• Sur quoi repose mon identité ?

      5 à 7 Philo du dimanche 27 janvier 2019 : 25 participants

    Sur quoi repose mon identité ?

    Introduction (par Mireille)

    Analyse de la question

    « Sur quoi repose… » Ici, « reposer est un verbe intransitif et signifie être établi, appuyé, fondé : La base de l'édifice repose sur le roc, sur des pilotis. Il s'emploie figurément dans la même acception. Ce raisonnement ne repose sur rien, repose sur de solides principes » (CNRTL)

    « Mon »  Le « mon » est important car on ne parle pas ici d’une identité collective, de celle d’un groupe de personnes : famille, peuple etc. Il s’agit de se questionner sur l’identité individuelle, ma propre identité

    « Identité ?» Du latin idem, « même ». L'identité d'une chose, c'est ce qui fait qu'elle demeure la même à travers le temps malgré les changements.

    Du point de vue Métaphysique l’identité est « Le fait d’être un, relation de tout individu à lui-même. (Dicophilo.fr)

    En psychologie, c’est la représentation de soi que se fait un individu, associé à un sentiment de continuité et de permanence. (Dicophilo.fr)

    En philosophie, « l’identité personnelle désigne le fait pour un sujet d'être un individu à la fois distinct de tous les autres (unicité ou identité synchronique) et demeurant le même à travers le temps (identité diachronique). » (wikipedia.org)

     

    Introduction à l’échange

    C’est John Locke qui, en 1690, a appréhendé le problème de l’identité personnelle en des termes qui continuent à être discutés aujourd’hui. Selon lui une personne est « […] un être pensant et intelligent, capable de raison et de réflexion, et qui peut se considérer soi-même comme le même, comme une même chose qui pense en différents temps et en différents lieux »

    La question peut se résumer à « Qui suis-je ? ». Qu’est-ce qui fait que je me sente la (le) même en toutes circonstances depuis que j’ai conscience d’être ?

    « Il s'opère des changements continuels en nous (...) et néanmoins nous avons toujours le sentiment de notre identité. » écrivait Madame de Staël dans son essai philosophique « De l’Allemagne » 

    Qu’est-ce qui fait mon identité ? Sur quoi repose mon identité ?

    Résumé de l’échange (par Mireille)

    Ayant eu un problème d’enregistrement je ne suis pas en mesure de vous transcrire la totalité de notre échange. En voici les grandes lignes qu’Anne et moi-même avons retenues. J’ai également rajouté quelques textes et observations que nous avions notés lors de notre préparation à la rencontre. Vous pouvez compléter ce résumé en écrivant un commentaire au bas de la page. Merci de votre compréhension.

    Notion de permanence de l’identité à travers le temps ?

    Pierre M note que dans la définition de ce qu’est « l’identité personnelle », du point de vue de la métaphysique, de la psychologie ou de la philosophie, il y a cette idée de « même, d’identique à travers le temps ». Cela lui semble contradictoire à ce que l’on peut observer au cours d’une vie entre l’enfance et la vieillesse d’une personne. Son identité change au fur et à mesure du vécu et des circonstances.

    Philippe C pense que l’identité d’une personne se construit tout au long de sa vie.

    Pierre F s’inscrit en faux pour lui l’identité personnelle, qui permet de dire « je », est recouverte par les influences extérieures à la personne, de différentes couches au fur et à mesure qu’elle avance dans la vie. Il prend l’image de l’oignon, en tant qu’adulte nous devons nous dépouiller de ces pelures pour retrouver ce noyau d’origine qui est notre « je », notre véritable identité. Pour lui ce n’est pas un acte de construction mais de dépouillement, de libération.

    Janine pense que l’identité personnelle émerge avec la conscience de soi comme sujet.

    A la question « qui suis-je ? » Mireille répond par cette phrase connue : « Je suis ce que les autres croient que je suis, ce que je crois être et ce que je suis vraiment », c’est dans ce que je suis vraiment que se situe mon identité personnelle, le cœur de l’oignon dont parlait Pierre

    Anne cite L’écrivain Mathias Enard, dans « Rue des voleurs » : «  …jamais je ne pourrai retrouver celui que j’étais avant [….] la vie a passé depuis [….] la conscience a fait son chemin, et avec elle l’identité – je suis ce que j’ai lu, je suis ce que j’ai vu, j’ai en moi autant d’arabe que d’espagnol et de français, je me suis multiplié dans ces miroirs jusqu’à me perdre ou me construire, image fragile, image en mouvement…»

    Ce que François Julien appelle un « écart », à propos de l’identité culturelle peut s’appliquer à notre identité personnelle faite, comme l’a dit Pierre, comme un oignon : «...L’écart nous fait sortir de la perspective identitaire : il fait apparaitre, non pas une identité, mais ce que j’appellerai une « fécondité » ou, dit autrement, une ressource. L’écart, en s’ouvrant, fait lever un autre possible. Il fait découvrir d’autres ressources qu’on n’envisageait pas, et même qu’on ne soupçonnait pas. »

    Qu’est ce qui fait mon identité ?

    Nous avons essayé de discerner les éléments qui constituent notre identité personnelle.

    Avec Anne nous sommes partis de notre identité civile (carte d’identité). Pour être distingué d’un autre citoyen, la République Française note : notre nom, notre nom d’usage (généralement celui d’épouse pour les femmes), notre sexe, notre date et lieu de naissance, notre taille et enfin notre photo d’identité (visage neutre d’expression). Tous ces critères peuvent être changés sauf la date et le lieu de naissance ce qui n’est pas le plus distinctif. (Contrairement à ce qu’a dit Nathalie depuis un décret issu de la loi «Justice du XXIe siècle» de 2016 les personnes qui changent de sexe peuvent obtenir une carte d’identité correspondant à leur nouveau genre)

    Mireille fait remarquer l’importance de l’identité légale : nom, prénom, nationalité, genre me situe dans le monde et me permet de me sentir appartenir à un pays, une culture et à être reconnue en tant que telle par les autres. Sans nom je ne suis personne.

    Mireille a ensuite abordé un autre aspect de l’identité personnelle qui est la coordination des différentes composantes d’une personne : son aspect physique (morphologie de son corps), son tempérament ou les humeurs d’Hippocrate liés aux processus organiques (métabolisme), sa psychologie (affect, sentiments, émotions) et l’entendement (personnalité, esprit)

    Tous ces aspects influent les uns sur les autres et sont en mouvance les uns avec les autres. Goethe parlait de métamorphose. Le physique et le biologique sont héréditaires, l’origine du psychologique et de l’entendement est plus diverse (éducation, vécu).

    Je ne sais plus quel philosophe prenait l’image d’un morceau de cire que l’on modèle et qui malgré les différentes formes qu’on lui donne reste toujours la même quantité et qualité de cire. Le but de l’existence n’est-il pas de modeler cette identité première non pour la changer mais pour l’embellir ?

    Monique revient alors sur la photo d’identité et l’importance qu’a le visage dans la définition de notre identité personnelle. Elle nous parle des difficultés qu’a à se retrouver la personne qui a subit une greffe, même partielle, du visage. Outres l’aspect  physique et esthétique elle ne retrouve pas les expressions de sa vie intérieure que son visage reflétait et qui la rendait reconnaissable aux yeux des autres mais aussi à ses propres yeux. Je me permets de rajouter ce propos de Levinas : « Le visage parle »

    Pierre M souligne l’importance de la voix qui est aussi un signe de reconnaissance de notre identité. Il cite aussi Sylvain Tesson qui dans « Un été avec Homère » écrit « Homère livre une clef bouleversante : notre identité se tiendrait dans nos larmes. ».

     Pierre m’a fait parvenir l’extrait intégral que je vous transcris.

    « Dans l’Odyssée, Ulysse échoue, naufragé, chez les Phéaciens, dernière épreuve avant de pouvoir enfin revenir à Ithaque. A moitié nu, Ulysse se cache dans les buissons, alors que survient Nausicaa, fille du roi Phéacien Alcinoos. Les servantes s’enfuient, effarouchées. Nausicaa, elle, est séduite par le discours d’Ulysse. Les paroles séduisent, rappelle Homère.

     Ulysse est conduit au palais du roi qui lui promet son aide : on lui affrétera un bateau et on l’aidera au retour. Il est accueilli en simple réfugié, comme il n’avait pas dévoilé son identité …  

    Alcinoos organise également un festin en l’honneur de son hôte, toujours sans savoir qui il est. Le troubadour du banquet chante la querelle d’Achille et d’Ulysse. Cet épisode n’est pas présent dans l’Iliade mais constitue un passage crucial de l’Odyssée. Ecoutant l’aède, Ulysse se rend compte qu’il est entré dans l’Histoire. La mémoire lui concède sa part d’éternité.

    Le ménestrel raconte alors l’épisode du cheval de Troie. Ulysse, initiateur de cette ruse, ne peut retenir ses larmes, trahissant ainsi son identité.

    « Dis-moi quand tu sanglotes, je te dirai qui tu es … »

    L’inné et l’acquis dans l’identité ?

    Pierre F s’appuyant sur un vécu personnel pose la question du rôle de l’héritage génétique sur notre identité personnelle et sur la puissance que peut avoir sur elle le facteur héréditaire. Si chaque être est unique, c’est parce qu’à l’origine son patrimoine génétique résulte d’un immense brassage de gènes qui constituent notre ADN. On parle aussi des liens du sang. En effet, il existe dans le sang des substances particulières ou facteurs permanents, stables, transmissibles selon les lois de l'hérédité, et qui caractérisent un individu de sa naissance à sa mort.

    Monica fait remarquer que si nous recevons un héritage biologique, qui correspond à notre patrimoine génétique, nous recevons aussi les valeurs, croyances et histoires familiales de nos ancêtres qui se transmettent de génération en génération de manière inconsciente. Le langage populaire à propos d’une caractéristique propre à une personne dit « c’est gravé dans ses gênes ».

     Nous recevons aussi un héritage culturel, qui correspond au milieu dans lequel nous évoluons, mais également à l'éducation qui nous est transmise.

    Pour Philippe C, l’identité sociale, est aussi à considérer dans ce que nous sommes en tant qu’individu. Elle se construit par l’interaction de l’individu avec les différents groupes auxquels il appartient. L’identité sociale permet à l’individu de se repérer dans le système et d’être lui-même repéré socialement. A. Mucchielli la définit comme « l’ensemble des critères qui permettent une définition sociale de l’individu ou du groupe, c’est-à-dire qui permettent de le situer dans la société». Chaque individu est défini par les différents rôles qu’il doit remplir au sein des groupes auxquels il appartient. La notion d’identité est donc profondément liée à la structure sociale parce qu’elle se caractérise par l’ensemble des appartenances de l’individu dans le système social.

    L’expérience sociale d’autrui est primordiale pour prendre conscience de soi même, « Pour être confirmée dans mon identité, je dépends entièrement des autres. » disait Hannah Arendt. Pour Proust, la conscience historique de son entourage passe en deuxième plan : « «Tout individu ne développe-t-il pas son identité personnelle et la vision qu’il a de lui-même d’abord en fonction de la situation dans laquelle il vit, et ensuite seulement en fonction de la conscience historique de son entourage ? »

    Marie Christine évoque la difficulté qu’ont les enfants adoptés à prendre conscience d’eux mêmes, ignorant un bout de leur histoire ils ont pour certains beaucoup de mal à se situer par rapport à ces différentes influences dont on vient de parler. Dans une tribune au « Monde », Vincent Brès écrit : « La connaissance de ses origines est indissociable de la réflexion de tout être humain sur son identité personnelle »

    Il est tout à fait évident que nous naissons tous avec des tendances préexistantes en termes de traits de caractère, tendances liées à notre patrimoine génétique hérité. Le rôle de l'inné ne fait aucun doute.

    L'acquis est tout aussi évident, il modèle les structures psychologiques, les comportements, la personnalité de l’individu, sa façon de parler, de réagir à certaines situations etc. La façon dont nos parents nous auront éduqués, les valeurs enseignées, les réactions observées et apprises, les atmosphères, les ambiances vont particulièrement peser sur notre rapport au monde.

    Mais qu'en est-il de son identité personnelle ? Peut-on la distinguer de ces apports ? Chacun se sent unique et singulier mais, dans le même temps, alors que les identités biologique et sociale peuvent être saisies objectivement, l'identité personnelle semble insaisissable.

    Actuellement, on fragmente de plus en plus l’individu pour le définir. Par facilité ? L’usage numérique aggrave les choses. Nous mettre dans des cases : identité sexuelle, religieuse, culturelle, sociale, profil psychologique, n’est-ce pas nous réduire en miettes ?

    Mon identité évolue, avec des liens élastiques, mouvants, qui peuvent s’étirer ou se resserrer ; ni emprisonner, ni bâillonner. Il me semble que j’ai plusieurs identités. Celles qui viennent du contact des autres, individus ou groupes. Celles que l’on me colle comme des post-it, elles m’étonnent souvent, parfois me froissent. Les miennes propres, qui me constituent comme un artichaut. Alors pour trouver ce qu’il y a tout au fond de moi d’authentique ciment de mes identités, je pense que la seule manière est de me dépouiller de mes vieux oripeaux, de m’effeuiller pour aller à l’os, au cœur de moi-même. C’est trouver la personne que je suis, ou mon identité ?

    Mireille cite un extrait d’article de Marion Genaivre « On ne peut, en matière de philosophie du sujet, passer à côté de la remarquable conceptualisation proposée par Paul Ricœur, notamment dans Soi-même comme un autre. Ricœur y rappelle qu’il distingue deux modes de l’identité personnelle : la mêmeté (idem) et l’ipséité (ipse). Pour le dire brièvement, si les deux renvoient bien à une permanence dans le temps, l’une renvoie à la question « Que suis-je ? », l’autre à la question « Qui suis-je ? » Dit encore autrement, la mêmeté, c’est le caractère et l’ipséité, la promesse, « la fidélité à soi dans le maintien de la parole donnée ».

    La perte d’identité ? 

    Pascale s’interroge sur la perte d’identité des gens qui sont complètement pris dans une identité de groupe. Que ce soit dans une secte ou un autre mouvement, on est parfois fanatisés, il y a quelquefois un lavage de cerveau, une paralysie des facultés, un engourdissement moral ou intellectuel, qui mène à la perte de conscience de ce qui était l’identité propre. Ce n’est pas vraiment une perte d’identité, même si c’est difficile pour la personne, de nombreux cas montrent qu’un déclic peut réanimer la conscience qu’elle a d’elle-même.

    Anne aborde les cas d’amnésie. Il lui semble que l’identité n’est pas seulement derrière soi (problème de la perte de la mémoire). Elle est aussi, peut-être surtout, dans les aspirations, les désirs, ce qu’on voudrait être et ce qu’on fait – ou ne fait pas.

    C’est la conscience seule qui, selon Locke, permet de se reconnaître comme « le même soi personnel » non seulement dans l’instant présent, mais serait aussi capable de s’identifier via la mémoire, comme  ‘le même’ en différents temps. (Essai sur l’Entendement humain). Locke distingue l’individu (corps) de la personne (conscience) Ce n’est pas la continuité du corps qui fonde l’identité personnelle mais celle de la conscience. Comme le dit Anne, l’amnésique ne peut se souvenir, regarder en arrière, mais il est conscient de lui-même dans le présent et peut se créer de nouveaux souvenirs et trouver une nouvelle identité.

    Confusion entre identité personnelle et personnalité ?

    Nous avons aussi abordé rapidement le problème des troubles de l’identité abordé par Jean Max : dédoublement de la personnalité, Docteur Jekyll and Mister Hyde. Cette maladie consiste à la création de plusieurs personnalités disparates chez un même sujet qui peuvent ressortir à tout moment. Appelé aujourd’hui trouble dissociatif de l'identité il n’en reste pas moins que c’est une pathologie mentale qui certes empêche la conscience de l’existence de sa vraie identité personnelle que pourrait avoir le malade.

    Il me semble qu’il faut bien distinguer l’identité personnelle, ce centre de l’oignon dont parlait Pierre, qui est du domaine de « l’être » dans sa fixité (je suis, j’existe), de la personnalité qui est de celui du « faire » dans sa mouvance (je vis, je fais).

    Naissance et mort de l’identité personnelle ? 

    Nous sommes revenus sur l’image de l’oignon proposée par Pierre au début de notre échange. Notre « Je » serais notre centre qu’une multitude de couches de pelures d’origines diverses viennent recouvrir au fur et à mesure que nous avançons dans la vie. Nous nous débarrassons de certaines qui sont souvent remplacées par d’autres. 

    Alors Jacques s’exclame « Mais quel est et d’où vient ce « Je » qui nous tombe dessus à la naissance ? »

    Nathalie lui répond c’est «l’Esprit » ou "mental-cœur" (citta) des bouddhistes, ou encore « L’Ame » des chrétiens. Cet élément immatériel qui se mêle à notre ADN à la naissance n’est-ce pas la Conscience ? Ne peut-on pas l’appeler « Liberté »

    Pour Monique l’identité d’une personne disparait avec sa mort. Il ne reste d’elle pour les autres que ce qu’elle aura créé et les souvenirs qu’elle aura laissé.

    Mireille précise : Le point d’origine de ce « Je », existant dès la naissance, voire avant, et son devenir après la mort, reste un mystère et tombe dans le domaine de la croyance.

     

    Fermeture des échanges (par Mireille)

    La notion d’identité est ambivalente. Le nouveau Petit Robert Dictionnaire alphabétique et analogique de la langue française nous dit que « L’identité  recouvre cinq sens ou nuances de sens : ils expriment la similitude, l’unité, l’identité personnelle, l’identité culturelle et la propension à l’identification » nous avons plus ou moins abordé ces différentes facettes qu’il est parfois difficile de discerner. Ce que j’ai retenu : c’est que « mon identité », l’identité personnelle ne vient pas de l’extérieur, mais de l’intérieur. C’est par la conscience de soi que nous pouvons percevoir notre identité.  La conscience de soi, c’est se savoir être, fixement, même si le mouvement nous impressionne. C’est toute la contradiction de l’identité personnelle, cette fixité intérieure soumise au changement perpétuel du monde.

    Je rajouterais à ma conclusion ce texte du philosophe Grégoire Perra que vient de me faire parvenir Anne et que je trouve un bon complément à notre échange.

    « Il n’est pas si évident d’affirmer qu’il n’y a d’identité que personnelle. En effet, par son appartenance au monde, par exemple à une certaine sphère du règne vivant, ou encore à une certaine nationalité, un individu possède une identité qui lui est commune avec d’autres individus. Notre identité d’être humain est aussi d’être un homme parmi les hommes, ou un vivant parmi les vivants, ou un français parmi les français… Si le terme de personne désigne ce qui nous est absolument propre, force est de conclure que nous possédons aussi une identité qui ne nous est pas personnelle.

    Ainsi, loin d’être synonymes, les termes d’identité et de personne sembleraient au contraire désigner deux concepts distincts. Par le terme d’identité, nous évoquons ce par quoi quelque chose est reconnaissable, ce par quoi il peut être dit un être singulier, distinct des autres. L’identité semble être le résultat de l’opération intellectuelle de différentiation d’un individu par rapport aux autres individus qui l’entourent. Mais par personne, il semble que nous entendions un concept quelque peu différent, non pas ce qui nous distingue des autres, mais ce en quoi nous nous reconnaissons nous-mêmes, nous nous appréhendons nous-mêmes. Le terme de persona renvoie à la voix de l’acteur qui, dans la tragédie grecque, résonnait à travers le masque… En effet, le concept de personne n’indique-t-il pas cette auto-perception de l’individu par lui-même, cet écho de ce qu’il est qu’il ressent en lui-même et non par distinction avec ce qu’il n’est pas ? »

    Poème (lu par Anne)

    Chez moi, de Cécile Coulon (Les ronces)

    Le pire est de ne pas savoir quelle direction

    prendre quand je veux retourner chez moi :

    dois-je emprunter le sentier creux

    entre deux champs moissonnés par la pluie ?

    Ou bien monter les marches depuis la promenade

    ombragée sur le lac ?

    Est-ce que mon sang, avant ma naissance,

    a nourri les volcans ou sont-ils, comme le chante

    la légende, mes tous premiers parents ?

    Mon ami me dit, en riant, que, selon

    Le moment de la journée, mes yeux changent

    De couleur. Au soleil, ils sont bleu clair, le soir,

    Quand j’ouvre la fenêtre, ils se couvrent d’un gris

    Bâtard, lourd, un gris de pelage froid sur des muscles vifs,

    Un gris d’orage et de peur sans raison.

    A l’aube, le vert a remplacé la brume. Mes yeux

    Passent d’une teinte à l’autre comme

    Un ciel de Normandie. Il arrive que ces nuances,

    Malgré leurs étincelles, malgré leurs profondeurs,

    Soient trouées de larmes grasses quand

    on se demande, avec un de ces airs insupportables,

    un genre de figure parfaitement amicale bien qu’inquiétée :

    « Est-ce un poids d’avoir l’âge que vous avez ? »

    Est-ce que la neige condamne le sabot qui la piétine ?

    Est-ce que le fleuve renverse le bateau sur son dos ? Non.

    Ils font partie l’un de l’autre. Voilà ma réponse.

    Le pire n’est pas l’âge que j’ai. Nous avons tous,

    à notre manière, un poids inutile que nous continuons, malgré tout, de porter.

    Le pire est de ne pas savoir où aller quand je veux retourner chez moi :

    Dois-je arpenter le flanc noir des montagnes mouillées ?

    Ou bien attendre qu’un vol d’oiseaux me passe sur la tête ?

    Je vis en ma demeure, fixant d’un œil aux ombres multiples

    les reliefs d’un amour qui gémit dans la chambre close,

    Apprenant que nous sommes moins que cela,

    que je n’ai jamais été aussi vieux,

    plus vieux ce soir que je ne le serai demain.

    En ma demeure, sans espoir, vivante bien qu’endormie,

    la demeure de mes jours sans soleil, la demeure de mes nuits.

     

    Lectures : Anne nous conseille  deux très beaux romans, très différents, qui évoquent entre autres le problème de l’identité ; quand le visage est détruit ;  quand on est un migrant « intégré ». :

    « Le lambeau » de Philippe Lançon 

    « Les porteurs d’eau » de Atiq Rahimi.

     

    Que vous ayez été présent ou non à cette rencontre, si vous voulez apporter un complément à ce débat, n’hésitez pas à faire un commentaire en cliquant ci-dessous.  Vous pouvez être avertis des commentaires faits en vous inscrivant à la Newsletter (en bas de la page à gauche). Merci pour votre participation et rendez-vous Dimanche 24 février (même heure, même lieu). La question choisie à mains levées, sera: « La confiance est-elle vitale ? ».Le thème choisi pour mars est  « La mémoire ». Préparez vos questions.

    Mireille PL

     


  • Commentaires

    1
    Mireille PL
    Mardi 12 Février 2019 à 15:07

    En psychologie on trouve souvent une confusion entre personnalité et identité personnelle. A peu de chose prés la personnalité est aujourd’hui définie comme le faisaient les grands psychologues du siècle dernier : Selon G. Allport (enseignant-chercheur en psychologie), « la Personnalité est l'organisation dynamique des systèmes psychologiques qui déterminent l'adaptation originale de l'individu à son milieu. »H.J. Eysenck définit la personnalité comme « l'organisation plus ou moins dynamique et durable du caractère, du tempérament, de l'intelligence, et du physique d'une personne qui détermine son adaptation unique au milieu»

    On est bien comme je le disais dans « le faire » de la personne, mais non dans « l’être ». Cet « Etre » est beaucoup plus difficile à définir. Si l’on sort de la démarche scientifique de la psychologie on arrive sur celui de la métaphysique. C’est là une route brumeuse emplie de mystères qui ne peut être parcourue qu’en solitaire. C’est le chemin de la Conscience qui mène « au cœur de l’oignon » dont parles Pierre à son Soi intime, qui nous permet de nous approcher de notre véritable identité. C’est la maxime du temple de Delphes, « Connais-toi toi-même et tu connaîtras l'Univers et les Dieux »

     

     

     

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