, au niveau collectif, si personne n’aide, si nos foutus media, la télévision ne nous aident pas à réfléchir et à se remettre en cause, et qu’au contraire ils choisissent toujours de nous séparer. Parce que dans l’histoire des préjugés on touche à l’unité, le préjugé peu à peu construit des séparations.

    Mireille : Pour vaincre un préjugé Alain préconise la philosophie, pour lui « Philosopher, c’est échapper aux préjugés, dire non à ce qui fut jugé antérieurement à la réflexion. Exercer une activité intellectuelle ou rationnelle, peser soigneusement ce qui vient à l’esprit, dire non aux préjugés, à ce qui est jugé d’avance, avant qu’on ne se soit instruit »

    Dans « Le Monde de Sophie », Jostein Gaarder écrit « L'enfant est sans préjugés, qualité première d'un grand philosophe. Il perçoit le monde tel qu'il est sans idées a priori qui faussent notre vision d'adultes. »

    Et, dans l’étude dont je vous ai parlé tout à l’heure il est dit qu’au niveau cognitif le préjugé « rend manifeste l’existence d’une certaine inertie naturelle de la réflexion critique: il est très paradoxal de penser que l’on a des préjugés car ils ne nous apparaissent pas comme tels mais comme des évidences, des nécessités de la croyance. » et ils faisaient référence à la
    sortie douloureuse hors de la caverne de Platon.

    Nathalie : Le mot « vaincre » me gène, il y a un côté négatif, j’ai l’impression qu’on peut aussi se battre pour un préjugé. Ce qu’un autre peut qualifier chez moi d’être un préjugé, peut me donner de la force pour me battre, pour assumer mes idées, alors que ça va être considéré comme un préjugé pour d’autres. Je me battrai toujours contre les gens qui ont la haine de l’autre, je ne le supporterai jamais : ça peut être un préjugé pour l’autre.

    Claude : C’est le problème des valeurs qui sont un peu des préjugés.

    Catherine : En relisant mes notes, j’ai noté « pas d’éducation donc pas de préjugé », ça m’a étonnée ; « un enfant est sans préjugé » alors ça voudrait dire que c’est la société qui formate ; la société c’est la famille, l’école, l’entourage etc., et on en vient au développement de l’esprit critique pour se construire. Je ne sais pas si on doit vaincre mais on doit remettre en cause ce qu’on nous fait gober.

    Pierre : Je pense que c’est dommage d’abandonner le germe d’idée lancé par Nathalie, à savoir qu’un préjugé n’est pas, dans tous les cas, à vaincre absolument et ça peut être quelque chose de positif et d’utile ; par exemple celui de dire « moi, je défends le faible ».

    Mireille : Mais ça ce n’est pas un préjugé.

    Brouhaha :

    Pierre : En tout cas on peut se poser la question à savoir si le terme de « vaincre » est bien utilisé.

    Mireille : C’est une autre question. Dans l’analyse des mots de la question telle quelle a été posée, ça présume qu’on va parler des préjugés nuisibles.

    Philippe C : Par définition il ne peut pas y avoir de préjugés positifs. Préjuger c’est juger avant les arguments

    Jacques L : Je pense qu’un préjugé induit la question « est-il vrai ou faux ? ». Il demande à être validé.

    Anne : Est-ce qu’au lieu de dire « vrai ou faux » on pourrait dire « bon ou mauvais » ? Il me semble que l’important pour essayer de voir si on peut le vaincre c’est de se poser des questions par rapport à nos propres préjugés.

    Philippe C. : Vaincre un préjugé c’est avoir dessus le raisonnement critique.

    Pierre : Dans les citations que vous avez énoncées tout à l’heure, il a été dit qu’un préjugé est quelque chose qui résiste au raisonnement donc un raisonnement critique ne permet pas de vaincre un préjugé. Je pense que c’est l’évidence, la constatation, le vécu qui seuls permettent de vaincre un préjugé, comme dans l’exemple donné du noir qui est arrivé major. Un raisonnement n’est pas forcément juste, n’est pas forcement de bonne foi. Un préjugé résiste à toutes analyses critiques. Évidemment on devrait pouvoir.

    Philippe C. : On peut pouvoir, c’est ce que Mireille a dit en parlant de la caverne de Platon. La sortie de la caverne c’est ça.

    Pierre : Ma culture s’arrête avant ça, vous nous racontez ce qu’est la caverne de Platon, s’il vous plait. 

    Philippe C. : C’est long mais on peut commencer. Il y a des gens dans une caverne, qui y sont installés, ils ont devant eux le mur, derrière il y a un feu et il y a des gens, des choses,  qui passent devant et ceux qui sont dans la caverne n’en voient que l’image, l’ombre. Donc, il va falloir les faire sortir de la caverne pour qu’ils puissent voir dans la lumière la réalité des choses. Il faut alors que celui qui est sorti de la caverne y revienne pour informer les autres et les convainque de sortir à leur tour.

    Pierre : Donc un raisonnement ne permet pas de résoudre le problème, c’est la constatation, l’expérience.

    Philippe C. : Oui mais il ne faut pas oublier que pour Platon il y a avant tout et au dessus de tout « l’idée » et ça ne se justifie pas par l’expérimentation, il faut atteindre les idées c'est-à-dire monter, or il n’était pas croyant mais il croyait dans ses idées ça c’est sûr.

    Mireille : Et la force de l’inertie qu’on a et dont on parlait tout à l’heure ne nous mène pas à expérimenter, il faut un déclic pour qu’on se rende compte que ce qu’on voit n’est que l’ombre de la réalité où que ce qu’on préjuge n’est qu’une image vraie ou fausse de la vérité. Nous ne sommes pas conscients de nos préjugés.

    Monique : Je parlais de la justice tout à l’heure, il ne faut pas oublier qu’avant tout jugement il y a une instruction. Je crois qu’un préjugé devient mauvais quand on est plus capable de le remettre en question. Même quand un préjugé semble bon, comme disait Nathalie «  les hommes sont bons », à priori c’est vrai, quand on voit les petits enfants on a envie de dire que « tous les hommes sont bons », mais si on est dans un camp de concentration nazi il vaut mieux ne pas le croire. Donc il faut être capable de remettre en question nos préjugés, c'est-à-dire utiliser son esprit critique.

    Pierre F. : La question que je me posais c’est comment discerne-t-on une croyance d’un préjugé ? On peut dire qu’une croyance rassemble, c’est comme ça qu’une société peut se construire, alors qu’un préjugé divise. Il semble aller de soi que seul le raisonnement critique peut nous permettre de nous ébranler. Mais, la frontière entre ce que je nomme croyance et ce qu’on pourrait nommer préjugé me parait relativement floue et nécessiterait quelques éclaircissements.

    Mireille : Ce que j’ai envie de te dire c’est que le préjugé il peut être jugé c'est-à-dire qu’il peut être raisonné, il est vérifiable. Une croyance est à un autre niveau, ce n’est pas vérifiable, c’est du domaine de l’imaginaire.

    Catherine : Je n’arrive pas à comprendre qu’un préjugé soit vérifiable, ça veut dire qu’il est une vérité fixe ?

    Mireille : Non, si on reprend l’exemple de Monique qui avait comme préjugé que les gens de couleurs étaient tous des imbéciles, elle a vu par l’expérience que c’était faux. Alors que si j’affirme « Dieu existe » personne ne peut prouver que c’est vrai ou faux. On peut toujours juger et prouver qu’un préjugé est vrai ou faux, on ne peut pas le faire d’une croyance. C’est la différence que je fais entre ces deux notions.

    Monique : Elles ne sont pas dans le même domaine.

    Jacques : Il y a l’intuition qui nous fait penser que telle chose peut être, c’est ce qui guide les chercheurs. Au départ de la croyance il y a l’intuition. Dans le préjugé aussi il peut y avoir l’intuition.

    Mireille : L’intuition et la croyance ce n’est pas du tout la même chose. Alain qui a beaucoup écrit sur les préjugés dit que « Ce qu'on appelle la première impression, c'est souvent une somme de préjugés. » La première impression, l’intuition sont spontanées, ne sont pas réfléchies.

    Anne : Il ne me semble pas que préjugé est à voir avec un jugement comme tu le dis Monique. Préjugé c’est quelque chose qu’on décrète ou que l’on admet sans réflexion.

    Brouhaha : … c’est un jugement intime… on juge sans réflexion…

    Jacques L ; Dans ton introduction, quand tu as donné l’exemple de la personne agressée dans le RER A, tu as dis que ça mettait en valeur 3 préjugés : sur les magrébins, le RER A et de la jeune fille sans défense ; tu veux dire que c’est cette information journalistique qui va nous pousser à déclencher chez nous 3 préjugés ?

    Mireille : Cette information regroupe 3 préjugés courants donc les renforce : 1, l’événement c’est passé dans le RER A…

    Jacques : Mais l’information relate un fait réel

    Mireille : Oui, dans cet article  du Monde Dissident sur les stéréotypes et les préjugés, on pose la question sur la nécessité et la forme de cette information ; que se passe-t-il dans notre tête quand on lit cette information ? « Ah c’est encore dans ce RER qu’il y a agression, Ah, c’est encore par un magrébin, ah, c’est encore une jeune fille qui ne s’est pas méfiée et tout le monde sait que les filles sont faibles ». Cette information réveille et renforce ces 3 préjugés, ça les ancre. Mon esprit critique devrait dire « c’est dans tous les RER qu’on déplore des agressions, elles ne sont pas toutes faites par des magrébins et les victimes ne sont pas toujours des jeunes filles faibles ». Mais on n’est pas toujours conscient de l’impact sur nous de l’information et des stéréotypes qu’elle peut créer.

    Monique : Effectivement, une information comme celle là quand on vous la met en exergue elle n’a aucune valeur statistique, si on ne parle que d’elle, si on ne parle pas du crime à Chatou etc. on finit par formater l’esprit des gens. C’est une information choisie.

    Catherine : Une information qu’il vaudrait mieux taire parce qu’elle n’a pas d’intérêt général.

    Mireille : Dans cet article après cette information on demande « D’où nous viennent les stéréotypes et les préjugés ? » Notre cerveau va emmagasiner toutes ces informations et ensuite quand, dans le RER A, je croiserai un magrébin j’aurai peur.

    Jacques : Quel est l’outil qui pourrait être donné à l’enfant pour lui fabriquer cet esprit critique, pour lui donner, effectivement, la capacité de lutter contre ses préjugés ?  À l’école, quand on dit à un professeur à la rentrée «  oh, tu vas avoir une classe super », il est établit qu’il va se défoncer et sa classe sera super et il aura des résultats très bons. Il a été établi aussi que lorsqu’on dit à un élève « Tu vas avoir un prof génial », c’est vrai qu’il va avoir des résultats. Quand on dit à un prof «  cet élève est intéressant mais celui là est un chahuteur » il est vrai que le prof va s’intéresser plus particulièrement au premier. Donc c’est le préjugé qui va entamer une vision des choses de cet enseignant sur une partie de sa classe. Comment amener l’enfant à développer son esprit critique ?

    Mireille : Ayant eu 3 enfants et maintenant des petits enfants je répondrai que c’est par le dialogue, il faut amener l’enfant à se poser des questions que seul il ne se poserait pas. C’est pour moi le fondement de la pédagogie. La façon de le faire sera différente suivant l’enfant que vous avez devant vous.

    Marie Christine : On parlait de Platon mais il y a Socrate, son mentor, qui dispensait ce qu’on appelait la maïeutique, qui consiste faire accoucher la pensée des gens. Il n’avait pas de doctrine, il faisait de la philosophie en posant des questions. Ces questions ont dérangé au point qu’on l’a tué.

    Mireille : C’est une méthode très pédagogique.

    Jacques L : Pour continuer avec les enfants, il y a quand même un préjugé qui a cours c’est qu’il est postulé que les enfants doivent écouter leurs parents. Or, les enfants sont faibles vis-à-vis de leurs parents, tu disais tout à l’heure qu’il fallait défendre les faibles, c’est le premier point. Le deuxième point c’est que ça peut être discuté parce que on a dit tout à l’heure qu’il y avait des parents qui laissaient les enfants regarder trop la télévision et d’autres qui l’interdisaient, alors quelle est la solution ?

    Brouhaha :

    Anne : On va peut être en rester là.

    Fermeture du débat par Mireille

    Jugements de valeurs, lieux communs, banalités, opinions, stéréotypes, clichés, préjugés, idées reçues, stigmatisations, phrases cousues en fonction des espaces dans lesquels elles sont employées. Nous avons tous en tête des stéréotypes et des préjugés qui façonnent nos pensées. Nous avons beau nous en défendre, argumenter ou prendre le contrepied des idées reçues, difficile de s'en détacher; pour la simple et bonne raison que nous sommes constitués de ces préjugés.

    Je terminerai par un extrait de l’article de Charlotte Duperray sur ce sujet :

    «Les arabes sont agressifs, les noirs sont joyeux, les asiatiques sont travailleurs, les femmes sont douces et sensibles. Je suis seule dans le métro, une bande de jeunes garçons rentrent dans le wagon, je prends peur. Je n'ai pas fait de classe préparatoire donc je ne me sens pas à la hauteur. Je suis africaine donc je danse bien.» (...) 

    Les clichés costument les genres et les gens. Ils façonnent et nourrissent l'imaginaire populaire. Nous avons tous (testez vous !) des préjugés et tous, nous en suscitons. Ils font partie de nous, de notre environnement social et en cela, ils sont structurants. Lutter contre les préjugés ? Compliqué. Néanmoins, lutter contre la négation qu'ils engendrent est une bataille fondamentale. Les Nations Unies ont écrit pour cela une déclaration sur la race et les préjugés raciaux. Et des personnes luttent quotidiennement au sein des associations. Rokhaya Diallo, membre des Indivisibles, confie à quel point les préjugés réduisent les identités. Selon elle, reconnaître et être conscient de ses propres préjugés est une manière de gagner en estime de soi. Or, l'estime de soi permet de réduire ses préjugés à l'égard des autres.

    Actuellement, les médias s'interrogent sur l'efficacité des statistiques en termes de lutte contre les préjugés. Si ce n'est par les chiffres, le simple fait d'assumer ces petites bêtes qui nous collent à la peau, peut être une manière de positiver.

    Rokhaya Diallo est la Présidente de l’association les Indivisibles, cette productrice de dessins animés, 30 ans, prône un antiracisme ludique.

    Poème lu par Anne

    Poème de Victor Segalen, tiré des  « Stèles » du cycle chinois.

     

    « Perdre le midi quotidien »

     

    Perdre le midi quotidien ; traverser des cours, des arches, des ponts ; tenter les chemins bifurqués ; m’essouffler aux marches, aux rampes, aux escalades ;

    Éviter la stèle précise ; contourner les murs usuels ; trébucher ingénument parmi ces rochers factices ; sauter ce ravin ; m’attarder en ce jardin ; revenir parfois en arrière,

    Et par un lacis réversible égarer enfin le quadruple sens des Points du Ciel.

                                                                                      *

    Tout cela – amis, parents, familiers et femmes, - tout cela, pour tromper aussi vos chères poursuites ; pour oublier quel coin de l’horizon carré vous recèle,

    Quel sentier vous ramène, quelle amitié vous guide, quelles bontés menacent, quels transports vont éclater.

                                                                                        *

    Mais, perçant la porte en forme de cercle parfait ; débouchant ailleurs : (au beau milieu du lac en forme de cercle parfait, cet abri fermé, circulaire, au beau milieu du lac, et de tout,)

    Tout confondre, de l’orient d’amour à l’occident héroïque, du midi face au Prince au nord trop amical, - pour atteindre l’autre, le cinquième, centre et Milieu

    Qui est moi.

     

    Que vous ayez été présent ou non à cette rencontre, si vous voulez apporter un complément à ce débat, n’hésitez pas à faire un commentaire en cliquant ci-dessous.  Vous pouvez être avertis des commentaires faits en vous inscrivant à la Newsletter. Merci pour votre participation et rendez-vous Dimanche 29 octobre (même heure, même lieu)

    La question choisie à mains levées, sera: « Qu’est-ce la quête de soi ? »

    Le thème choisi pour  novembre est  « Le respect ». Préparez vos questions.

    Mireille PL

     


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