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    5 à 7 Philo du dimanche 28 avril 2019 : 17 participants

    La passion exclut-elle la raison ?

    Introduction (par Anne)

     Analyse de la question

     «  La passion… »  Larousse : du grec pathos puis du latin passio. 1) état affectif intense et irraisonné qui domine quelqu’un de façon permanente (surtout pluriel). 2) mouvement affectif très vif qui s’empare de quelqu’un en lui faisant prendre parti violemment pour ou contre quelqu’un ou quelque chose : soutenir une cause avec passion. 3) amour considéré comme une inclination irrésistible et violente. 4) penchant vif et persistant ; emballement, et ce qui est l’objet de ce penchant : l’histoire, c’est sa passion. En philosophie scolastique et classique : ce qui est subit par quelqu’un, par opposition à l’action.

     « … exclut-elle… » Larousse : du latin excludere venant de claudere : fermer. 1) exclure quelque chose : ne pas le compter dans un ensemble, le laisser de côté ; écarter, éliminer.

     « … la raison  » Larousse : du latin ratio : calcul, compte. 1) faculté propre à l’homme, par laquelle il peut connaître, juger et se conduire selon des principes; entendement. 2) ensemble des principes, des manières de penser permettant de bien agir et de bien juger ; bon sens, sagesse, discernement. 3) ensemble des facultés intellectuelles, considérées dans leur état ou leur fonctionnement normal ; lucidité. 4) ce qui explique, justifie un fait, un acte ; cause, explication, motif. 

     Chez les grecs le terme logos, auquel est rattaché traditionnellement le concept de raison, signifie à la fois le fait de savoir compter et la faculté de connaître, d’où l’idée d’un calcul logique organisateur et ordonnateur de la diversité du monde et visant à comprendre ce qui est.

    Introduction à l’échange

     Philippe Fontaine, Professeur à l’Université de Rouen, écrit : « L’état de passion se définit par un déséquilibre, qui consiste dans la valorisation d’une seule tendance. Mais cet aspect semble plutôt subi par le sujet que choisi, comme l’atteste l’idée de passivité constitutive du sens premier de la notion. C’est pourquoi la philosophie dénoncera d’emblée la passion comme négation de la liberté du sujet, et comme obstacle à l’accomplissement d’une vie philosophique placée sous le signe de l’activité raisonnable, au sens fort, c’est-à-dire dictée par la raison. Ainsi se comprend que l’analyse traditionnelle du phénomène passionnel l’oppose tantôt au raisonnable, au rationnel et au logique (pathos versus logos), tantôt à l’activité du sujet, menaçant ainsi sa liberté. Dans le premier cas, la passion pose un problème en tant qu’obstacle à la connaissance vraie, dans le second cas, elle pose un problème éthique et engage une politique de la liberté. C’est sur cet aspect que nous voudrions insister, en tant que la passion, contrairement à une idée reçue, constitue comme telle un risque majeur pour la liberté du sujet. »  La passion serait-elle toujours une aliénation qui nous prive de liberté de pensée et de liberté d’agir ?

     

    Résumé des échanges (par Mireille)

     

     Mireille : Ce qui est intéressant c’est l’évolution du concept de passion ; Chez les grecs « pathos » signifie ce que l'on subit, le fait de subir quelque chose. Passion s'oppose à action, comme pâtir (subir) s'oppose à agir (cf. la passion du Christ). A partir du XVII° siècle, le mot "passion" a été cantonné dans le domaine psychologique. Les passions de l'âme sont tous les phénomènes passifs de l'âme c'est à dire tous les états affectifs : la colère, l'envie, la crainte, la pitié etc., sont des passions. Dès le XVII° siècle, la passion commence à prendre le sens de sentiment fort et est jugée négativement. Un glissement de sens s'opère qui va opposer la passion non plus à l'action mais à la raison. La passion est l'envahissement par une force extérieure, la perte de la maîtrise de soi. Aujourd'hui, on définit la passion comme une « tendance d'une certaine durée assez puissante pour dominer la vie de l'esprit » (Dictionnaire de Lalande). La passion ne reçoit plus sa valeur d'elle-même mais de son objet.

    Philippe C : La passion marque l’existence d’un désir. Le désir étant extrêmement moteur, on peut difficilement fonctionner sans désir. La passion est-elle un bien ou un mal ? Je ne sais pas.

     Anne : Les grecs considéraient la passion comme une maladie de l’âme.

     Philippe C : Pas tous. Épicure n’est pas anti passion, il la rejette lorsqu’elle est démesurée.

     Mireille : Je voudrais vous dire pourquoi j’ai proposé ce thème que vous avez choisi. En voyant les mouvances d’aujourd’hui notamment celle des « gilets jaunes », et leur témoignages je trouve qu’il y a quelque chose d’excessif, plus passionnel que réaliste, que raisonnable. Ce qui me surprend c’est que dès qu’il y a un groupe les passions s’enflamment et deviennent folles.

     Pierre M. : Quand tu parles des grecs et dis qu’ils étaient contre quand il y a démesure ; je me demande si la démesure n’est pas consubstantielle à la passion. Anne, dans sa définition a bien parlé d’un sentiment, d’un état qu’on ne peut pas contrôler, donc démesuré. Il y a certainement des circonstances où passion et raison peuvent faire bon ménage : par exemple on peut être passionné par son métier mais être raisonnable, il n’y a pas démesure.

     Nicole : On parle souvent d’une passion dévorante. Il ne faut pas se laisser dévorer par une passion qui peut être un loisir, un sport, le jeu etc. quand on ne fait que ça, cela entraîne des conséquences néfastes à nous-même et à notre entourage, il faut un juste milieu.

     Pascale : Il ne faut pas se laisser dévorer par la passion ; Mais peut-on ne pas se laisser dévorer ? On est dans un état, surtout quand c’est à l’égard d’un individu, de passivité, d’impossibilité de faire quoi que ce soit. Quand il s’agit de passion pour une activité c’est peut-être plus gérable. Quand il s’agit de sentiments pour une personne on ne peut pas décider du jour au lendemain qu’on va aimer ou qu’on ne va plus aimer, ça s’impose à nous, c’est quelque chose d’irrépressible.

     Pierre M. : Chez les pro-cubains, il y a une expression qui dit « Yo no hago esto tibio (je ne fais pas ce tiède ». Votre réflexion me fait penser à ça ; la vie vaut-elle d’être vécue si on reste tiède ?

     Pascale : Oui il faut avoir des passions mais peut-on s’obliger à en avoir ? Ça vient sans qu’on le cherche. Comment nous arrivent- elles ces passions ?

     Catherine : Oui, il faut avoir des passions. La passion est liée au désir, il y a des gens qui n’ont pas ou peu de désirs, qui sont atones. Et est-ce que c’est raisonnable d’avoir trop de désirs ?

     Françoise : Je ne crois pas qu’il y ait de vie sans passion, et c’est vrai que c’est lié au désir. Si je n’ai pas de désirs je ne vois pas comment je pourrais vivre. Je peux avoir plusieurs passions. Et puis il y a la passion amoureuse, il me semble que là il se passe quelque chose. C’est vrai que ça se vit tout simplement, ce n’est ni intellectuel, ni rationnel, on idéalise l’autre comme l’autre nous idéalise, on tombe dans une espèce de fusion qu’on a eu dans le ventre de notre mère et c’est ça qui va donner une passion amoureuse. C’est très fort, il faut aussi parler de la sexualité qui est un désir aussi très fort. Mais ça peut se transformer, le couple peut très bien avancer en construisant, en sortant de cet état d’idéalisation, en se rendant compte des défauts de l’autre et des siens, de leurs différences.

     Nathalie : Tu as aussi le cas dans une relation amoureuse où les deux n'ont pas la même passion, il n'y a pas réciprocité et ça peut devenir une passion complètement destructrice. C'est le danger de la passion et c'est là que la raison peut entrer en ligne de compte. La passion peut entraîner des comportements terribles : on peut tuer par passion. Il y a des passions destructrices, je pense aussi à celle du jeu. Même s'il faut vivre avec passion il faut être vigilant car on ne sait pas où tous ses attachements peuvent nous mener.

     Catherine : La passion est une chose un peu instinctive, on ne maîtrise pas un coup de foudre. Il y a deux type de passions : la passion amoureuse, mais il y a aussi la passion d'investissement dans quelque chose qui vous intéresse, intérêt pour la nature, pour les autres etc., là c'est une passion constructive.

     Pierre F. : La passion est un dépassement du désir. Dans la passion on établit un rapport, on n’est pas seul dans une passion, il y a l'objet et le sujet. Ma question est : dans le rapport amoureux passionnel est-ce que le sujet devient objet ? C'est ça le dilemme, on ne prend pas l'autre pour ce qu'il est mais pour ce que nous imaginons qu'il est. Il y a une sorte d'exaltation.

     Anne : Spinoza est connu pour son expression « les passions tristes ». Il distingue les passions tristes et les passions qui se traduisent par l’émergence de la joie. Les passions tristes nous affaiblissent alors que les passions positives nous font grandir et évoluer dans la joie. Frédéric Lenoir, dans « Le miracle Spinoza » montre que « la raison non seulement ne s’oppose pas à cette puissance vitale naturelle (qu’est la passion), mais elle l’accompagne pour qu’elle puisse s’exprimer pleinement. La sagesse ne consiste donc pas à brimer l’élan vital, mais à le soutenir et le guider. Elle ne consiste pas à diminuer la force du désir, mais à l’orienter. » J'ai remarqué que tous les philosophes associent passion et raison.

     Catherine : On vient de dire que trop de passion est destructeur, mais je pense que trop de raison l'est aussi.

     Mireille : La passion est un mouvement d'extraversion, la raison d'introversion. Pour être en bonne santé psychique, c'est comme la respiration il faut un mouvement régulier entre inspir et expir, extraversion et introversion. C'est vrai que lorsqu'on est seul devant sa passion, passion de la photo, de l'histoire etc, on peut avoir une certaine maîtrise ; c'est plus difficile quand on est en groupe. On n'observe pas d'effet de groupe de raison, par contre il y a effet de groupe de passion. Le groupe enflamme les passions, on n'a jamais vu la raison embraser un groupe.

     Benoît : Pourtant dans l'histoire du 20éme siècle la raison a nourrit des peuples entiers avec des idéologies parfois très mortifères : aussi bien le communisme stalinien que le nazisme étaient totalement pénétrés d'une raison dévoyée, jusqu’au-boutiste qui est devenue inhumaine. Il peut il y avoir des phénomènes d'hystérie collective autour de la raison aussi.

     Anne : Hegel, dans « Introduction à la Philosophie de l’Histoire » dit : « Rien de grand ne s’est accompli dans le monde sans passion. ». Dans un autre précis il dit : « …la passion n’est ni bonne ni mauvaise; cette forme exprime seulement ceci qu’un sujet a placé tout l’intérêt vivant de son esprit, de son talent, de son caractère, de sa jouissance dans un seul contenu. Rien de grand ne s’est fait sans passion, ni ne peut s’accomplir sans elle. Ce n’est qu’une moralité morte, trop souvent hypocrite, qui se déchaîne contre la passion comme telle.» (Précis de l’encyclopédie des sciences philosophiques). Selon Hegel, pour dominer les passions, la raison ne suffit pas, ni la répression pure et simple. L'homme a besoin d'un moyen qui lui procure aussi du plaisir, ce moyen c'est l'art. J'ai découvert ce côté de Hegel que je pensais purement rationnel, il pense qu'on ne peut rien faire sans passion.

     Catherine : La passion exclut la raison dans ces excès, l'addiction. La raison apporte la modération. Quand on voit que la passion enferme la personne dans une obsession, hors des principes de réalité, on peut dire qu'elle exclut la raison. La raison a, dans sa puissance, renversé les barrières, les conventions, ça c'est positif. Mais, quand la passion s'échafaude avec l’arc-boutant de la raison, ça l'aide à se sublimer comme le dit Hegel, à passer de l'émotion subie à une émotion créative et à pousser le plus loin possible l’œuvre que peut engendrer cette passion.

     Nathalie : Je reviens sur ce qu'a dit Benoît à propos du marxisme et du nazisme. Je ne vois pas comment vous pouvez baser le cheminement sur la raison. Le fanatisme des hommes qui ont suivi, était au départ vraiment des d’exaltés comme eux, on arrive au phénomène de groupe. L'idéologie est au départ basée sur des passions.

     Benoît : Je voulais juste réagir sur la dualité passion négative et raison positive. Sur le fait que la raison ne serait pas elle-même une possibilité de cohésion dans le groupe. Dans le cas de ces passions funestes que sont le stalinisme, le nazisme et bien d'autres, on a vu effectivement au départ qu'il y avait le désir et la passion d'un individu, qui ont contaminé des populations. Hitler, étudiant raté des beaux-arts, suivi de son groupe d'architectes, sont arrivés au déclenchement de la seconde guerre mondiale. C'est une passion qui a complètement prit en otage la raison, mais il y a quand même un aspect hyper rationnel, totalement délirant mais dans sa mise en place d'une grande rationalité mortifère.

    Pierre F. : J'ai essayé d’associer deux termes qui me paraissent en premier lieu antagonistes, c'est à dire une passion méthodique. Ce n'est pas seulement la raison qu’il faut mettre en avant. Ces temps-ci je réfléchissais sur la condition d’Israël. Israël est-ce le fruit d'une passion collective et qu'elle en est la méthode ? Aujourd'hui, quand on regarde ce qui se passe, on voit que quelque part il y a une méthode à l’œuvre, par exemple pour que l'état palestinien disparaisse, ne puisse jamais exister. Le terme premier que tu citais c'est l'idéologie, il y a un système de croyance qui est absolu. Dès le moment où on accueille, où on accepte cette idéologie la méthode est à l’œuvre. Quand on voit les procès de nazis, on entend « moi, j'obéissais »...

    Anne : C'est ce que j'allais dire à propos de la raison et du côté négatif qu'elle peut avoir. Je pensais à ce qu'a dit Hannah Arendt sur la banalité du mal quand il y a eu le procès d’Eichmann : de façon tout à fait raisonnable il faisait, appliquait ce qu'on lui demandait.

    Pascale : La raison ce n'est forcément le bien. C'est un cheminement intellectuel, une réflexion sans rapport avec le bien ou le mal.

    Catherine : En faisant mes recherches, je suis tombée sur une conférence de Michel Ciment titrée « Le cinéma de Kubrick, entre raison et passion ». Un fil rouge relie les films de Kubrick qui sont autant d'avertissements en forme de fables : le rapport au cœur de chaque homme et dans la société entre une volonté de contrôle, l'affirmation de la raison et l'irruption de la passion, de la violence et du refoulé. Dans ses films il y a une tension entre raison et passion.

    Nathalie : Le rapport entre passion et raison est très ambigu. Mais, si on repense à l’épisode de la révolution française, j'ai l'impression qu'on a toutes les réponses ; On a été capable dans cet élan de passion de pondre à la fois les droits de l'homme et dans le même temps de faire la terreur. Dans la passion on peut raisonner et faire le pire dans le même temps.

    Michèle : Depuis le début je suis un peu perturbée par la définition des mots. Pour moi la passion c'est une émotion qui la plupart du temps est négative, je n'y vois pas la pulsion de vie. Je suis plus près de la notion de douleur, de souffrance. Et la raison est plus un exercice du cerveau, c'est la logique, en soi ça ne peut pas être mauvais. Quand Anne parlait de la banalité du mal, pendant la guerre ceux qui envoyaient les gens dans les camps d'extermination en obéissant aux ordres, ce n'est pas de la raison, ça peut être de la lâcheté, ils sauvaient leur peau. La raison n'est ni négative, ni positive, c'est un fonctionnement de l'esprit.

    Pascale : Vous envisagez la passion comme quelque chose de négatif, une souffrance, moi, je verrais ça plutôt comme le fait d'être dominé ce qui n'est pas forcément douloureux ou négatif. Par exemple si vous avez la passion de la politique, vous êtes entièrement dévoré par elle, ça va vous faire agir, entraîner les foules etc., ça n'a rien de négatif.

    Mireille : C'est la définition de Lalande que je vous ai donnée « Tendance d'une certaine durée assez puissante pour dominer la vie de l'esprit »

    Philippe C. : La raison est dominatrice, le Siècle des Lumières l'a bien mit en évidence. La raison est la seule chose qui nous différencie et nous élève au-dessus de tous les animaux. On est humain parce qu'on a la raison. Jusqu'à présent, la raison n'a pas évité des choses épouvantables que nous avons commises depuis la nuit des temps.

    Anne : J'en profite pour donner l'avis de Descartes et celui de Diderot à propos des passions. Descartes dans le Traité des passions écrit : « Les hommes que les passions peuvent le plus émouvoir sont capables de goûter le plus de douceur en cette vie. ». Et Diderot dit : « On croirait faire injure à la raison, si l’on disait un mot en faveur de ses rivales. Cependant, il n’y a que les passions, et les grandes passions, qui puissent élever l’âme aux grandes choses. Sans elles, plus de sublime, soit dans les mœurs, soit dans les ouvrages ; les beaux-arts retournent en enfance, et la vertu devient minutieuse. »

    Pascale : Vous dites Philippe, que l'homme se définit par la raison, c'est vrai. Mais il se définit aussi parce qu'il a les sentiments.

    Catherine : Edgar Morin dit : « Au plus froid de la raison, il nous faut passion, c'est à dire amour ». J'ai associé au mot raison : raisonnement, raisonner, il faut garder raison, avoir raison, mais aussi avoir ses raisons (qui sont l'horizon de la passion).

    Françoise : On devrait se poser la question «  Qu'est-ce que c'est d'être raisonnable ? » Si on est raisonnable, c'est la froideur, il n'y a plus de vie.

    Anne : C'est très dur ce que tu dis. Il y a quand même, il me semble, à travers quelques civilisations, des penseurs, des philosophes qui font de leur vie une recherche de raison. Sont-ils des minables pour autant ? C'est injuste de dire que les gens passionnés sont très biens et que ceux qui font un chemin différent n'ont pas une vie toute aussi riche.

    Pierre M. : Je reviens à ce que vous dissertiez : est-ce que sans passion la vie est intense, vaut-elle la peine d'être vécue etc ? Il me semble que le vivant dans son ensemble, que ce soit les hommes, les animaux ou les plantes, a toujours quelque chose d'extrême. C'est à dire que les lois de la nature sont très violentes et j'assimile ça à la passion qui amène les règles du jeu à leur extrême. Les règles du vivant sont extrêmes et dramatiques, les faibles ont disparus au profit des forts. Et pourtant, ces règles passionnées sont les plus raisonnables pour faire progresser le monde du vivant.

    Anne : Ce que tu sembles dire c'est donc que, dans ce chemin de la vie, ce sont les plus forts qui ont survécus ; mais, que ce qui est considéré comme le plus raisonnable, l'espèce humaine, est en train de faire allègrement disparaître tout ce qui se trouve vivant sur la terre.

    Pierre F. : Je ne vois pas où est la passion dans ce que tu décris. C'est vrai que par exemple dans une roselière les animaux vont effectivement manger les plants, et se manger entre eux. Vu comme ça dans le monde animal il y a toujours quelqu'un qui mange l'autre. Il y a peut-être une logique qui nous dépasse. La question qu'on se pose c'est : qu'est ce qui nous différencie du reste du monde vivant ? Mais c'est sûr qu'il n'y a pas de passion dans ce fait. Tu dis qu'il y a de la raison parce que c'est ainsi que l'espèce humaine évolue, Mais qu'en sait-on vraiment ? Que sait-on de l'animal et du végétal ? On commence à dire qu'ils ont des langages, qu'ils s'entraident entre espèces etc. Le pire de la passion de l'homme c'est de tout rapporter à lui.

    Pierre M : Je n'ai pas dit qu'il y avait de la passion, j'ai assimilé ces lois qui régissent la vie à celles de la passion. C'est à dire qu'on ne peut pas y échapper et qu'elles ont un caractère extrême. Ce n'est pas mon credo, mais s'il y a eu un instigateur des règles du vivant, le fait d'installer des règles aussi violentes ça ne pouvait aller qu'avec une certaine passion.

    Philippe C : Tu as employé un mot à propos de l'humain que j'ai du mal à avaler c'est la notion de progrès.

    Anne : Vincent Bontemps (philosophe des sciences) parle de la raison dans la pensée de Bachelard : « La conviction de Gaston Bachelard  est que la raison n’est véritablement elle-même que lorsqu’elle progresse, c’est-à-dire quand elle invente une nouvelle appréhension du réel qui entre en conflit avec ses certitudes antérieures, si elle révise ses propres normes et s’engage dans l’exploration d’un champ théorique et expérimental dont la reconfiguration entraîne la transformation de l’identité même du sujet et de l’objet de la connaissance. » On est là vraiment dans ce qu'est l'être humain, on peut difficilement imaginer que des animaux aient ces capacités. Malgré ce que tu penses, Philippe, l'être humain a peut-être un espoir de progresser.

    Pierre F. : C'est ce qu'on vit actuellement. Après avoir pensé qu'on pouvait dominer la matière et que tout était à notre service, on est en train de réhabiliter les choses en considérant que les autres espèces ont leur utilité. Il y a donc un nouveau paradigme, il y a quelque chose de nouveau qui est en train de naître actuellement et qui entre en conflit avec nos manières d'agir. Autrefois où on ne pensait qu'à se servir.

    Michel : Depuis le début de la vie sur terre il y a eu quatre grandes extinctions de 99% de tout le vivant : le cambrien, le dévonien, le trias jurassique, le crétacé tertiaire. Les paléontologues disent que nous sommes dans l'anthropocène. Nous sommes en train de préparer la cinquième extinction massive. Heureusement qu'il y a des passionnés pour préserver la faune et la flore. Pour en revenir à la passion, j'ai eu l'occasion de voir ce qu'on appelait autrefois des fondus. C’étaient, quelqu'un qui vivait avec sa collection de timbre, d'autres qui faisait de l’électronique etc. Ils étaient tellement passionnés qu'ils en ont donné le virus à leurs copains et en ont fait leur métier. Ce virus de passionnés se transmet de l'un à l'autre.

    Mireille : Entre passion et raison tout est question d'équilibre. On peut aussi bien se faire dévorer par la raison que par la raison.

    Anne : J'ai entendu hier à la radio Jean-Pierre Mignard, qui est avocat et écrivain, il parlait du couple Don Quichotte/Sancho Pança. Il comparait Don Quichotte à la passion et Sancho Pança à la raison, les deux étant inséparables pour avancer, ne serait-ce que cahin-caha. C'est une belle métaphore pour montrer que le couple passion/raison est indissociable.

    Mireille : Pour répondre à Catherine qui demandait quelle était la réponse à la question d'aujourd'hui, je dirais que la passion peut exclure la raison quand on tombe dans le pathologique, sinon passion et raison se croisent et s'entrelacent et s'équilibrent. Il faut rester clairvoyant de ce qu'on fait et vit. La grande difficulté de la vie c'est de ne pas tomber dans les extrêmes.

    Pierre M : Dans la conception de la passion qu'on a, si on arrive à mitiger la passion avec la raison, si une passion peut être raisonnée, peut-on encore parler de passion ?

    Anne : Quand on vit une grande passion c'est assez épuisant, ça peut difficilement tenir sur le long terme. Après cette intensité, si la raison vient tempérer l'énergie, ou rajouter de l'énergie à quelque chose qui pourrait disparaître, cette passion sera peut-être moins intense mais va durer. C'est ce que disait Françoise à propos de la passion amoureuse.

    Pierre M : Je pense à des grands passionnés comme Marie Curie. Sil elle n'avait pas été passionnée aurait-elle découvert la radioactivité ? Elle faisait bien le rapport entre la radioactivité et ses problèmes de santé. Malgré les séquelles physiques qu'engendraient ses recherches, elle est allée jusqu'au bout et pour cela il fallait qu'elle ait un feu interne, qu'on peut appeler passion, qui la dominait.

    Pascale : Tous les grands scientifiques sont des passionnés. Il y en a même qui sont allés jusqu'à donner leur vie pour refuser de donner leurs découvertes.

     

    Fermeture des échanges (par Anne)

     

    Passion : état affectif intense et irraisonné, nous a dit le Larousse. J’en ai trouvé une description, parmi beaucoup de possibles, chez Federico Garcia Lorca dans Jeu et théorie du Duende (le Duende étant intraduisible, peut-être un sentiment propre aux andalous ?):

    « On sait seulement qu’il brûle le sang comme une pommade d’éclats de verre, qu’il épuise, qu’il rejette toute la douce géométrie apprise, qu’il brise les styles, qu’il s’appuie sur la douleur humaine qui n’a pas de consolation, qu’il entraine Goya, … à peindre avec ses genoux et avec ses poings dans d’horribles noirs de bitume… ».

    Mais je pense aussi à des gens comme Éric Tabarly, qui a mis sa raison au service de sa passion, ce qui lui a permis de la vivre pleinement en en faisant aussi profiter le plus grand nombre.

    Comme si la passion, au lieu de « se la jouer » seule, faisait équipe avec la raison pour gagner la partie. Ils nous montrent le côté lumineux, créatif, de la passion, dont la face sombre pousse au crime ou à la destruction

     

    Texte poétique (lu par Anne)

     Tiré de « Le prophète » de Khalil Gibran

     « Votre raison et votre passion sont le gouvernail et les voiles de votre âme navigante. Si vos voiles ou votre gouvernail se brisent, vous ne pouvez qu’être ballottés et aller à la dérive, ou rester ancrés au milieu de la mer.

    Car la raison, régnant seule, restreint tout élan ; et la passion abandonnée à elle-même, est une flamme qui brûle jusqu’à sa propre destruction.

    Ainsi, que votre âme élève votre raison à la hauteur de la passion, pour qu’elle puisse chanter ;

    Et que la raison dirige votre passion pour que votre passion puisse vivre dans une quotidienne résurrection et tel le phénix renaître de ses propres cendres. »

     

    Que vous ayez été présent ou non à cette rencontre, si vous voulez apporter un complément à ce débat, n’hésitez pas à faire un commentaire en cliquant ci-dessous.  Vous pouvez être avertis des commentaires faits en vous inscrivant à la Newsletter (en bas de la page à gauche). Merci pour votre participation et rendez-vous Dimanche 28 Mai (même heure, même lieu)La question choisie à mains levées, est « L’utopie a-t-elle de l’avenir ? »Le thème choisi pour le 29 septembre est « La tradition ». Préparez vos questions.

    Mireille PL

     

     

     

     

     


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  •   5 à 7 Philo du dimanche 31 mars 2019 : 25 participants

    La mémoire est-elle est-elle indispensable à la conscience ?

    Introduction (par Mireille)

    Analyse de la question

    « La mémoire… »

    L'étymologie du mot « mémoire » est formée à partir du nom commun d'origine latine « memoria » qui signifie « l’aptitude à se souvenir », mais aussi l’ensemble des souvenirs ». Il est dérivé de memor « qui se souvient », « qui fait se souvenir »  

    En psychologie cognitive, la mémoire est la faculté de l'esprit ayant pour fonction d'enregistrer, conserver et rappeler des informations. Toutes ces informations mémorisées dans notre cerveau ne sont pas de même nature. La première distinction concerne la durée d'un souvenir : on distingue le système de mémoire à court terme du système de mémoire à long terme. Une information est d'abord encodée, puis stockée. Mais tout encodage n'est pas suivi d'un stockage, car nous oublions en permanence des informations inutiles. Heureusement, sans cela notre cerveau serait vite saturé ! 

    En psychanalyse, le terme de mémoire est relié à la métapsychologie et donc la notion d'inconscient, de refoulement.

    La mémoire collective désigne les souvenirs partagés au sein d'une collectivité.

    Le devoir de mémoire désigne un devoir moral attribué à des États d'entretenir le souvenir des souffrances subies dans le passé

    En philosophie, la mémoire désigne la persistance du passé. Le passé peut persister sous forme de simples habitudes; mais la mémoire renvoie plus proprement à la représentation du passé.

    Le principal synonyme de « mémoire » dans le sens philosophique est « souvenir »Les Grecs avaient deux termes pour dire souvenir : Menèmé, c'est le souvenir comme apparaissant passivement (malgré moi, habitude), Anamnésis, c'est le souvenir entendu comme une recherche, comme un rappel, « l’action de rappeler à la mémoire »

    « … est-elle indispensable… »

    « Pour lequel il n'y a pas de dispense, d'exception » « dont on ne peut se dispenser, qui a un caractère obligatoire »

    « …à la conscience ? »  

    La conscience : conscience vient du latin conscientia  qui est formé de cum qui signifie « avec », et de scientia pour « science », c'est-à-dire avec connaissance, savoir 

    Larousse : « - Connaissance, intuitive ou réflexive immédiate, que chacun a de son existence et de celle du monde extérieur. - Représentation mentale claire de l'existence, de la réalité de telle ou telle chose. »

    Cnrtl : « [Chez l'homme, à la différence des autres êtres animés] Organisation de son psychisme qui, en lui permettant d'avoir connaissance de ses états, de ses actes et de leur valeur morale, lui permet de se sentir exister, d'être présent à lui-même »

    Dans l’Antiquité, la notion de conscience n’existait pas : seul le “noos”, l’esprit connaissant, avait une valeur. C’est la modernité philosophique qui a donné au sujet une conscience. Descartes l’a posée comme le socle de la connaissance car la conscience a résisté au doute méthodique, elle peut donc servir de fondement sur lequel s’édifierait l’ensemble du savoir.

    Introduction à l’échange

    La mémoire est-elle indispensable à la conscience ? Avant d’apporter une réponse à la question, je propose qu’on se penche sur ses mots clés mémoire et conscience.

    C'est un fait : nous avons une certaine faculté, que nous nommons la mémoire. Nous sommes en mesure de nous souvenir de notre passé qu’il soit lointain ou immédiat. Nous savons retenir un certain nombre de choses acquises. Mais quel lien cela a-t-il avec la conscience ?

    Qu’est-ce que la conscience ? Je vous ai donné les définitions générales du concept de conscience. Il y a quelques temps nous avions déjà débattu sur ce concept de conscience en essayant de répondre à la question « La conscience de soi est-elle une connaissance ? », nous avions mis en évidence le rapport entre conscience et connaissance.

    Lalande (20ème) – « La conscience est la connaissance plus ou moins claire qu’un sujet possède de ses états, de ses pensées et de lui-même »

    La connaissance est tout un ensemble d’informations stockée par le biais de l’expérience ou de l’apprentissage (a posteriori), ou à travers l’introspection (a priori). Dans le sens plus large, il s’agit de la possession de multiples données interdépendantes qui, à elles seules, ont une moindre valeur qualitative.

    Quels rapports la mémoire entretient-elle avec la connaissance ? Est-elle indispensable à la conscience ?

    Résumé des échanges (par Mireille)

    La mémoire

    Absence de mémoire, maladie d’Alzheimer

    Pierre M. : En l’absence de mémoire l’homme ne serait qu’un miroir avec des images qui se reflètent et passent. Chaque instant serait fugitif.

    Nadine : On voit bien avec la maladie d’Alzheimer que sans mémoire on n’est rien.

    Anne : On ne sait pas, je ne pense pas qu’on ne soit rien.

    Daniel : J’ai remarqué avec mon père atteint de la maladie d’Alzheimer ; qu’elle frappe surtout la mémoire immédiate. On voit que ces malades n’ont pas conscience du moment présent.

    Michèle : Les malades d’Alzheimer ont des mémoires affectives. Ils peuvent vous reconnaitre par le toucher, la vue, l’ouïe, l’odorat mais ils seront incapables de vous nommer. Ils ont une mémoire sensorielle. Mais ils perdent la conscience de soi et de ce qui doit se faire, ils n’ont plus aucune conscience.

    Mécanisme de la mémoire, le souvenir

    Michel : En traumatologie on a observé chez beaucoup de patient que la mémoire tourne en rond. La mémoire est quelque chose que consciemment on ne peut pas éteindre ou effacer, c’est une fonction qu’on ne sait pas commander.

    Linda : Trop de mémoire, trop de conscience, trop d’informations peut nous paralyser et nous faire mal.

    Anne : Il y a quelque chose d’intéressant que j’ai entendu dans une émission sur France Culture, où ils parlaient des gens qu’on appelle « les fulgurés » : ce sont des personnes qui survivent à la foudre, alors que les foudroyés eux en meurent. Ils disaient qu’une personne se remettant lentement de séquelles physiques (comme après un AVC) voit pendant environ 2 mois son activité cérébrale décuplée, en particulier des souvenirs très précis de détails de sa vie, de sa petite enfance jusque-là oubliés, ce qui rejoint ceux d’épileptiques, et de ceux qui se sont approchés du seuil de la mort : souvenirs extrêmement clairs, si lointains soient-ils. Ça pose la question du stockage des souvenirs et de la conscience.

    Philippe C. : Tu viens de poser la question du souvenir, ce n’est pas la même chose que la mémoire. Le souvenir est la reconstruction individuelle d’un évènement passé. Combien de fois on entend quelqu’un dire « je me souviens de mon enfance, j’ai fais ci, j’ai fais ça… » et le frère ou la sœur qui a vécu la même chose n’a pas du tout le même souvenir. Le souvenir est quelque chose qu’on retravaille et qu’on arrange un peu à sa propre sauce, c’est très personnel.

    Anne : Et la mémoire dans tout ça. Où la stocke-t-on ? Je crois qu’il y a une zone de la mémoire dans le cerveau. Mais je pense que ce qui va déclencher le souvenir sont les perceptions qui nous ramènent à un vécu, une odeur, un goût etc. Est-ce que c’est stocké dans les terminaisons nerveuses ?

    Philippe C. : On ne sait pas vraiment.

    Marie Claude : J’ai du mal à faire la différence entre mémoire et souvenir.

    Linda : Le souvenir est subjectif.

    Catherine : La mémoire serait peut être simplement une fonction : il y a des gens qui ont beaucoup, d’autres pas. Le souvenir est du vécu, qui traverse l’ensemble de l’être : les sensations, les émotions.

    Jacques : La mémoire c’est le disque dur dans lequel sont enregistrées les informations. Et le souvenir c’est la restitution et l’interprétation individuelle de ses informations.

    Nathalie : J’ai l’impression que le souvenir a une capacité à enjoliver les évènements, ou à les dramatiser et la mémoire nous ramène aux faits réels et à en prendre conscience.

    Mireille : On dit « J’ai en mémoire un souvenir ». La mémoire, c’est ce qui va me faire retenir une fable de La Fontaine, un évènement historique, un théorème de mathématique etc. ; la mémoire est très proche du réel, de choses bien définies communes à tous ; Dans le souvenir il ya une subjectivité mêlée d’imaginaire, c’est une interprétation de ce qu’on a mémorisé. Paul Ricœur l’explique très bien, pour lui le souvenir pose trois problèmes : « Se pose la question de sa formulation, celle d'une représentation de ce qui a été et par conséquent obligatoirement subjective. La mémoire donne la trace présente de ce qui est absent puisque passé. Cela pose alors le problème de la frontière entre le réel et l'imaginaire car le rapport avec l'antériorité amène la question de ses représentations… La mémoire inclut un mode de lecture du fait raconté… Cette même lecture sera perçue par autrui selon la personnalité de l'énonciateur. ». Nombre de souvenirs n'émergent que parce la situation les sollicite. Les cadres sociaux de la mémoire sont les instruments dont l'individu se sert pour recomposer une image du passé en harmonie avec les demandes du moment. Il y a aussi des souvenirs fabriqués à partir de photos ou de récits qu’on nous fait de notre vécu, qu’on a oublié.

    Pierre F. : Quand tu as comparé la mémoire à un disque dur c’est quelque chose de parlant. Tous les évènements, tout se que je vis, entrent inconsciemment dans ma mémoire. Est-ce bien cela qui se passe ? Où est-ce que j’ai besoin de conscience pour placer dans le disque dur ce qui se passe ? Ça devient très complexe. Ensuite il y a ce que je suis qui va intervenir pour changer, pour transformer etc. c’est pourquoi les souvenirs sont éminemment subjectifs. Dans un disque dur il y a un mélange d’informations et de choses construites.

    Jacques : Dans un disque dur il y a les data, les données, les informations, et puis les logiciels qui permettent d’utiliser ces informations qui pour l’humain  serait peut être l’intelligence. L’intelligence qui va utiliser les informations qui sont dans la mémoire et va aider à la prise de conscience. En fait il y a la mémoire et la conscience et entre les deux il y a quelque chose qui va faire le lien.

    Linda : La différence c’est que les instruments informatiques n’enregistrent ni les sensations, ni les émotions.

    Anne : Bergson dans « Matière et Mémoire »,  s’est beaucoup penché sur la question de la mémoire. Je le cite : « Mais si nous ne percevons jamais autre chose que notre passé immédiat, si notre conscience du présent est déjà mémoire, les deux termes que nous avions séparés d’abord vont se souder intimement ensemble. Envisagés de ce nouveau point de vue ; en effet, notre corps n’est point autre chose que la partie invariable invariablement renaissante de notre représentation, la partie toujours présente, ou plutôt celle qui vient à tout moment de passer. Image lui-même, ce corps ne peut emmagasiner les images, puisqu’il fait partie des images. C’est pourquoi l’entreprise est chimérique de vouloir localiser les perceptions passées ou même présentes dans le cerveau : elles ne sont pas en lui, c’est lui qui est en elles.» C’est sûr qu’à l’époque où il a écrit ça les neurosciences n’étaient pas très avancées, elles ont fait depuis un pas vertigineux. Tout à l’heure je voulais aussi vous citer une de ses phrases où il a une image que j’aime beaucoup, c’est dans « La pensée et le mouvant » : « Nous nous apercevons dans l’instantané, nous parlons du passé comme de l’aboli, nous voyons dans le souvenir un fait étrange ou en tout cas étranger, un secours prêté à l’esprit par la matière. Ressaisissons-nous au contraire, tels que nous sommes, dans un présent épais et, de plus, élastique, que nous pouvons dilater indéfiniment vers l’arrière en reculant plus ou moins l’écran qui nous masque à nous-mêmes. » 

    Nadine : J’apporterais de l’eau au moulin de Marie Claude, effectivement pour qu’il y ait souvenir il faut qu’il y ait la mémoire, il faut les deux

    Mireille : Dans un cours sur le site « la-philosophie.com », il est dit à propos du souvenir : « La mémoire, en philosophie, désigne la persistance du passé. Le passé peut persister sous forme de simples habitudes; mais la mémoire renvoie plus proprement à la représentation du passé.

    On peut identifier 5 éléments dans la mémoire :

    – la fixation des souvenirs

    – la conservation des souvenirs

    – le rappel des souvenirs

    – la reconnaissance du souvenir

    – la localisation du souvenir »

    Cela peut faire penser que la mémoire est le contenant et que le souvenir est le contenu. La mémoire est le contenant de perceptions duquel la conscience extrait le souvenir.

    Mémoire collective

    Linda : La mémoire et la conscience collective peuvent être voilées sciemment.

    Daniel : Dans votre introduction vous avez rappelé cette notion de mémoire collective ; On a tous conscience que si on se souvient collectivement des erreurs du passé c’est en fait pour ne pas les reproduire ?

    Mireille : Quand on parle de mémoire collective on pense à la mémoire d’un peuple, d’une nation ; mais en premier il y a la mémoire collective familiale. Avant l’école, c’est la famille qui aide l’enfant à l’apprentissage de la mémoire. Ce qu’on transmet à l’enfant, nous a été transmis par nos parents qui eux même l’on reçu de leurs parents et ainsi de suite. C’est ce qui fait l’esprit de famille. Ensuite toute l’école est une école de mémoire collective pourrait-on dire, l’enseignement se base sur notre histoire, notre littérature etc. Dans la mémoire collective il y a une notion d’héritage.

    Catherine : Tu parles de mémoire familiale, par expérience je peux dire que c’est parfois pesant, trop de mémoire peut enfermer.

    Devoir de mémoire

    Monica : On a parlé du devoir de mémoire. Le devoir de mémoire implique une connaissance et une prise de conscience de l’évènement et de son importance. Ensuite, c’est à nous de voir ce que l’on en fait. Je pense à la Shoah, il y a encore des personne pour nous transmettre le souvenir de leur vécu, les plus jeunes peuvent, à leur tour, prendre conscience de ce qui s’était passé, et nous pouvons agir de façon à ce que ça ne se reproduise pas. La mémoire est obligatoirement liée à la conscience.

    Catherine : Je pense que les commémorations sont parfois imposées, je pense dernièrement au Venezuela (je crois) ou le chef d’état a voulu organiser une fête pour commémorer l’arrivée des militaires et le coup d’état. Il y a des devoirs de mémoire inculqués et je pense que nous devons garder un esprit critique par rapport au culte de la mémoire.

    La conscience

    Pierre F. : Il me semble que la conscience a une vie en propre ; Qu’elle fait quelque chose de toute cette mémorisation. Elle l’organise et chacun l’organise à sa manière. C’est quoi cette vie en propre ? Quels sont ces mécanismes ?

    Philippe C. : Dans tout ce qui a été évoqué dans l’introduction, à propos de la conscience, il y a un aspect qui manque c’est que pour beaucoup de philosophes le concept de la conscience est liée à celui de la morale.

    Anne : Albert Jacquard donne une définition de la conscience qui correspond aussi à celle donnée par d’autres philosophes : «  Ce regard créateur d’objets, chaque humain est capable de le diriger sur lui-même. Il fait alors de sa personne l’objet de son discours. Du coup non seulement il est, mais il se sait être. C’est cela la conscience. C’est une performance qui nous permet de nous savoir être. » Il n’y a pas cette notion de morale que tu évoques.

    Philippe C. : Là il s’agit de la conscience de soi et non de la conscience de ce qui nous entoure

    Linda : On a une expression qui dit « on prend conscience de ». Est-ce prendre connaissance d’un fait ? Quand on prend conscience d’une chose ça va au-delà d’une simple connaissance de celle-ci. N’est-ce pas mesurer l’importance qu’elle prend sur ma vie, sur notre vie ?

    Marie : Prendre conscience c’est s’approprier cette chose, cet évènement.

    Mireille : On peut prendre conscience de faits mémorisés dans notre inconscient. Pour moi la conscience est un éveil.

    Pierre M. : Il me semble intéressant de définir le terme de conscience par son absence : l’absence de conscience. Que veut dire être inconscient ? Je me souviens avoir appris cette phrase « Science sans conscience n’est que ruine de l’âme » je ne me souviens plus elle est je crois de Rabelais.

    Pierre F. : La conscience pour moi est une énergie, elle a une dynamique qui lui est propre. C’est une force qui a des conséquences sur la manière d’être et de vivre Elle utilise tous les souvenirs (vécus, savoirs etc.), elle les organise, elle se les approprie pour devenir conscience de quelque chose. On peut parler de « prise de conscience »

    Anne : Comment ce qui a été mémorisé revient-il à la conscience ?

    Mireille : Avant la mémorisation et la prise de conscience il y a la perception. Pour Bergson, la conscience est le lieu où les évènements s’impriment « en clair » pour employer une expression d’aujourd’hui. Elle peut alors les crypter et les refouler dans l’inconscient de la mémoire ; c’est l’oubli. Etre conscient ce n’est pas seulement percevoir le présent, c’est se l’approprier en l’intégrant au passé. La conscience chez Bergson est une chose concrète, c’est-à-dire une réalité dont nous faisons l’expérience à chaque instant. Elle apparait d’autant plus clairement qu’elle se réalise à chaque rapport au monde car elle accompagne chacune de nos perceptions et chacun de nos actes. Tous ce qu’on perçoit même inconsciemment s’impriment dans notre mémoire. Le problème d’aujourd’hui c’est que tout va trop vite, notre perception est sans cesse sollicitée par tout un tas d’informations et notre conscience n’a plus le temps de faire le tri. Elle ne peut plus jouer, ou mal, son rôle de pont entre le passé et le futur. C’est une des raisons qui fait qu’aujourd’hui on a de plus en plus de mal à se projeter dans l’avenir. Donc on imprime les évènements de façon consciente ou inconsciente mais je ne crois pas que ce soit la conscience qui fasse le tri c’est notre « Moi » qui le fait. Ce n’est pas ma conscience qui est active c’est moi. C’est vrai aussi bien au niveau individuel que collectif. La conscience des évènements passés n’est pas la même d’un individu à l’autre ou d’une génération à une autre. Elle n’est pas la même dans l’immédiat que dans le temps.

    Philippe C. : Pour te répondre : Qu’est-ce que c’est que la conscience ? Oui, on a conscience, mais conscience « de » quelque chose ? C’est la relation entre la conscience et l’esprit. Je n’ai pas de définition de l’esprit, par contre, je sais que j’ai un cerveau, et que c’est ce cerveau qui fait tout un travail avec les éléments qu’il a engrangés. La part de l’inconscient est une chose très particulière ; est-ce vraiment philosophique ou est-ce plutôt scientifique ? C’est quand même à partir de découvertes scientifiques qu’on a commencé à parler de l’inconscient, avant il y avait que la conscience « de » quelque chose. Conscience veut dire « avec science », mais qu’était la science à l’époque où ce concept a été formulé ? Aujourd’hui la neuroscience permet de mieux comprendre le mécanisme autant de la mémoire que de la conscience de soi, des autres ou de ce qu’on perçoit ? C’est une mécanique qui nous appartient à tous parce qu’on a tous des neurones (plus ou moins).

    Anne : Dans l’Essai sur les données immédiates de la conscience, Bergson distingue la « conscience superficielle » faite d’états psychiques distincts et successifs et la « conscience attentive » qui échappe à la quantification, au déterminisme et, par conséquent, à toute approche scientifique.

    Catherine : Comme on fait des voltiges avec les concepts j’ai envie de jeter ça : la conscience ne serait-elle pas l’actualisation du passé ?

    Mireille : Puisque le présent n’existe pas on pourrait dire oui.

    Anne : Dans une émission sur Arte : « Les pouvoirs du cerveau », sur la conscience, le neurologue Antonio Damasio disait : « Etre conscient, c’est ressentir ce qui se passe à l’intérieur et à l’extérieur de notre corps » et « la sensation de notre intériorité »…. « Le cerveau traite des infos qui n’accèdent pas à la conscience. ». Il prend entre autres exemple celui des illusions d’optique.

    La conscience et la temporalité : 

    Marie : Pour moi la mémoire c’est le passé. Ce n’est pas le moment présent. Est-ce que la conscience est l’avenir ?

    Mireille : Bergson lie les trois. Il compare ce lien à celui d’une  mélodie, où les notes s’interpénètrent pour donner un écoulement continu et une harmonie. Il dit, je le cite : « la conscience est un trait d'union entre ce qui a été et ce qui sera, un pont jeté entre le passé et l'avenir. » Sans mémoire, sans conscience du passé nous ne pouvons nous projeter dans l’avenir.

    Anne : J’ai interprété un petit peu différemment ses propos. Il m’a semblé que pour lui l’instant de la conscience n’existe pas, car à partir du moment où l’on prend conscience de quelque chose elle est déjà dans le passé.

    Pascale : Si la conscience n’est pas l’instant présent, ne dure pas, où est la conscience ? Ne peut-on pas envisager un présent qui ait une certaine durée qui peu permettre l’action ?

    Anne : C’est ce que dit Bergson. Il parle de conscience comme de quelque chose de dense et d’élastique.

    Mireille : Il dit aussi, je le cite : « la conscience est un trait d'union entre ce qui a été et ce qui sera, un pont jeté entre le passé et l'avenir […] L’instant présent n’existe pas : dès qu’il apparait, il n’est déjà plus (il est déjà du passé), aussi longtemps qu’il est attendu, il n’est pas (c’est de l’avenir). Dès lors, la conscience du présent n’est qu’une durée constituée par le passé immédiat et l’avenir imminent »

    Mémoire, Conscience, Connaissance

    Linda : Sans connaissance il ne peut y avoir de conscience

    Jean Luc : La mémoire est-elle indispensable à la conscience ? Je dis : oui ! Parce que la conscience est une relation intérieure avec moi-même ou avec le monde d’un état qui s’est produit. Pour avoir cette relation il faut que j’aie la connaissance ; sans connaissance je n’aurais aucune conscience. Pour avoir la connaissance il faut que je me rappelle ce qui s’est passé ; d’où le fameux devoir de mémoire. La mémoire est donc indispensable à la conscience, qu’elle soit morale ou simplement éthique. C’est l’élément de base, après, la conscience peut être beaucoup de chose, ça peut être philosophique, métaphysique, psychologique, peu importe, mais il faut avoir la connaissance, la mémoire de ce qui c’est passé.

    Anne : D’après tout ce qu’on vient de dire, il semble que la mémoire et la conscience ne sont pas dissociables. J’ai lu dans le Sud Ouest du 27 février qu’une biologiste chercheuse au CNRS, Audrey Dursutour, a pu démontrer pour la 1ère fois qu’un organisme sans cerveau (un « blob » : ni animal, ni plante, ni champignon, bizarre être rampant constitué d’une unique cellule géante) pouvait non seulement apprendre, mais aussi transférer sa mémoire à ses congénères. Ont-ils une conscience ?

    Mireille : En lisant Locke j’ai repensé à ce que nous avions dit la dernière fois  à propos de ce « Je » fil continu tout au long de notre vie. Locke dit « La mémoire est le noyau le plus intime de l'être. La mémoire est le lien entre tous les moments de mon existence. Un individu sans histoire n'est rien. Une société, de même. »

    Michèle : Je voudrais parler de la mémoire cellulaire et des travaux d’Etienne Guillé qui dans les années 80 a prouvé que toutes nos cellules avaient une mémoire. Notre corps peut emmagasiner des souffrances dont on n’a pas conscience, mais notre cerveau va les traiter sans que nous en ayons conscience parce qu’il y a une mémoire cellulaire.

    Marie Thérèse : Pour faire suite je citerais Henri Laborit : « tout être vivant est une mémoire qui agit ». Il y a, en effet, cette mémoire cellulaire il y a donc une conscience de la cellule. Où se trouve La conscience ?

    Mireille : Je voudrais revenir sur ce lien « mémoire- conscience-connaissance ». J’ai noté que Les Grecs, ont sacralisé la mémoire, en en faisant une déesse appelée " Mnémosyne ". Ils en ont fait la clef de toute connaissance, et une source de l'humanisation. Ils l'ont même mise à la base de l'édifice social, en récitant sans fin la généalogie des dieux, l'origine des peuples, ou même encore l'origine des mots (étymologie). Il me semble que la mémoire peut s’éduquer en toute conscience ce qui est source de connaissance. On ne peut être conscient que de ce qu’on connait.

    Anne. : Je vais vous lire quelque chose  de François Brooks (philosophe canadien, qui rejoint Bergson) : « Je crois que cette conscience n'existe qu'en fonction de l'existence de ma mémoire. C'est ma mémoire qui me donne la sensation d'avoir une conscience. Sans mémoire, il me serait impossible de me voir comme étant un continuum existant. Cette mémoire crée ma propre individualité puisqu'elle est unique. Cette mémoire s'est constituée peu à peu au fil du temps qu'aura duré ma vie par l'interprétation des stimuli que mes sens ont perçus. Cette interprétation, c'est les émotions du cocktail hormonal auquel est soumis mon corps ; ceci créé des empreintes en moi que j'appelle mémoire. »

    Mireille : Au début 20ème le sociologue Maurice Halbwachs  en collaboration avec des neurologues a travaillé sur le concept de la mémoire et plus particulièrement de la mémoire collective. Il parle de points de repère du passé qui sont des moments de conscience : «Les points de repère (du passé) sont des états de conscience qui, par leur intensité, luttent mieux que les autres contre l'oubli, ou par leur complexité, ils sont de nature à susciter énormément de rapports, à augmenter les chances de reviviscence. Les principaux points d'appui, qu'ils participent à l'histoire personnelle ou nationale, s'avèrent nécessaires au bon fonctionnement psychique des individus »

    Fermeture des échanges (par Mireille) 

    « Conscience signifie mémoire…. empiètement sur l’avenir ».

     « La mémoire est essentielle à la conscience, car si elle disparaît, la conscience disparaît avec elle. En effet, sans souvenirs, nous ne pourrions plus rien reconnaître, donc plus rien percevoir (pas de perception sans reconnaissance), bref nous serions inconscients, nous n’aurions aucune identité, nous ne saurions plus qui nous sommes. Exemple : comment dialoguer sans se souvenir de ce qu’a dit notre interlocuteur pour lui répondre sans être à côté de la plaque ? Pas de sens sans mémoire (essayer de lire sans vous souvenir de rien, n’est-ce pas vous condamner à ne rien comprendre ?). Mais pas de mémoire non plus sans conscience du passé comme étant passé (pour ne pas confondre passé et présent), donc sans conscience du présent et anticipation du futur.

    La mémoire nous fait prendre conscience du temps qui s’écoule : passé, présent et futur. Bergson aime à recourir à l’exemple d’une mélodie, où les notes ne sont pas séparées (même si elles sont jouées les unes après les autres) mais s’interpénètrent pour donner un écoulement continu et une harmonie.  Nous ne sommes constitués que de l’ensemble de nos vécus passés. » (http://lenuki69.over-blog.fr/2017/10/la-conscience-comme-trait-d-union-texte-de-bergson-et-explication-sommaire.html)

    Je terminerai par quelque pensée de Bergson dans (L'Energie spirituelle) : «Une conscience qui ne conserverait rien de son passé, qui s'oublierait sans cesse elle-même, périrait et renaîtrait à chaque instant : comment définir autrement l'inconscience ? […] Toute conscience est mémoire - conservation et accumulation du passé dans le présent. Mais toute conscience est anticipation de l'avenir [...]  Sur ce passé nous sommes appuyés, sur l’avenir nous sommes penchés ; s'appuyer et se pencher ainsi est le propre d'un être conscient. Disons donc, si vous voulez, que la conscience est un trait d'union entre ce qui a été et ce qui sera, un pont jeté entre le passé et l'avenir. »

    Texte poétique (lu par Anne)

    On retrouve Proust avec le célèbre passage de la madeleine qui va permettre au conteur, lorsqu’il aura démêlé les fils de sa mémoire et comme détricoté la tapisserie chamarrée de sa vie,  d’enfin se mettre à écrire. Extrait de « Du côté de chez Swann » :

    « Elle (sa mère, et le conteur est souffrant) envoya chercher un de ces gâteaux courts et dodus appelés Petites Madeleines qui semblent avoir été moulés dans la valve rainurée d’une coquille de Saint-Jacques. Et bientôt, machinalement, accablé par la morne journée et la perspective d’un triste lendemain, je portais à mes lèvres une cuillerée du thé où j’avais laissé s’amollir un morceau de madeleine. Mais à l’instant même où la gorgée mêlée des miettes du gâteau toucha mon palais, je tressaillis, attentif à ce qui se passait d’extraordinaire en moi. Un plaisir délicieux m’avait envahi, isolé, sans la notion de sa cause. Il m’avait aussitôt rendu les vicissitudes de la vie indifférentes, ses désastres inoffensifs, sa brièveté illusoire, de la même façon qu’opère l’amour, en me remplissant d’une essence précieuse : ou plutôt cette essence n’était pas en moi, elle était moi. J’avais cessé de me sentir médiocre, contingent, mortel. D’où avait pu venir cette présente joie ? Je sentais qu’elle était liée au goût du thé et du gâteau, mais qu’elle le dépassait infiniment. D’où venait-elle ? Que signifiait-elle ? Où l’appréhender ?... »

     

    Que vous ayez été présent ou non à cette rencontre, si vous voulez apporter un complément à ce débat, n’hésitez pas à faire un commentaire en cliquant ci-dessous.  Vous pouvez être avertis des commentaires faits en vous inscrivant à la Newsletter (en bas de la page à gauche). Merci pour votre participation et rendez-vous Dimanche 28 avril (même heure, même lieu)

    La question choisie à mains levées, est « La passion exclut-elle la raison ? »

    Le thème choisi pour le 28 avril est  « L’utopie ». Préparez vos questions.

    Mireille PL 

     

     


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